Economies permises par la digitalisation : exemple du Bachelor Data Science

Déjà publié sur LinkedIn. Dans ce billet, j’aimerais revenir sur les questions d’hybridation sous l’angle de la budgétisation. La focale porte sur la digitalisation de ressources externes, c’est-à-dire l’intégration de ressources pédagogiques que vous n’avez pas créées vous-mêmes. Comme cas d’étude, une discussion sur le Bachelor Data Science lancé par CY  Cergy Paris Université, l’institution dans laquelle je travaille. Pour certains de mes cours, je me suis reposé sur Datacamp, une plateforme de cours de Data Science assez géniale. Il s’avère que pour l’enseignement supérieur, c’est 100 % gratuit. De grosses économies à la clé donc quand l’on enseigne la data science, avec à la clé un modèle économique de la formation qui change du tout au tout. Nous allons parler « budget ».

Datacamp est gratuit, mais tous les six mois nous renouvelons notre abonnement en tant qu’établissement ; nous n’avons pas à débourser un euro. Plus l’on diminue le nombre d’heures passées face aux étudiants pour une UE donnée, plus, en tant qu’enseignant, on peut couvrir des unités d’enseignement diverses. Toutes les heures que les étudiant.e.s passent chez eux, sur la plateforme DataCamp à regarder des vidéos, je ne vais pas les facturer en tant qu’enseignant. Je ne vais pas être payé à ce que des apprenants apprennent chez eux sur DataCamp, ni les regarder visionner ces vidéos en classe. On peut dès lors faire un petit ratio  entre heures facturées / heures d’apprentissage.  Sans digitalisation, on est à peu près sur un ratio de un/un.  C’est-à-dire que, à partir du moment ou un enseignant est face à un étudiant, toute heure passée face à l’étudiant est facturée à peu près en temps réel.

Avec l’hybridation avec Datacamp, ce ratio a chuté pour atteindre 0.72. Ce gain de productivité aurait pu être davantage marqué à l’échelle de la formation, mais, en tant qu’enseignant, je ne pouvais pas imposer ce modèle aux collègues. A mon échelle, j’avais décidé de diviser par deux le nombre d’heures facturées. En d’autres termes, pour une UE de 30 heures, je déclarais simplement une quinzaine d’heures (pendant la période COVID). Cela a une conséquence en termes de nombre d’enseignants impliqués, et donc de couverture des enseignements. Il est très difficile de recruter des gens spécialistes d’un sujet donné, surtout en data science, où les spécialistes du domaine vont souvent soit faire du consulting, soit dans l’industrie. Cela nous a permis de mieux gérer la forte tension sur les ressources humaines. Malgré une équipe réduite, nous avons pu couvrir un cursus varié grâce à Datacamp, car les trous dans la raquette, en termes de compétences, pouvaient être comblés par la plateforme. Nous sommes devenus moins dépendant de profils rares. Plus besoin de mouton à cinq pattes, capable d’enseigner à la fois tel domaine de l’IA, tel domaine de l’analyse des réseaux sociaux en plus du deep learning, etc.

Sur la moitié des UE dont j’ai pris la responsabilité, j’avais depuis longtemps une maîtrise très bonne des techniques mobilisées, car je les pratiquais au quotidien dans mes recherches. Pour l’autre moitié, mes compétences étaient lacunaires. Certes, j’avais étudié un peu les séries temporelles en Master, mais c’était il y a plus de dix quinze ans. Pour une ou deux UE, je n’avais qu’un simple vernis. Néanmoins, l’existence de la plateforme m’a donné confiance, et il fallait assurer les cours annoncés, nous n’avions guère le choix. Je me suis senti plus à l’aise pour développer des cours magistraux sur des sujets que je ne maîtrisais qu’imparfaitement, redevenant moi-même étudiant à certains égards.

En me basant parfois directement sur les diapositives téléchargées de Datacamp, j’ai pu économiser un temps considérable sur la création de de supports pédagogiques, me focalisant ainsi sur les activités les plus efficaces pédagogiquement parlant. C’est un changement de perspective radical par rapport au fonctionnement habituel de l’enseignant-chercheur, mais le jeu en vaut la chandelle.

Cette approche à bas coût tranche avec la vision classique, et souvent erronée, de la digitalisation des cours vu comme investissement. Le modèle est défaillant car les coûts ne sont presque jamais amortis. Si vous voulez vraiment obtenir une réduction de coûts, moins vous investirez, mieux ce sera. Fondez-vous sur des ressources externes peu coûteuses et travaillez vos capacités de médiation. J’aimerais attaquer ce mythe selon lequel le numérique permettrait,  avec un investissement suffisant, de faire chuter les coûts et d’améliorer la qualité de la formation. Tout dépend de la manière dont vous y prenez, et je vous conseille, si vous voulez aller dans cette direction de rationalisation économique, de vous reposer sur des ressources externes. Au risque de me répéter. Evidemment, toutes les disciplines ne sont pas logées à la même enseigne : les ressources pédagogiques diffèrent en qualité et en quantité d’un domaine à l’autre.

Au-delà de la seule rationalisation économique, la démarche m’a permis en fin de compte de passer moins de temps à concevoir des cours magistraux en Data Science, et plus de temps à encadrer les étudiants, à mettre en place des activités pédagogiquement intéressantes mais chronophages. En d’autres termes, ce n’est pas que pour des raisons budgétaires que je me suis lancé dans cette démarche, c’est aussi pour mieux allouer mon temps d’enseignant. Le but n’est pas, évidemment, uniquement de diminuer le nombre d’heures réalisées face aux étudiants (en faisant moins de cours magistraux). Il ne s’agit pas de mettre au chômage des enseignants, même si évidemment la démarche nous a permis d’éviter certains recrutements que de toute façon, nous avions bien du mal à faire. C’est également pour gagner sur le plan pédagogique.

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