Au sein de son Knowledge-Lab, l’ESSEC met à disposition de ses professeurs une salle permettant la retransmission de cours en direct. Récemment, un problème de transport a rendu impossible la participation à la séance de plusieurs dizaines d’étudiants. Nous avons donc décidé de mettre en place un “Youtube Live” au sein de nos espaces. Cet article présente un retour d’expérience du point de vue de l’organisation, du professeur, et des étudiants.
Présentation du contexte
En ce lundi de Pentecôte, en raison de travaux sur le RER A, la circulation fut coupée et aucun train ne circulait pour se rendre à l’école depuis Paris. Les alternatives de transport auraient été longues et fastidieuses. Nous avons donc expérimenté un cours à distance puisqu’environ un tiers des 80 étudiants de la classe n’aurait pas pu se rendre sur Cergy. Or, la séance en question était importante et couvrait des concepts et des outils nécessaires à la remise d’un travail la semaine suivante, similaire à ce qui avait été fait précédemment sur un autre sujet (voir l’article du 31 mai 2017).
Depuis deux ans, grâce à son Knowledge-lab, l’ESSEC dispose en effet – entre autres dispositifs innovants – d’une salle prévue pour réaliser des interventions filmées. Cette grande salle, équipée de caméras, microphones et d’un écran géant, est utilisé pour réaliser des visio-conférences ou des webinars. Son mobilier modulable permettant aussi d’accueillir plus de cinquante personnes pour suivre un cours en présentiel, c’est le lieu idéal pour accueillir une séance de cours devant être en même temps diffusée en ligne. (Une vidéo – en réalité virtuelle et donc à regarder par exemple sur son smartphone – présentant le K-Lab est disponible ici.)
Le dispositif a pu être mis en place très rapidement. Les étudiants ayant alerté des problèmes de transport durant le week-end, le coordinateur du K-Lab a pu être mobilisé, et le cours adapté pour le lundi. Cet article présente un retour d’expérience de trois types d’acteurs : le coordinateur des espaces, les étudiants, et le professeur.
Préparation de la séance de marketing management en live sur Youtube et réalisation du direct (Yannick Marchand, coordinateur des espaces K-Lab)
Au pied levé, je me suis assuré de la disponibilité de la salle permettant d’accueillir un événement avec retransmission en ligne. J’ai programmé la diffusion de l’événement sur Youtube via le compte de l’Essec et communiqué le lien aux étudiants.
J’ai ensuite préparé la salle afin de rendre le live le plus immersif possible. Nous disposons d’un système «Multicam» : quatre caméras pilotées à distance, et permettant de capter plusieurs flux vidéo à la fois. Pour le Chat, j’ai installé un ordinateur portable ainsi qu’un grand écran sur le côté, tourné vers l’audience et le professeur. Pour la prise de son et permettre de retransmettre au mieux les questions et réactions de la salle, j’avais installé des micros d’ambiance répartis dans la salle, et mit à disposition des étudiants deux micros HF. Pour la partie régie et la gestion du Multicam, j’ai installé un ordinateur portable pour envoyer très simplement le flux vidéo du live sur YouTube. Enfin, j’ai utilisé un Smartphone pour bien vérifier le rendu du son final, sur le lien de lecture.
Même s’il était diffusé en ligne, le cours restait classique en présentiel : tables et chaises face à l’écran pour accueillir environ soixante étudiants. Le fait d’avoir une audience présentielle rendant l’expérience plus immersive, à la fois pour les téléspectateurs, mais aussi pour le professeur qui a du coup une relation plus authentique avec son audience.
J’ai enfin endossé le rôle de réalisateur/monteur lors du cours. Mon rôle a été de veiller pendant la séance aux cadrage des caméras afin de bien suivre le déroulé du cours, et les déplacements du professeur pour être capable de faire des plans resserrés en cas d’explications sur l’écran de présentations, ou lors des questions/réponses des étudiants présents dans la salle. Il ne me restait plus qu’à suivre le cours avec en permanence l’idée en tête de « si j’étais étudiant, que voudrais-je voir?».
