Maintenant que nous avons réglé la question du « Pourquoi ? » (l’école centrée sur l’étudiant et son avenir) et en partie la question du « Quoi ? » (l’expérience apprenante clinique), nous pouvons nous consacrer à la question du « Comment ? » et donc du digital. Car si ce blog s’intitule « Transformer l’Ecole dans un Monde Digital », c’est bien car le digital est un moyen – éventuellement un élément de contexte – mais jamais une fin en soi.
Disons-le tout net, les initiatives ou projets qui visent à utiliser une technologie plutôt qu’à résoudre un problème existant, sont voués à l’échec. « Il nous faut un réseau social d’entreprise », « Comment utiliser au mieux le Big Data ? », « Nous allons lancer un projet de X » (remplacer X par la dernière technologie à la mode), sont autant de départs qui mèneront à une perte de temps et d’énergie ; tels autant de marteaux cherchant désespérément un clou…
Nous avons donc notre objectif : servir de rampe de lancement pour la carrière des étudiants, leur mettre le pied à l’étrier, et faciliter une expérience apprenante clinique articulant expertise académique et relations avec des entreprises. Dans ce contexte, le digital est l’outil idéal.
La technologie pour lever les frictions
Car qu’est-ce que le digital en tant qu’outil au service des usages ? En règle générale, les nouvelles technologies de l’information et de la communication « lèvent les frictions ». C’est-à-dire qu’elles permettent la mise en relation d’individus et/ou de ressources. Concrètement, AirBnB, Uber ou Facebook permettent des échanges entre individus ; Wikipedia, Google, etc. donnent accès à des informations, contenus, ou tout type de ressources grâce à l’automatisation de la recherche et une présentation pertinente. A tout ceci s’ajoutent avec le digital les technologies mobiles et l’orientation client qui permet d’être partout et tout le temps disponible et donc d’être vraiment au service de son utilisateur quand il le désire…
Quelle est donc l’utilisation qu’une école peut faire du digital pour être au service de ses communautés ? Tout d’abord, le digital peut évidemment être utilisé pour donner accès : accès à des contenus (MOOCs, vidéos pédagogiques, etc.), accès à des outils (Learning Management System, dossiers partagés, etc.) et d’une manière générale faciliter l’accès à toutes les ressources pédagogiques de l’école. Ensuite, le digital peut être utilisé pour mettre en relation et faciliter l’interaction entre toutes les communautés qui composent une école : les étudiants avec les étudiants, mais aussi avec les professeurs, le staff, les alumni, ou les entreprises partenaires. Et toutes ces communautés peuvent à leur tour être mises en relation entre elles : chercheurs et professionnels, l’entreprise A avec l’entreprise B, etc. La formation et la recherche sont au coeur du développement de l’écosystème économique bien au-delà des seuls étudiants…
L’école a en effet toujours été un réseau social. Les étudiants ne s’y trompent d’ailleurs pas puisqu’ils viennent souvent y chercher avant tout un réseau. Les entreprises veulent « avoir accès » aux étudiants, et les étudiants eux-mêmes veulent « avoir accès » aux meilleures entreprises. Même au niveau des chercheurs, la question du réseau à toujours été fondamentale.
Il convient donc pour les Grandes Ecoles de prendre pleinement acte de la révolution digitale. A l’instar de Facebook, Uber, AirBnB et les autres plateformes en ligne : l’école doit se concevoir comme le centre d’un écosystème de flux et d’échanges au sein de réseaux sociaux qu’elle anime. Elle devient donc une plateforme à part entière, et le digital est dans ce cadre l’outil parfait pour rendre ces échanges plus faciles et plus automatiques. Pour désintermédier ce qui doit l’être afin d’être réellement au service des individus qui composent son écosystème.
