Dans le billet du jour, j’aimerais discuter avec vous de l’opportunité qu’il y a à diffuser ses ressources pédagogiques en ligne. Propriété intellectuelle, impacts en termes d’audience, gestion de votre ego (quand un Youtubeur moins expert obtient dix fois votre visibilité sur le sujet, alors qu’il n’a qu’une licence alors que vous êtes un spécialiste du domaine) : quelques points saillants à garder à l’esprit.
Premier problème quand l’on conçoit des ressources pour sa classe, c’est que l’on a tendance à bidouiller des PowerPoint, des polycopiés, en glanant des images à droite à gauche sans se focaliser plus que de raison sur les problématiques de propriété intellectuelle (raison pour laquelle je fais quelques billets sur la question). Et cela passe sous les radars. Le problème, c’est qu’à partir du moment où l’on partage en ligne, c’est visible et on peut avoir des petits soucis si on ne fait pas les choses correctement. Du coup, si vous voulez partager vos ressources en ligne, il va falloir expurger tout ce qui ne relève pas de votre propre travail ou tout ce qui n’est en tout cas pas sous une licence de libre diffusion. Donc, déjà un premier élément à se poser si vous avez créé des ressources pédagogiques et que vous envisagez de les partager. Il faut expurger tout ce qui est exercice issu de manuels qui ne seraient pas en Creative Commons (CC), toutes les images d’illustration prises sur Internet où vous n’aviez pas les droits. Ou si c’est des licence Creative Commons ou des licences qui vous permettent de partager. Il va falloir que vous retrouviez toutes les sources si vous voulez être carrés. C’est évidemment un frein potentiel.
Ensuite, il y a une question de l’objectif. Quel est le public cible? Admettons que vous l’ayez identifié, quelles sont les clés pour être assuré de l’atteindre ? C’est une question assez récurrente, l’audience des ressources éducatives libres. Certes, quand l’on diffuse sur Internet, on peut toucher tous les continents, mais pour passer du potentiel à la réalité, il faut se poser la question de leurs motivations. Pourquoi donc des individus répartis à travers la planète vont-ils utiliser ces contenus? Vont-ils le faire dans le cadre de leur travail, sur leur temps libre comme un hobby ? Corollaire de cette réflexion : la taille de l’audience touchée. Selon les disciplines, il ne va pas y avoir évidemment la même quantité d’apprenants susceptibles d’être intéressés. Les MOOC de langue et leurs ressources, par exemple, manquent généralement plus difficilement leur cible. Par exemple, un cours de français langue étrangère (FLE) sur FUN MOOC avait dépassé la barre des 100 000 inscrits. Plus d’un million d’inscrits sur des cours pour s’entraîner aux tests d’anglais sur Futurelearn. Des chiffres impressionnants. Si vous vous positionnez sur des sujets très pointus, vous aurez moins de monde après avoir posté le fruit de votre travail sur Youtube. A l’inverse, si vos ressources relèvent de contenus de spécialité, il faut vous poser la question : « est ce que c’est vraiment pertinent de dépenser de l’énergie pour diffuser vmes contenus en ligne ? ».
Dernier problème : la gestion de l’ego enseignant. Pour faire des vues, il faut respecter un peu les codes du Web, se contenter de vidéos courtes, aux antipodes de la conférence universitaire : 5, 6, 7 minutes, grand maximum. Il faut accepter la compétition avec des concepteurs de contenu à l’expertise parfois douteuse, mais rodés à l’exercice de la création de vidéos. En nombre de vues, un enseignant-chercheur médaillé du CNRS pourra ainsi être éclipsé sur son propre sujet par des étudiants faisant licence. Il n’y a rien à faire, personne auprès de qui se plaindre. La concurrence est installée et il s’agit de se plier à ses règles. Si le partage de cours et de ressources en ligne doit être un succès pour le milieu académiques, il faut accepter d’acquérir les codes propres à Internet. Il faudra ainsi choisir avec soin les médias où diffuser le contenu : sites personnels, chaînes YouTube, sites institutionnels. Faire des opérations de promotion sur les réseaux sociaux, et pourquoi pas mettre en place une newsletter et un système d’abonnement. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Acquérir une visibilité peut être coûteux, et même si l’opération est un succès, elle n’est pas nécessairement sans conséquence. Des collègues vont pouvoir visionner votre travail, éventuellement le critiquer. Des trolls et autres individus désobligeants peuvent commenter négativement votre chaîne YouTube. Les concepteurs académiques de contenu sont-ils prêts à endurer ces vicissitudes ?
J’ai fait un panorama très rapide des questions que vous devez vous poser en priorité avant de diffuser du contenu en ligne : propriété intellectuelle, coût de la visibilité, intérêts en termes de public que vous allez toucher. A vous de peser le pour et le contre: partager ou non, et si oui, sous quelle forme?