Dans ce billet, nous allons parler Teaching analytics (par contraste avec les Learning analytics), un terme anglais qui désigne notamment le suivi de l’activité de formateurs et d’enseignants, sur les plateformes comme les LMS ou les ENT. Les outils sont similaires à ceux mobilisés dans le suivi de l’activité d’apprenants, mais la finalité n’est pas la même (je vous recommande Rémi Venant, collègues de l’Université du Mans, pour des travaux récents sur la question). Quelques précisions …
Si le cours est diffusé sur une plateforme, on peut via les teaching analytics visionner par exemple le travail de préparation d’un cours, en suivre les étapes du développement, ou les modalités d’animation. On peut poser des questions comme « Combien de temps les enseignants passent effectivement en synchrone face à des étudiants en visio ? » Je sens néanmoins que les collègues risquent de se sentir « surveillés ». Quand le cours est fini un quart d’heure en avance, il m’arrive parfois de ne pas meubler (même si c’est rare), de partir un quart d’heure avant la fin d’un cours en synchrone. On pourrait suivre ces petits manquements grâce aux traces laissées par les enseignants, et automatiser la délation, en quelque sorte. Que de bonheur en perspective.
On pourra dès lors mesurer les différences d’investissement d’un enseignant à l’autre. Attention, il faut néanmoins que les traces reflètent l’investissement effectif dans un cours. On peut ensuite mettre en place un système de récompenses pour les plus actifs. Après, évidemment, cela sous-entend que c’est l’enseignant qui fait tout de la conception à l’intégration, et qu’il n’a pas été aidé par une équipe d’ingénieurs pédagogiques, sinon les traces sont inexploitables.
Au-delà des questions d’investissement, on pourra aussi s’intéresser via les teaching analytics échanges entre collègues. Imaginons qu’une plateforme mutualise des cours de beaucoup d’établissements et que les collègues sont censés collaborer entre eux par forum. On pourrait analyser les dynamiques des forums et tirer des leçons des traces laissées par les enseignants. Ensuite, il peut y avoir plusieurs destinataires aussi à ces teaching analytics des gens qu’ils sont plutôt en place d’administratifs, de décisionnaires.
Un projet de pilotage de l’investissement des enseignants dans le numérique, à l’échelle d’un établissement, pourrait être instrumenté par des tableaux de bord fondés sur des teaching analytics, et ce à plusieurs échelles. On peut s’intéresser à un enseignant en particulier, par exemple, pour voir s’il a fait son service en ligne. On peut aussi comparer les dynamiques entre départements d’un même établissement, pour identifier ceux qui sont en pointe. Dans telle université, tel département est le principal pourvoyeur d’enseignants concepteurs de ressources sur la plateforme Moodle. On peut évidemment comparer différentes institutions.
En termes des dynamiques temporelles, on peut regarder l’activité sur une année complète, savoir quelles sont les périodes chargées en termes d’activité. Quand est ce que les enseignants sont les plus actifs sur Moodle ? Pour poster des ressources pédagogiques, ou pour mettre à jour des vidéos, par exemple.
Les TA sont intéressants à mon sens si l’on veut mettre en place une politique ambitieuse d’hybridation et que l’on veut suivre un peu ce qui est en train de se passer, que l’on dépasse d’une part la logique d’initiative individuelle, d’enseignants engagés et de suivi avec des petits tableaux Excel de l’investissement effectif.
Quand l’on veut faire reconnaître son activtié de conception de ressources digitales, l’on se noie souvent sous les tableaux en tant qu’enseignant dans les formulaires à remplir. L’intérêt des traces des teaching analytics serait d’automatiser tout ça, de diminuer la part d’arbitraire, d’auto déclaratif, pour avoir une vision assez structurée et claire, de ce qui se passe. En tout cas, c’est une direction très intéressante à suivre si l’on veut moderniser la manière dont suit la digitalisation des enseignements ou des formations d’un organisme.