La technologie au service de l’individu, pas des processus
Car dans la révolution copernicienne du digital, c’est ainsi qu’il faut concevoir sa mission d’entreprise. Le digital est avant tout au service des individus, avant même d’être au service des institutions. Dans un monde où c’est l’individu qui choisit d’utiliser ou non une technologie, pour que celle-ci soit adoptée, il convient de concevoir toutes les solutions comme entièrement au service de l’individu, qu’il soit étudiant, employé, ou professeur. Le digital doit donc être au service des étudiants plus qu’au service de la pédagogie ; au service des employés plutôt que de l’organisation ; au service des chercheurs plutôt que de la politique de recherche. Les approches « descendantes » ne seront pas adoptées, malgré tout les efforts que peut faire « le management » pour essayer de l’imposer… Le digital est donc aussi l’ère de l’émergence.
C’est d’ailleurs souvent l’une des premières barrières mentales qu’il faut faire sauter lors de la mise en place d’une solution digitale en général, et d’un réseau social d’entreprise en particulier. Trop souvent, le top management de l’organisation envisage l’outil comme au service des processus qu’il essaie de mettre en place. Et la solution est alors trop souvent vue par les employés comme une contrainte imposée et est donc très difficile à faire adopter. Au contraire, il convient de prendre acte de la révolution copernicienne du digital, d’avoir une approche décentralisée, et donc de se mettre pleinement au service du client, de l’employé, ou de l’étudiant, bref : l’individu avant le système.
Par exemple, de quoi a donc besoin un « étudiant-interne » comme contenus ? Quels sont les échanges pertinents dont il pourrait profiter ? Avec le staff, les experts (académiques ou professionnels), ou les entreprises ? Une fois que l’étudiant est mis au centre du processus, et qu’on a l’expérience de ce dont il aurait besoin pour accomplir ses projets, il devient évident d’identifier les cas d’usages, contenus et interactions dont il pourrait bénéficier. Là où l’accès est aisé ou là où l’interaction fonctionne bien, il ne convient pas nécessairement d’apporter une solution digitale. Là où le flux est moins bon – quand il y a friction – le digital peut par contre aider : on peut penser aux informations d’organisation ou de cours par exemple (les LMS qui deviennent maintenant standards), mais aussi à mettre en place des plateformes d’échanges par projets, pour que les étudiants puissent avoir accès à tous les experts concernés, mais aussi au personnel qui les encadre, puissent s’organiser plus facilement quand les groupes travaillent à distance, et d’une manière générale aient accès à tout l’écosystème de l’école quand c’est pertinent pour que les ressources soient au service des individus et de leurs projets.
Et avec la technologie mobile maintenant, l’école, ses projets, ses contenus, ses experts, et ses alumni, peuvent dès lors être toujours avec nous, dans notre poche, que ce soit depuis chez nous ou même en déplacement…
La technologie comme rampe de lancement
Le digital permet enfin aux acteurs d’être contributeurs et pas seulement une audience passive de tous ces échanges. L’individu peut évidemment mieux contribuer à ses projets, mais il peut aussi s’addresser à toute une série de communautés, se mettre en valeur, et faire porter le message qu’il cherche à diffuser.
Dans un monde toujours plus bruyant, le digital permet donc aussi de sortir du lôt. Pour l’expert de se distinguer envers les étudiants, par exemple grâce à des vidéos de « content marketing » ; pour le chercheur de construire sa notoriété auprès de ses pairs, par exemple grâce à Google Scholar ; pour l’étudiant de mettre en valeur sa candidature envers les recruteurs, par exemple grâce à LinkedIn et des billets d’opinion ; pour les professionnels de travailler ensemble sur des problématiques communes, par exemple grâce à des forums participatifs sur des sujets précis. Au coeur de cette dynamique, l’étudiant, participant à toute la chaine – de la conception des formations et expériences apprenantes à leur évaluation, et en pouvant ensuite mettre en valeur ses travaux ou ses réussites – et donc en s’engageant de plus en plus dans l’écosystème éducatif, contribue, tout au long de sa vie, au foisonnement et au développement des activités académiques et économiques.
Le digital doit toujours être vu comme un moyen donné aux individus d’accèder à des ressources ou à des personnes, et jamais comme une fin en soi ou une technologie à cocher dans la liste des projets qu’on veut se targuer d’entreprendre.
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Aujourd’hui, le fait de faire l’impasse sur le facteur technologique est très nuisible pour l’ensemble de l’organisation.
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