Université et formation d’adultes : se différencier pour exister

Je ne vais pas sortir les derniers chiffres car je ne les ai pas en tête, mais vous le savez sûrement, l’université française pèse bien peu dans le domaine de la formation d’adultes. Je me suis longtemps dit que c’était bien dommage, compte tenu de la richesse des enseignements dispensés et de la pertinence de nombre des formations pour des adultes en reconversion, entre autres publics. D’ailleurs, les organismes de formation n’hésitent pas à débaucher des universitaires lorsqu’ils recherchent des intervenants. Mais s’affirmer en tant que formation d’adultes dans le milieu universitaire est un choix audacieux. Dans les domaines clé, il faut le dire, la concurrence est rude. Je suis bien placé pour le savoir, dans la mesure où je me lance dans un D.U. Data Analyst (en ligne, COVID oblige, cf. notre site) cette année (un peu comme les collègues de Montpellier), et qu’il s’agit dès lors de se faire une place dans un univers ultra-concurrentiel, largement préempté par des entreprises bien organisées, spécialisées, qui savent très bien ce qu’elles font (comme DataScientest, en illustration). Pour trouver son public et exister parmi ce beau monde, je pense qu’il faut dès lors trouver des éléments différenciants. Je vous donne quelques-unes des clés que j’expérimente à ce sujet, et qui je l’espère vous inspireront si vous avez des projets similaires. Et bien sûr, j’utilise volontiers les MOOC.

Attaquons sur la question du contenu de la formation. En premier lieu, là où les organismes de formation optent en général pour Python (en guise de langage de programmation), le fait de me reposer largement pour les cours magistraux sur des plateformes de cours en ligne qui enseignent et R et Python me laissent davantage de liberté.

Python est présenté comme le langage des Data Scientists par excellence. Son succès tient notamment à ses performances et à la richesse de ses librairies dans des disciplines qui ont le vent en poupe, comme le Machine Learning, et en particulier le Deep Learning. Néanmoins, R, riche d’une communauté open source constituée depuis plusieurs décennies, représente un langage encore central à la Data Science. Il est notamment adapté pour les tâches simples de l’analyse et de la visualisation de données. Les instructeurs connaissent en général souvent un peu des deux langages, mais ont généralement une spécialité. En laissant l’apprenant décider le langage dans lequel il travaille, je vise à m’adresser à des publics plus variés.

Ensuite, je suggère aux apprenants les plus avancés de remplacer dans certains cas notre matériel pédagogique par leurs propres jeux de données, si tant est que cela soit jugé souhaitable et faisable par leur structure (leurs données n’auront pas à quitter leur ordinateur, seuls les résultats de leurs analyses devront être communiqués à l’instructeur). Il s’agit alors d’appliquer les mêmes techniques que les autres apprenants à condition que les jeux de données soient assez riches pour autoriser le type d’analyse que nous enseignons. Ce faisant ils peuvent directement appliquer les cours à leurs problématiques, et devenir un atout pour leur organisation, sans attendre la fin de la formation. C’est l’un des éléments qui font généralement obstacle dans la formation d’adultes : que l’organisation accepte de laisser un peu de temps libre à ses salariés. Je pense que c’est un argument-phare de dire que le retour sur investissement est rapide. Attention néanmoins, si l’on propose un accompagnement personnalisé, nous ne réalisons pas les analyses pour les entreprises, il ne faut pas pousser.

Dernier point de différenciation, l’insistance sur les capacités rédactionnelles et les questions d’éthique. Avec une sorte de slogan : Data Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Nous insistons de manière récurrente, au cours de notre formation, sur les enjeux éthiques associés à l’analyse de données, qui sont parfois des données personnelles, dont le traitement est régi par la loi. Au-delà d’une simple sensibilisation aux enjeux du Régime Général de Protection des Données (RGPD), il est nécessaire d’appréhender quelles peuvent être les répercussions d’analyses produites en toute légalité. De même, il peut être utile d’anticiper les applications inattendues, et parfois non souhaitables d’algorithmes de Machine Learning. Par ailleurs, il peut être utile de savoir interpréter de manière critique les résultats d’une analyse, afin de ne pas être cantonné à un rôle de technicien. Et ça c’est quelque chose que je ne crois pas avoir tellement vu dans les « bootcamps » organisés à la chaîne par les entreprises comme le Wagon, Datascientest, etc. Certes, cela veut dire voir moins de techniques en un temps donné, mais c’est les envisager de manière plus approfondie. De toute façon, cela ne sert à pas grand chose de maîtriser mal 50 techniques.

Si je résume, l’idée générale est dans une certaine mesure d’adapter la formation aux desiderata des apprenants. Le maître mot est la flexibilité, l’apprentissage « à la carte », dans un univers académique généralement caractérisé par l’inflexibilité de ses process. Ensuite, c’est jouer sur ce qui nous différencie en tant qu’académiques : on a le goût de l’écriture, de l’interprétation, travail de recherche oblige, et à bien des égards ce sont des qualités recherchées y compris au sein de l’entreprise. En tout cas, souhaitez-moi bonne chance, car je ne suis pas au bout de mes peines avec toutes ces histoires.

 

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