De mon point de vue, tout s’est bien déroulé et on se laisse vite prendre au jeu de la réalisation. Je pense pouvoir améliorer le suivie du cours ainsi que la prise de son, avec plus de micros mieux répartis dans la salle, mais c’est un point très sensible pour ne pas créer du larsen, fortement désagréable. D’autres cours sont prévus à la rentrée prochaine, et notamment multi-campus, ce qui nous permettra d’améliorer la qualité de nos cours en ligne.
La séance de cours vue du point de vue de l’étudiant (Guillaume Bendiyan, étudiant MBA)
Faisant partie des étudiants vivant à Paris, l’interruption de service du RER me posait un double souci car je devais me rendre à Cergy pour suivre ce cours de marketing mais également y retrouver mon groupe afin de travailler sur l’étude de cas à rendre à la fin de la semaine. Après avoir reçu l’email du professeur nous informant de la possibilité de suivre le cours à distance, nous avons donc décidé de nous rejoindre sur le campus de La Défense pour travailler sur le cas, puis d’enchaîner avec le live. La combinaison de la digitalisation du cours et de la mise à disposition d’une salle sur un campus plus local nous a donc permis de vivre cette journée quasiment comme si nous étions allés à Cergy. C’est donc dans un contexte académique que j’ai vécu l’expérience, et en compagnie de trois autres étudiants dont je partage également les impressions.
Quelques minutes avant le début du cours, nous avons cliqué sur le lien et sommes arrivés sans difficulté sur une page de live YouTube, similaire à une page traditionnelle, à la différence qu’elle inclut un fil de discussion instantané (ou chat) à la droite de la zone vidéo. Il est intéressant de noter que nous n’avons pas eu besoin de s’enregistrer avec nos adresses mails de l’école, ou de se créer un compte ; la connexion est donc instantanée et sans friction pour les étudiants, quel que soit l’appareil utilisé (ordinateur, smartphone…) De plus, pour améliorer l’expérience, nous avons connecté un ordinateur par HDMI à la télévision, ce qui nous a permis d’être encore plus immergé tout en nous permettant d’utiliser nos ordinateurs en même temps, ce qui fut très pratique lors de la prise en main du logiciel d’analyse présenté lors de la deuxième partie de la séance. Dès que le flux vidéo a été diffusé, nous avons pu le visionner sur la page sans avoir besoin de rafraîchir le navigateur.
Le professeur a commencé la classe en demandant aux étudiants connectés à distance de nous signaler dans le chat en donnant nos noms et prénoms en guise d’émargement, tout simplement. Et s’il est vrai que cette simplicité est appréciable, j’imagine que certains étudiants peuvent être tentés d’émarger puis de retourner vaquer à leurs occupations, voir même de demander à d’autres personnes de les signaler.
Comme à son habitude il a ensuite diffusé une courte vidéo pour introduire le sujet du jour, vidéo que nous avons pu visionner sur l’écran du live scindé en deux et diffusant, en plus du flux de la caméra suivant le professeur, un partage d’écran identique à celui diffusé dans la salle à Cergy. Nous avions donc la possibilité de voir et d’entendre la même chose que ce qui était projeté aux étudiants, tout en regardant le professeur directement donner son cours. De plus, Yannick pilotait à distance les caméras afin de suivre le professeur, ce qui nous a permis voir les explications lorsqu’il commentait une slide, et de repasser en vue rapprochée lorsqu’il reprenait sa position à côté de l’écran. En plus du partage d’écran qu’on recevait en continu, cette technique a été particulièrement appréciable lors de l’explication des schémas. En outre, le fait d’alterner les plans vidéo en jonglant avec plusieurs caméras a rythmé la classe en dynamisant (et ce à l’inverse d’un cours en présentiel) l’image que nous recevions.
Ce format permet également d’interagir en direct avec le professeur au travers du chat, ce qui nous a permis de participer lorsque le professeur a réalisé un exemple d’analyse conjointe en interrogeant les élèves, et de poser nos questions si nous en avions. Ainsi, Yannick qui voyait le chat pouvait alerter le professeur et qui dans tous les cas, allait regarder le chat à plusieurs reprises pour voir si nous avions des questions. Une solution complémentaire qui n’a pas été mise en place et pourrait permettre d’améliorer l’interaction serait de diffuser continuellement le chat sur un écran visible du professeur, voir même des autres étudiants.
