Chers lecteurs, mon premier article a été publié dans Distance et Médiation des Savoirs (avec en prime une contribution à un débat sur l’intérêt de l’analyse des vidéos de MOOC) . C’est le premier d’une série d’une demi-douzaine de papiers issus de mon travail de thèse. A défaut d’en donner exactement le contenu (allez lire la revue directement, elles sont toutes en open source ou presque), je vous fournirai parfois quelques synthèses de ces articles. Ce billet en est un exemple. J’espère que vous trouverez le sujet intéressant, car il est finalement assez peu traité : j’y parle des interactions entre participants qui se déroulent hors des forums de discussion, bien souvent à l’abri du regard des concepteurs.
Problématique
L’importance donnée aux interactions entre participants dans les travaux sur la formation à distance nous a amenés, dans cet article publié dans Distance et Médiation des Savoirs, à nous pencher sur celles qui se mettent en place au sein des MOOC. Comment caractériser les différentes formes d’interaction se mettant en place entre participants en dehors des forums de discussion du cours ? Quelle est la nature des relations entre ces participants? Sur quels canaux ces interactions se basent-elles ? Quel en est l’objet ? Cette étude est basée sur l’hypothèse que les interactions entre participants ne se cantonnent pas à ce que l’on peut observer sur les forums de discussion et les réseaux sociaux. Comme pour l’article précédent, le modèle de Tinto sert de cadre théorique à cette étude de nature avant tout exploratoire.
Méthodologie
Nous nous sommes basés sur l’analyse d’entretiens semi-directifs, afin de mettre au jour ces interactions dans toute leur diversité. Le travail qualitatif fondé sur des entretiens semi-directifs présenté ici est le prélude d’une enquête diffusée dans douze MOOC, selon le principe des méthodes mixtes enquête dont les résultats sont publiés de manière séparée. Au cours de la phase qualitative de ce travail, quarante-et-un entretiens ont été menés. Le canevas d’entretien comprenait, en sus des variables sociodémographiques, des questions sur les motivations pour s’inscrire, sur les comportements observables au sein des MOOC suivis (nature et nombre d’actions réalisées, etc.), et sur les comportements qui n’étaient pas observables par les traces d’interaction, avec en particulier un focus sur les interactions entre participants se déroulant hors des forums de discussion.
Résultats
S’agissant des interactions entre utilisateurs se connaissant en amont du MOOC, et notamment au sein des membres d’un même foyer familial, nous avons constaté que l’objet de l’interaction, généralement réalisée en présentiel, pouvait s’étendre de simples échanges sur le cours, au visionnage conjoint de vidéos, pour aller jusqu’à une collaboration pour la réalisation d’activités censées être individuelles. Les interactions entre personnes du même cercle d’amis peuvent être de nature similaire quant à l’objet des interactions, mais avec cette fois une utilisation plus importante des moyens de communication à distance. Enfin, le dernier cas sur lequel nous nous sommes penchés est celui des collègues qui s’organisent de manière spontanée, c’est-à-dire sans instruction de l’équipe pédagogique, pour travailler sur un MOOC donné.
En ce qui concerne les interactions qui se mettent en place entre des apprenants se rencontrant pour la première fois sur les forums de discussion du cours, sur les réseaux sociaux ou à l’occasion d’activités collaboratives, elles correspondent à une forme d’entraide pour la compréhension du contenu de la formation, et ne se poursuivent pas, a priori, au-delà du MOOC. Il arrive néaanmoins que des participants, après avoir interagi dans les forums, finissent maintenir des interactions dans d’autres cours. Nous concluons sur la formation d’interactions plus ou moins pérennes parmi des apprenants, interactions qui ne se cantonnent pas aux dispositifs dans lesquels elles ont pris leur origine.
Discussion
Ces dispositifs sont gratuits et les cours ne nécessitent généralement pas de prérequis (Cisel, 2018b). Ce sont autant d’éléments qui, par rapport à une formation à distance traditionnelle payante, facilitent la création éventuelle d’échanges au sein du foyer familial, du cercle d’amis, ou du milieu professionnel. En effet, ce sont autant de barrières qui disparaissent si le participant inscrit souhaite inciter des personnes de son entourage à suivre le cours.
Cependant, la seule existence de ces opportunités ne nous renseigne pas quant aux raisons de la mise en place de telles interactions en l’absence, a priori, d’injonctions de la part de l’équipe pédagogique. C’est au prisme du modèle de rétention de Tinto (1975) que nous suggérons, à la lueur de ces extraits d’entretiens, que les utilisateurs de MOOC les plus autorégulés sont suffisamment conscients des éléments qui influent sur leur persistance au sein de la formation pour chercher à mettre en place des stratégies qui maximisent leurs chances de persister dans le dispositif de formation. Or, à la lueur du modèle de Tinto, on peut supposer que l’intégration sociale constitue l’un des principaux leviers dont disposent les participants qui suivent cette démarche, levier sur lequel nombre d’entre eux n’hésitent pas à capitaliser.