Je poursuis aujourd’hui la réflexion entamée depuis quelques semaines sur la digitalisation de l’enseignement supérieur. Le travail au sein d’un Bachelor de Data Science de la CY-Tech (ex Université Cergy-Pontoise) m’oblige à mener de petites enquêtes sur le fonctionnement de l’apprentissage en ligne. Je suis sûr que les réflexions qui en découlent pourraient intéresser certains d’entre vous. Il y a quelques jours, j’ai découvert Datacamp grâce à un étudiant, site qui offre des cours en Data Science (Python et R essentiellement), avec des exercices à la clef. Nous avons eu un échange assez riche quant à la manière dont ce site pourrait complémenter les cours que nous offrions au sein du Bachelor, discussion qui a fait écho à des réflexions que nous avions par ailleurs avec des acteurs du numérique, comme Pluralsight et autres, sur l’opportunité de ce type de collaborations. Je vous fais ici un point sur l’avancement de la réflexion.
J’ai évoqué au cours du dernier billet le fait que je regardais ce que faisaient les éditeurs américains. L’idée est de mobiliser leurs ressources pour faire de la classe inversée. Comme je n’étais pas encore convaincu par les offres en termes d’IA (comme le disait dans un commentaire mon collègue Alain Derycke dans une formule que j’ai adorée : il y a loin de la coupe aux lèvres), je me suis penché sur des pure players de l’IA, qui se centrent sur la technologie, plus que sur les contenus. Je cherche des éditeurs qui se centrent sur des banques d’exercices autocorrigés, et un peu adaptatifs. De fil en aiguille je tombe sur Cogbooks, une boîte américaine. En plus de pratiquer les tarifs qui me faisaient tiquer (plus de 30 dollars par élève et par an), il fallait passer obligatoirement par une formation de trois jours à 15.000 dollars. Ouais, bah on repassera hein, c’est pas vraiment adapté au système français cette offre de prix. A la limite je préfère que ce soit affiché d’entrée de jeu sur le site, comme ça on économise notre temps respectif.
Par ailleurs, quand je pose des questions sur le fonctionnement des algorithmes, on me dit que c’est progressif, on passe d’un système de règles préconstruites, à un « advanced algorithm », pour terminer sur du machine learning, le buzzword de ces dernières années. Et vu que je suis pas non plus tombé de la dernière pluie en IA éducative (sans être informaticien non plus hein, restons modeste), je suis du genre : Ah ouais, Machine Learning, du genre Bayesian Knowledge Tracing, Deep Knowledge Tracing, Item Response Theory ? Bah là du coup c’est pas dans le Powerpoint, qui se centre presque toujours sur ces études de cas où l’on voit que dans tel établissement, on est passé de X% à X% d’abandon grâce à la technologie. Curieusement, que du positif. Bon, personnellement, je ne paie pas pour des boîtes noires, donc je réitère mon diagnostic, on n’est jamais mieux servi que par soi-même, installons nos propres IA. Comme je le disais l’autre jour dans the Conversation (puis RFI), PIX est en open source après tout, et a des algos qui font bien le job (codés par des amis super calés).
Bref, je digresse un peu. Du coup revenons à cette banque d’exercices. Après les déconvenues rencontrées avec Knewton et maintenant Cogbooks, changement de stratégie : allons chercher déjà des éditeurs qui font des exercices un peu interactifs, sans que cela ne soit très poussé question IA, et voyons ce que cela donne. En plus de Codecademy, je connaissais Codeschool de nom depuis quelques années (rachetés par Pluralsight). Plein d’exercices et de cours pour une trentaine d’euros par mois. Cela tombe bien, nos étudiants apprennent à coder. En discutant un peu avec l’entreprise, j’apprends que l’on peut avoir plus de 50% de réduction en tant qu’établissements d’enseignement supérieur. Et pourquoi ne pas demander aux étudiants d’investir un peu, pour leur donner envie d’y passer plus de temps ?
Les résultats étaient encourageants, du coup j’ai poursuivi un peu les investigations, regardant aussi les solutions gratuites; un collègue me parle de Freecodecamp. Pas mal aussi, même si l’interface fait moins envie au premier abord. Et enfin, je découvre Data Camp grâce à un étudiant. Des centaines d’heures d’exercices. A première vue, à peu près les gammes de prix que Pluralsight. Mais quelques échanges avec leur équipe commerciale me font découvrir que c’est gratuit pour les universités. Il suffit de remplir un questionnaire. N’est-ce pas merveilleux ? Et dire que j’envisageais un temps d’investir des sommes conséquentes dans ce type de site. En tout cas, cela matche pile poil avec nos besoins. Bien sûr, il reste un certain nombre de questions en suspens. Comment va-t-on suivre les étudiants au juste ? Peut-être y a-t-il un tableau de bord ? Doit-on leur réserver des créneaux de travail dédiés où l’équipe pédagogique serait présente ? Répondre à leurs questions éventuellement ? Quid des données personnelles ? Intégrer ça dans des notes ? Pour le moment, tout cela n’est pas encore réglé.
S’il est vrai que les sites que je vous présente ici sont très contingents des questions auxquelles nous faisons face dans la formation où j’enseigne, je pense que la problématique concerne de nombreuses disciplines. Après tout, des sites généralistes comme Udemy ou Skillshare ont fait leur apparition il y a plus de dix ans, et proposent une offre variée. Il serait temps de se demander dans quelle mesure il est pertinent ou non de faire des croisements avec des curriculums en dur. On s’était bien posé la question pour les plateformes de MOOC après tout, pourquoi ne pas la prolonger sur les éditeurs de cours privés ? Affaire à suivre.