Ah, les MOOC de langues. Il fut un temps où je vous bassinais avec ça assez régulièrement, où je fulminais contre le manque de réactivité de notre système éducatif, contre toutes ces opportunités manquées, et j’appelais de mes vœux l’apparition de l’enseignant de langues qui se lancerait enfin dans l’aventure. Et bien les Belges ont damé le pion aux Français sur ce terrain-là; et c’est une enseignante de l’Université Libre de Bruxelles, Marjorie Castermans, qui a lancé le premier, intitulé « Anglais pour tous – Spice Up your English ». J’avais réalisé avec un elle un entretien il y a bien longtemps, et je l’ai enfin croisée en personne, à l’occasion du colloque e-formation organisé à Lille la semaine dernière. Marjorie, comme l’appellent ses milliers de fans à travers le monde, fait partie de ces quelques enseignants géniaux, qui, à partir d’un projet qui se voulait modeste, a créé un cours, qui, au fil des itérations, a dépassé la barre des cent milles inscrits. Quelques extraits de notre entretien …
Matthieu : Quel public visez-vous à avant tout un public d’étudiants ?
A la base nous visions un public d’étudiants; le contenu reste universitaire même s’il est simplifié, puisque que l’on vise un public de niveau A2 (cf. la CECR). […] On vise des compétences académiques : prise de note, rédaction d’un texte court, […] Si j’ai de bonnes stratégies de lecture et si je peux lire un petit texte court, je vais être capable de lire trente pages, un texte scientifique, en adoptant les mêmes stratégies.
Matthieu : Et du coup en termes d’attentes, vous aviez un peu des attentes, de ce que donne ce projet de MOOC, de la part de vos participants par exemple, ou d’autre chose ?
Moi ce que j’aimerais vraiment bien c’est pouvoir donner justement cette méthodologie, ne plus avoir de personnes qui se disent « Ah je sais pas comment étudier, je sais pas comment apprendre, je sais pas comment faire face à cet apprentissage » parce que c’est ça aussi qui fait que beaucoup de personnes sont en décrochage à l’université. Ce n’est pas que pour les universitaires, parce que, pouvoir écrire un texte, rédiger, être cohérent dans sa structure, c’est aussi quelque chose dont on a besoin dans le monde du travail.
Avec une plate-forme en ligne, c’est très important d’accompagner très fort l’apprenant, être à la limite peut être un peu trop maternant au début, mais c’est fait essentiellement pour lui permettre de pouvoir être autonomisé au-delà du MOOC, parce que si on fait un MOOC huit semaines, et puis après y a plus rien, c’est super chouette pendant huit semaines et après quoi.
C’est vraiment essayer de pouvoir autonomiser l’apprenant dans son apprentissage, avec cette méthodologie de travail, avec ce calendrier de travail, parce qu’on leur demande de planifier leur travail tout au long du MOOC, de donner des plages horaires quand ils vont travailler, savoir quand ils vont travailler le mieux, savoir quel type d’apprenants ils sont, donc comment ils apprennent le mieux, avec toute cette aide qu’on va mettre en place pour eux, on a vraiment envie qu’ils puissent continuer à apprendre après. Donc ça c’était vraiment une de mes idées clef, quand j’ai commencé le projet, je pense que au fur et à mesure du MOOC on a commencé à avoir des idées pour vraiment bien aider les apprenants, et donc ça serait vraiment ça l’attente principale.
Apprendre une langue c’est social, ça se fait en apprentissage avec des autres, ça se fait dans la relation et l’interaction avec les autres, ce n’est pas quelque chose que je fais de manière isolée. Donc évidemment l’aspect parlé, c’est difficile à développer sur une plate-forme, donc on ne sait pas vraiment comment faire en sorte d’améliorer les compétences orales, mais on peut en tout cas essayer de créer cet échange entre apprenants.
Autonomisation, communauté d’apprentissage, compétences opérationnelles; le moins qu’on puisse dire, c’est que j’ai été séduit par la démarche qui sous-tend ce projet. Comme c’est en général le cas pour les MOOC de langues, le nombre d’inscrits est largement supérieur à la moyenne des autres cours. Croyez-moi ou non, c’est un véritable boulevard; les langues, c’est un des rares domaines où vous ne prenez pas trop de risques dans le sens où vous êtes à peu près sûr de faire salle comble (si tant est que cela ait un sens sur la Toile) pour peu que la qualité du cours soit acceptable. J’espère que nous aurons l’opportunité de voir des projets de ce type se développer en France. A bon entendeur salut.