D’un point de vue de la qualité, nous avons été ravis de la retransmission de la vidéo et du son, et n’avons pas eu de soucis majeur puisque le son était capté par des micros, si ce n’est lors de la simulation avec le logiciel puisque le professeur a dû poser son micro sur la table pour utiliser le logiciel. Toutefois, nous sommes conscients que c’est un point facilement corrigeable par l’emploi d’un micro-cravate et ne devrait plus poser de soucis dans le futur.
Bien que les MOOCs, qui sont également une façon de digitaliser les cours, soient une bonne façon de diffuser l’enseignement et présente de gros avantages notamment pour le travail en autonomie, j’ai trouvé que le live était plus facile à appréhender, plus agréable à suivre et plus interactif. En effet, le professeur profite des installations du K-lab pour compléter l’ensemble de ses cours par des MOOC auxquels nous avons accès et que nous pouvons visionner autant de fois que nous le souhaitons lors de nos phases de travail personnel. En revanche, l’interaction est limitée et le format moins interactif que le live, qui par conséquent, se prête mieux à la diffusion d’un cours de 3 heures.
Du point de vue du professeur (Nicolas Glady, Professeur)
La mise en place était très simple pour moi. Comme Yannick avait tout installé, le début de la séance correspondait à un début classique et je n’avais qu’à lancer mon Powerpoint. Après une rapide vérification des conditions techniques (est-ce que les étudiants participants à distance m’entendaient et me voyaient bien ?), nous avons pu commencer le cours.
Durant le cours, j’ai particulièrement apprécié le fait d’avoir une “vraie classe” en face de moi, et pas seulement une classe en ligne. Grâce aux étudiants présents, les interactions étaient plus naturelles, et les micros “salles” installés un peu partout permettaient d’entendre leurs questions, mêmes pour les participants connectés.
La distance est cependant restée un problème à certains niveaux. Il y avait un décalage d’environ une minute entre la captation de la vidéo et sa diffusion sur le net. En conséquence, il était impossible d’avoir un échange “en temps réel” avec les étudiants participants à distance. Par ailleurs, plutôt que seulement des micros “mains” ou “salles”, j’aurai aimé aussi un micro cravate pour pouvoir évoluer plus librement au sein de la salle de classe.
Au final, en tant qu’enseignant, l’expérience a été très facile pour moi, et je n’ai pas vraiment souffert du caractère spontané du dispositif. Ce succès est sans doute dû à la préparation du coordinateur des espaces du K-Lab et à son aide à la réalisation.
Quel avenir pour ce type de dispositif ?
En se basant sur cette expérience, nous pouvons affirmer que ce type de cours a non seulement un avenir, mais va surtout devenir une attente et une habitude pour les étudiants, obligeant les écoles à repenser leur fonctionnement et l’organisation de leurs cours. En proposant aux étudiants la richesse de l’interaction d’un cours avec un professeur, tout en conservant le confort de la maison, et le gain de temps en leur évitant des déplacements inutiles, le live est une excellente solution pour enrichir l’enseignement de demain.
Il faut toutefois veiller à ne pas perdre l’interaction entre les étudiants et leurs professeurs qui reste essentielle. En effet, s’il est évident que les étudiants bénéficient pleinement de l’interaction avec leur professeurs, cette expérience prouve également l’intérêt pour le professeur d’avoir face à lui des étudiants capable d’interagir avec lui.
Les solutions digitales telles que le live, pourraient donc être utilisées pour augmenter la taille des classes tout en dynamisant les lectures magistrales et ainsi donner du temps aux professeurs pour interagir individuellement avec les étudiants si nécessaire. Avec les lives, les MOOCs et les sessions en comité plus restreint, tous les objectifs pédagogiques sont atteints efficacement.
Cet article a été co-rédigé par Guillaume Bendiyan, etudiant ESSEC MBA in Hospitality Management, Yannick Marchand, coordinateur des espaces K-Lab, et Nicolas Glady, Professeur et Chief Digital Officer de l’ESSEC.