La note n’est pas une carotte

L’autre jour je discutais avec un collègue de l’évaluation par QCM.

Je n’ai jamais assisté à ses cours mais l’intérêt qu’il témoigne pour ses étudiants ainsi que la réflexion qu’il a sur son enseignement me font penser qu’il ne doit pas être mauvais prof. Il enseigne notamment à des premières années de filières générales, c’est-à-dire à des grands groupes dont seule une faible part passera en seconde année.

Mon collègue m’explique qu’il se félicite de l’arrivée des boitiers de votes électroniques qui lui permettront de généraliser le QCM en début de cours. Le but de ces QCM est de s’assurer que les étudiants ont bien appris le cours précédent. Il m’explique que le QCM lui sert de carotte pour faire venir les étudiants, que s’il n’y avait pas la note beaucoup ne prendraient même pas la peine de venir et que de toutes manières à la fin du QCM un grand nombre d’étudiants quitte la salle.

Il est loin d’être le seul à vouloir résoudre le problème de motivation et de maturité des étudiants de L1 par cette méthode. Cela dit, cette approche me pose plusieurs problèmes.

Tout d’abord le fait de se servir de la note comme d’une motivation me semble être une erreur fondamentale de l’enseignement en France non seulement à l’Université mais aussi dans le primaire et le secondaire. A mon sens il est très utile de donner des notes aux étudiants pour qu’ils puissent savoir où ils en sont, pour qu’ils puissent également se situer dans leur groupe (la classe, l’amphi voire les autres universités). Mais la note ne doit jamais être une source de motivation. Nous, enseignants, nous plaignons souvent que nos étudiants ne s’intéressent pas à la discipline que nous leur enseignons qu’ils n’essayent que de trouver les trucs et astuces qu’ils leur permettront de résoudre un exercice. Mais si la seule source de motivation que nous proposons à nos étudiants est la note, pourquoi est-ce que les étudiants essaieraient de faire autrement ?

La deuxième raison pour laquelle cette technique me gêne est la raison même pour laquelle elle a été mise en place. Mon collègue m’explique que son but est d’aller chercher les étudiants les plus faibles pour les accompagner vers la réussite. Or dans sa démarche il confond niveau, motivation et attitude. En sanctionnant le début du cours par une note, le groupe d’étudiants sur lequel il souhaite travailler aura peur de rater, sera soumis à la pression de ne pas comprendre le cours qui suivra, certains d’entre eux viendront négocier des points, etc. Finalement, au lieu de porter ces étudiants vers la réussite ils seront d’avantage confrontés à leur échec.

Je dois avouer que voir les boitiers électroniques détourner de leur but initial (favoriser l’interactivité et le débat) me gêne également. Surtout car ils seront sans doute vécus comme une punition de la part des étudiants. Ces boitiers deviendront dès lors un rempart de plus entre l’enseignant et l’étudiant.

A la fin de la conversation, j’ai suggéré à mon collègue de faire les QCM mais de ne pas les noter ou au moins de ne pas compter la note. Ainsi, les élèves qui n’ont pas la bonne attitude ne se donneront pas la peine de venir perturber son cours, les élèves moyens et motivés pourront tester leur niveau en étant accompagnés par leur enseignant. Une autre idée pourrait être de donner le QCM en début de séance et de leur donner une seconde chance à la fin de la séance ou en début de TD. Le deuxième QCM uniquement serait noté et la note prise en compte.

Qu’en pensez-vous ?