Trouver un modèle économique aux MOOC est devenu ma nouvelle marotte. Je me lance dans les SPOC pour la première fois. Commençons par un petit rappel terminologique. Les lettres de l’acronyme S.P.O.C correspondent aux initiales de Small Private Online Course. Il s’agit, en d’autres termes, d’une formation à distance payante, limité à un nombre réduit d’apprenants. Un SPOC est privé, il est destiné à un public ciblé. Ce type d’approche a très bien marché avec mes collègues MOOCeurs de la première heure, et je me suis dit, pourquoi pas moi ?
Un SPOC peut viser un groupe de salariés au sein d’une entreprise, ou des professionnels issus d’entreprises différentes. Le terme a été popularisé après la vague de MOOC dès l’année 2013, lorsque les acteurs de l’écosystème MOOC ont cherché à monétiser les formations à l’origine pensées pour être gratuites et ouvertes à tous. Il ne s’agit, en vérité, que d’un « rebranding » du concept de formation en ligne payante, plutôt ancien. Dans un SPOC, l’enseignant accompagne tous les apprenants grâce à des outils de forum, de chat et de visio-conférences. L’apprenant n’est plus seul, il intègre, à son rythme, un groupe actif, contrairement à un MOOC où il est en général noyé dans la masse.
Comme je l’expliquais dans mon dernier billet, je cherche à monter des projets de MOOC économiquement viables, et pour cela les SPOC semblent constituer une idée intéressante en plus d’un DU. L’objectif est de proposer des SPOC en français à partir de MOOC produits dans le cadre de la promotion du Bachelor Data Science auprès d’un public d’adultes. Dans l’idée, un SPOC correspond à 30h de formation réparties de la manière suivante :
- 5 à 10h de vidéos (qu’il faut produire soi-même, difficile d’envoyer sur du Datacamp)
- 5 à 10h exercices auto correctifs (Quizz etc.) et activités individuelles
- 10 à 15h d’activités en groupe corrigées par le formateur.
Donc beaucoup plus de travail qu’un MOOC normal. L’idée est de lancer une série de SPOC (encore en projet), pour ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier.
Le SPOC « Données et esprit critique » vise à permettre à l’apprenant de reconnaître des usages de données au sein d’argumentations fallacieux, et de détecter lorsqu’un graphe présente les données de façon trompeuse. La compréhension de la structure d’un argument, de la nature d’une fallace, et d’un biais cognitif constituent la compétence de base. Le reste du cours est consacré à l’identification des différents types d’arguments fallacieux mobilisant des données, selon une logique typologique.
Le SPOC « Données et Intelligence Artificielle : des enjeux techniques aux enjeux sociétaux » serait divisé en deux parties. La première traiterait des techniques de la data science et de l’intelligence artificielle, la seconde des enjeux correspondants. S’agissant des techniques de la Data Science, nous traiterions des sujets suivants : nature des données, techniques de visualisation, traitement et nettoyage de bases de données, clustering et réduction de dimensionnalité, analyse de réseaux sociaux. S’agissant des techniques liées à l’intelligence artificielle, nous traiterions des bases du machine learning et du deep learning. Concernant les enjeux, nous parlerions des problèmes de protection des données, de leur durabilité, de la protection de la vie privée, ainsi que des dérives potentielles de l’intelligence artificielle : erreurs de classification, risques posés par le traitement automatique du langage, etc. Là encore, vous voyez l’approche : visez deux publics à la fois.
Concernant le SPOC « Transformation digitale de l’enseignement supérieur et de la formation », il s’agit de montrer l’intérêt que présentent les learning analytics (données massives issues des traces d’interaction avec un environnement numérique) et de l’intelligence artificielle pour enseigner et former. Nous élargirions, en perspective, sur les transformations pédagogiques en cours médiées par l’évolution du numérique.
Tous ces SPOC sont adossés à des MOOC qui en font la promotion (si vous allez sur FUN, vous verrez les premiers pointer le bout de leur nez). La transposition d’un MOOC en SPOC est facile, car il n’y a que peu de nouveaux contenus à créer (c’est l’interaction avec les apprenants qui prend du temps, mais cet investissement n’a de raison d’être que si la formation a du succès), et elle ouvre la voie à de possibles sources de revenus. Certes, il faut investir considérablement dans la conception et l’encadrement d’activités pédagogiques, mais le jeu en vaut la chandelle. Via sa filiale FUN Corporate, FUN a généré d’importants revenus via ce type de projet au cours de l’année 2020. Nous pensons qu’il est pertinent de tester l’intérêt de lancer plusieurs sessions SPOC à partir des MOOC produits, afin d’expérimenter l’efficacité du modèle sur des sujets porteurs. Ceci est d’autant plus vrai qu’après l’enregistrement au registre spécifique, l’inscription à ces SPOC peut être payée via le CPF, ce qui ouvrirait vraisemblablement la voie à un retour sur investissement supérieur à terme.
A noter que la concurrence est toujours un peu rude. Les thématiques abordées dans les différents SPOC et dans leurs MOOC afférents sont suffisamment porteuses pour que d’autres établissements, français ou américains, aient cherché à se positionner sur ces sujets, notamment en ligne. Cela vaut aussi bien pour les cours sur l’esprit critique, que pour ceux sur les enjeux de la data science et de l’intelligence artificielle ou de l’impact de la data science sur la transformation pédagogique des enseignements. Mais qui ne tente rien n’a rien. La question qui se pose, c’est : en termes d’agilité et de réactivité (le nerf de la guerre), une institution publique est-elle capable de faire aussi bien que la concurrence du secteur, et dans le cas contraire, sa valeur ajoutée (l’exigence de qualité universitaire) suffit-elle à compenser ses éventuelles faiblesses ?
2 Responses to Adosser des SPOC à des MOOC : un classique que je tente enfin