Il y a quelques semaines, un nouvel article a été publié dans la revue belge Éducation et Formation sur la question des MOOC (http://revueeducationformation.be/). J’y parle des MOOC comme projet d’apprentissage. Je vous propose dans le billet d’aujourd’hui une petite synthèse de ce travail, dont je vous présenterai sûrement quelques extraits dans les semaines à venir pour vous donner envie d’aller le lire. L’article est centré sur la notion de projet d’apprentissage, vieille de près d’un demi-siècle, et mobilise une enquête que j’ai diffusée au cours de ma thèse. Vous en saurez plus en lisant les quelques paragraphes qui suivent …
Problématique
L’un des principaux objectifs de ce travail consiste à inviter le lecteur à réaliser un changement de perspective eu égard au dispositif qu’est le MOOC, en ne le considérant plus simplement du point de vue du concepteur, mais en l’analysant selon la perspective de l’utilisateur, comme le support d’un projet d’apprentissage, au sens de Tough (1971).
La première partie de l’article est structuré autour de la question suivante : Dans quelle mesure le suivi d’un MOOC s’apparente-t-il à un projet d’apprentissage, fondé éventuellement sur d’autres ressources que celles du dispositif ? Nous nous intéressons dans une seconde partie de l’article aux caractéristiques de ces projets d’apprentissage, avec en particulier une focale sur l’origine du projet, et sur le niveau de maîtrise du sujet par l’apprenant.
Une brève définition de la notion de projet d’apprentissage est nécessaire à la bonne compréhension du cadre d’analyse qui a structuré l’article. Le travail d’Allen Tough s’inscrit dans la lignée des recherches de Houle (1961), et fait écho à une série d’enquêtes sur l’éducation non formelle des adultes menées aux États-Unis au début des années 1960 (Johnstone & Rivera, 1965). L’auteur définit les projets d’apprentissage sur la base d’un certain nombre de critères, dont notamment les suivants : l’individu doit investir au minimum sept heures dans le projet, être maître de l’essentiel de l’organisation de son temps et doit déterminer lui-même ce qu’il va apprendre. Nous défendons dans l’article l’idée selon laquelle cette notion, bien qu’elle pose des problèmes de définition, est particulièrement opératoire dans le contexte des MOOC, et qu’elle contribue à réaliser un nécessaire changement de perspective.
Méthodologie
Cette étude est fondée des questionnaires conçus par nos soins, mais diffusés par des équipes pédagogiques partenaires au sein de leur formation. Elle fait suite à la réalisation de quarante entretiens semi-directifs, au printemps 2015. L’enquête a été réalisée originellement à l’automne 2015 auprès de douze MOOC organisés sur FUN. Nous avons recueilli 6222 réponses. Le taux de réponse, entendu comme le ratio entre le nombre de répondants et le nombre d’inscrits, est compris entre 8 et 23 %. Les cours ont été choisis pour la diversité des thématiques qu’ils couvraient, afin de permettre une généralisation des positions avancées dans l’article.
Résultats
Nous défendons dans cet article l’idée selon laquelle, du point de vue du participant, le suivi d’un MOOC diffère sensiblement du suivi d’une formation à distance payante, du fait de leur gratuité, mais aussi de la faible reconnaissance des certificats associés. Dès lors, l’interruption de l’un ne revêt pas la même signification que l’interruption de l’autre. La démarche des apprenants qui s’inscrivent à un MOOC répond le plus souvent à tous les critères d’un projet d’apprentissage. Cela nous amène à nous pencher sur les motifs d’entrée en formation (Carré, 2002). Le motif opératoire, et en particulier le motif opératoire professionnel, jouent un rôle prédominant dans l’inscription de la douzaine de cours que nous avons étudiés à cet égard. Si la plupart des participants déclarent porter un intérêt pour le certificat, rares sont ceux qui s’inscrivent avant tout dans l’optique de son obtention. Ensuite, la somme des épisodes d’apprentissage excède le plus souvent sept heures, ils sont auto-planifiés. Enfin, l’apprenant est à l’origine de ces épisodes d’apprentissage, à l’exception des cas, marginaux, où le MOOC est intégré dans une formation.
Nous avons aussi cherché à qualifier les éventuels projets d’apprentissage, afin notamment de mieux identifier certaines des raisons pour lesquelles des projets d’apprentissage peuvent avorter. Analyser le MOOC comme un projet d’apprentissage permet de le resituer dans le contexte qui a suscité son émergence, mais aussi de réaliser qu’il n’est parfois qu’une composante d’un projet plus vaste, mobilisant d’autres ressources que celles qui sont offertes dans le MOOC. Ces dernières peuvent être aussi bien d’autres supports d’apprentissage – revues spécialisées sur la thématique du cours – que des personnes-ressources. L’enquête a permis de mettre au jour le fait que la plupart des participants n’avaient jamais reçu de formation à la thématique du cours, et qu’ils ne possédaient tout au plus que quelques notions sur le sujet.
Discussion
Comment expliquer le fait qu’un nombre si élevé de participants suivent le cours dans une logique apparemment opératoire alors même qu’ils n’avaient pas l’intention de se former à la thématique correspondante avant de découvrir la formation dans le catalogue de la plate-forme ? Pour ce faire, nous avons mobilisé la notion de cadre organisateur (Spear & Mocker, 1984), issue des travaux sur les projets d’apprentissage. Elle nous permet d’appréhender comment un événement arrivant dans l’environnement immédiat de l’apprenant suffit pour déclencher un projet d’apprentissage qui n’avait pas été anticipé en amont.
Ainsi, au sein d’un même public coexistent divers niveaux de connaissance des thématiques du cours, que cela résulte ou non d’une formation sur le sujet, cela influe nécessairement sur l’attrition. On peut en effet se poser la question de la capacité des dispositifs à répondre de manière simultanée aux besoins, en termes de projet d’apprentissage, d’un public aussi divers. Rester à un niveau introductif, cela signifie sans doute décevoir les utilisateurs ayant déjà une bonne connaissance du sujet traité et souhaitant probablement l’approfondir. À l’inverse, augmenter le niveau d’exigence du cours, indépendamment de la manière dont on le définit, peut avoir pour conséquence de mettre en difficulté les apprenants, souvent majoritaires, qui n’ont tout au plus que quelques notions sur la thématique du cours.