Distinguer enseignement programmé et intelligence artificielle en éducation

Nous allons aujourd’hui contraster la logique de l’enseignement programmé et celle d’approches relevant du machine learning, chose que je me plais à faire de temps à autre dans ce blog. Les deux permettent de personnaliser une séquence d’activités pédagogiques, des QCM par exemple. En revanche, les mécanismes de personnalisation diffèrent. En tant que simple utilisateur, difficile de faire la distinction sans une formation dédiée. D’où l’importance de petits billets comme celui-ci pour faire la part des choses.

S’il est une approche emblématique de l’enseignement programmé (programmed instruction en anglais), il nous faut citer les SRS, Spaced Repetition Systems d’une part, et la logique d’embranchement d’autre part. Cela fait presque un siècle que l’on a des machines pour réaliser cet enseignement programmé, donc l’origine des machines enseignées. On peut le faire remonter à Pressey, en Australie, dans les années 30.  Mais le behavioriste Skinner reste la référence (années 60). Ce chercheur est très connu dans le monde de la psychologie, peut-être avez-vous entendu parler de conditionnement opérant, et ses récompenses/punitions pour ancrer un comportement à long terme.

Skinner a beaucoup travaillé sur les animaux, sur les pigeons par exemple (je vous ai mis une de ses vidéos). Mais nombre des applications qu’on utilise au quotidien pour apprendre des langues,  etc se sont une transposition dans le numérique de principes assez anciens du béhaviorisme. La visée de ces techniques consiste à ancrer par renforcement, dans la mémoire à long terme, une connaissance particulière. Il y a eu des machines des machines à enseigner mécaniques produites par Skinner, bien avant même le numérique, qui jouaient le rôle de systèmes de révision. Ce que vous avez maintenant dans une appli de téléphone portable  pour réviser du vocabulaire, eh bien, on l’avait en mathématiques  ou en langues étrangères ou en grammaire, dans ces petites boîtes.

Au fil du temps, la technologie a gagné en complexité. Désormais, vous allez sur Cerego ou Memrise.  Vous aurez ce type de logique d’enseignement programmé, basé sur les courbes d’oublis.  On les nomme les Space Repetition Systems (SRS), ou systèmes à répétition espacée : Memrise, Cerego, Quizlet, ou Anki. Vous avez même maintenant des applications généralistes ayant un petit module de répétition espacée, comme Babbel pour les langues.

Par ailleurs, il y a dans l’enseignement programmé une logique d’embranchement qui dépasse celle de la répétition espacée. Vous connaissez sans doute les « livres dont vous êtes le héros », comme The King of Time. Vous faites votre propre aventure au sein du livre:  vous arrivez à la page 123, et l’on vous dit : « vous avez deux choix en tant que lecteur,  soit vous allez prendre ce chemin qui mène vers un château,  soit vous allez dans la forêt.  Et donc, si vous choisissez l’option A. Rendez vous à la page 234. Si vous choisissez l’option B, allez page 312 ». Dans l’enseignement programmé, c’est un peu la même chose, mais avec des exercices.  Donc si au QCM, vous donnez la réponse A, on vous emmène à telle ressource.  Si vous donnez la réponse B, on vous amène à telle autre ressource.

Dans le cas de l’enseignement programmé, l’arbre des embranchements est stable: il a été pré-construit par un ou des experts, et c’est ça qui va faire la différence avec l’IA : il n’y a pas réellement d’utilisation des données pour améliorer cet arbre au fil du temps. Dans le temps, Smart Sparrow était l’application reine des embranchements. Elle a un peu eu des problèmes commerciaux ces derniers temps,  donc vous aurez plus de mal à la retrouver en ligne, mais elle incarnait très bien cette dynamique  dans le numérique actuel. Ce n’est pas de l’IA car les chemins de l’apprentissage sont préétablis. Il n’y a pas de collecte de données sur les actions de l’apprenant qui va permettre de faire une meilleure adaptation au fil du temps, ou du moins pas de mobilisation des données collectées. C’est un peu comme un livre finalement. Ces livres dont vous êtes le héros, vous pouvez les lire autant de fois que vous voudrez, les pages ne vont pas changer pour autant.

Dans le cas de l’apprentissage machine, le machine learning en anglais (terme que je préfère à IA, trop générique), le système évolue au fil des données collectées sur les apprenants. On en sait chaque fois davantage tant sur le contenu que sur les apprenants, et l’on met ce savoir en action. Il y a réévaluation au fil de l’eau de la difficulté des exercices, par la théorie de la réponse aux items, par exemple, et donc des chemins à suivre. On pourra ainsi déterminer qu’une série d’exercices est plus dure qu’initialement prévue, et l’on va la conseiller aux apprenants les plus avancés uniquement. Et le tout automatiquement, c’est la beauté du machine learning par rapport à l’enseignement programmé.

Leave a Comment

Filed under Non classé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *