j’ai fini ma journée…

Publie par philippe.jamet le février 2nd, 2013 dans la categorie Enseignement supérieur  •  2 Commentaires

Chers amis, chers lecteurs,

J’ai emprunté, pour ce dernier billet, le titre d’un ouvrage écrit à la fin de sa vie par Hyacinthe Dubreuil, ouvrier et syndicaliste (1971, Librairie du Compagnonnage) et que je recommande au passage à votre lecture.

Car j’ai décidé de clore ce blog ouvert voici deux ans. Comme vous m’avez fait l’honneur et le plaisir de me lire, j’estime vous devoir des explications. Trois raisons ont motivé ma décision. La première, c’est que j’avais le sentiment d’avoir tout dit et que la suite ne serait que délayage ou polémique sur des points d’actualité, ce sport national dont la France est hélas friande. Je n’ai pas voulu y succomber davantage.

La seconde est à mettre en relation avec cette loi qui se prépare, dans la foulée des assises de l’enseignement supérieur. Pour faire bref, cette loi me fait peur. Je crains, en démenti à ses ambitions affichées, qu’elle n’institutionnalise les vices de notre système d’enseignement supérieur et que, tournant le dos de manière délibérée à ce qui, dans le monde entier, est reconnu comme les leviers d’excellence universitaire, elle ne sape notre compétitivité.

Je redoute que la démocratisation et la coordination, maîtres mots de cette loi, ne débouche sur une dilapidation considérable d’énergie interne des universitaires, alors qu’il n’a jamais été plus urgent pour eux de consacrer toutes leurs forces à se battre pour la réussite de leurs étudiants, l’attractivité de leurs institutions et le rayonnement de leurs compétences. J’appréhende, enfin, cette coordination de site qui ne me semble pas aller dans le sens de la visibilité des meilleurs établissements et, au demeurant, compliquera considérablement la vie des établissements multirégionaux, dont celui que je dirige.

En raison de ce contexte, préoccupant, ne pourrai donc pas consacrer à ce blog le temps nécessaire. Et d’ailleurs, quoique mon statut universitaire m’autoriserait à m’exprimer à titre personnel, je risquerais d’y étaler des commentaires qui ne seraient pas nécessairement du goût de ceux qui m’emploient. J’en ai sans doute déjà trop dit… Souffrez que j’en reste là.

La troisième et dernière raison est plus anecdotique et plus épidermique. Avant l’été 2012, j’avais écrit sur ce blog un petit papier appuyé sur la lecture d’un numéro de la revue Phosphore consacré à l’orientation des collégiens. J’y déplorais l’absence de toute référence à des métiers ne nécessitant pas des parcours dans le supérieur, comme si ces métiers (ceux-là même, tout le monde le comprend aisément, qui feront les gros effectifs d’emplois) avaient quelque chose de honteux et d’inavouable. Quel message renvoyait cette publication ? Tout simplement celui-ci : « hors du supérieur, point de salut » ! Ce n’est pas en martelant ce seul message qu’on rend service aux générations montantes.

Ces commentaires, somme toute modérés et factuels, me semblaient justes. Je devais avoir tort, car l’éditeur de ce blog m’a informé quelques jours plus tard qu’afin de ne pas blesser la concurrence, il se voyait au regret de retirer mon article. J’avais la faiblesse de penser que les modérateurs de ce blog laissaient libre cours aux opinions, se contentant de veiller à une certaine correction dans les propos des rédacteurs. Je découvrais tardivement que d’autres considérations, plus subjectives, entraient aussi en ligne de compte. Je m’incline bien sûr, mais je ne me soumets pas. J’esquisse poliment un geste de révérence, non sans saluer au passage la qualité collective des blogs Educpros et la mobilisation de ses contributeurs éditoriaux.

Nous nous retrouverons bien sûr sous d’autres livrées, ou sous d’autres cieux.

Fidèlement

Philippe Jamet

 

Monde économique, lycées et grandes écoles : les grands absents des Assises

Publie par philippe.jamet le novembre 27th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  4 Commentaires

Durant cette première journée des Assises Nationales de l’Enseignement Supérieur et de la recherche, il aura beaucoup été question de « rééquilibrages » : entre financements compétitifs et subventions récurrentes, entre évaluation et autonomie, entre national et régional…

Il est cependant encore un domaine qui résiste, encore et toujours, à cette volonté de retour à l’équilibre : celui de la représentativité des acteurs concernés par l’organisation de l’espace national d’enseignement supérieur et de la recherche.

Un examen attentif de la liste des participants à ces assises, 673 inscrits, laisse quelque peu rêveur (cf. graphique ci-dessous)

Répartition par catégories des participants aux Assises de l'ESR, 26/11/2012

Répartition par catégories des participants aux Assises de l'ESR, 26/11/2012

Compte tenu des sujets débattus aux Assises, notamment la réussite étudiante et la gouvernance de l’enseignement supérieur, la forte représentation du monde universitaire stricto sensu (25%) est tout à fait justifiée. En revanche, la sous-représentation des lycées, des grandes écoles et des acteurs du monde économique toutes catégories confondues (industries, chambres syndicales, pôles, centres techniques…) et des institutions de statut privé est proprement stupéfiante.

Rappelons quelques chiffres. Parmi les 2 350 000 étudiants inscrits dans le supérieur :

  • 60 % le sont dans les universités
  • 15 % dans des écoles (ingénieur, commerce, arts, architecture, etc.)
  • 15 % dans des lycées (STS et classes préparatoires)
  • près de 20 % relèvent d’institutions privées

Il n’est pas non plus inutile de rappeler que, selon la Conférence des Grandes Écoles, ces dernières représentent plus de 40% des diplômes de master et près de 30% des diplômes de doctorat dans leur spécialité. Le poids réel de ces acteurs de l’enseignement supérieur, poids quantitatif comme qualitatif, n’est assurément pas pris en compte dans l’équilibre des délégations participant aux Assises.

Il en va de même du monde économique, pourtant largement sollicité pour le financement de la recherche, le soutien aux universités et les politiques d’innovation. Les industriels et leurs organisations n’en continuent pas moins de susciter une certaine réserve de la part du monde universitaire, que ce soit en termes de participation directe à la gouvernance des universités (notamment l’élection de leurs présidents) ou d’influence dans la stratégie nationale de recherche.

Enfin, hormis sa composante syndicale, la société civile, au travers des associations, des mutuelles, des groupes d’intérêts, des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, n’a guère disposé que d’un strapontin dans le grand amphithéâtre du Collège de France. Pourtant, elle aurait probablement des suggestions de bon sens à faire et la légitimité pour les porter, elle qui supporte pour une bonne part, au travers de l’impôt, le financement de notre système universitaire. Une plus large présence des parties prenantes sociales, nous a-t-on dit, « aurait été souhaitable, mais il fallait faire vite »…

La sous-représentation d’acteurs aussi déterminants est à mettre en regard, de mon point de vue, de la sur-représentation de la puissance publique (administrations et ministères). Puisqu’il s’agissait, au travers des Assises, d’imaginer des propositions innovantes dans l’organisation du système d’enseignement supérieur et de recherche, peut-être aurait-il été préférable que notre administration se place en position d’écoute et se fasse plus discrète. Il y aurait, là encore, un chantier de « rééquilibrage » à ouvrir, mais c’est une autre histoire…

Ingénieurs calibrés : attention !

Publie par philippe.jamet le octobre 21st, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  1 Commentaire

Les assises de l’enseignement supérieur et de la recherche qui se déroulent actuellement sont l’occasion de riches échanges sur l’insertion professionnelle des diplômés. Un sujet sur lequel les écoles d’ingénieurs se sentent plutôt à l’aise, elles qui n’ont de cesse de mettre en relief leur caractère professionnalisant, les remarquables taux d’accès à l’emploi de leurs diplômés et leurs liens avec les acteurs du monde économique.

Pourtant, les indéniables succès des écoles sur le terrain de l’insertion professionnelle ne sont pas sans soulever des questions de fond. Il n’est pas certain que, poussée à l’extrême, la performance des écoles dans ce domaine constitue systématiquement un service rendu à la société ni à leurs diplômés.

Prenons les deux indicateurs couramment utilisés par les écoles pour mesurer cette performance : le salaire à l’embauche et la période de recherche d’emploi à la sortie de l’école. Les écoles ont tout intérêt à développer des stratégies permettant de maximiser le premier et minimiser le second : d’abord en termes d’attractivité, ensuite par que ces deux mesures possèdent un poids important dans plusieurs classements d’écoles.

Dès lors, les écoles ne peuvent que se réjouir des choix de leurs jeunes diplômés en faveur de carrières sûres et lucratives, c’est-à-dire plutôt celles offertes par de très grandes entreprises et des secteurs rémunérateurs (services, finance, conseil…). Cette situation est quelque peu contradictoire avec certains éléments du discours de ces mêmes écoles, par exemple leur préoccupation récurrente face au déficit d’appétence de leurs diplômés pour les métiers de l’économie réelle, pour les petites et moyennes entreprises et pour  l’entrepreneuriat.

Un jeune diplômé d’école qui aurait un projet de création d’entreprise, ou l’intention de débuter sa carrière dans une petite structure ou encore, plus simplement, auquel il prendrait l’envie de mûrir son choix, ne contribue pas positivement à l’enrichissement des précieuses statistiques d’insertion professionnelle des écoles. Aussi, un pilotage excessif de la politique d’insertion des écoles par des statistiques, certes simples et attractives, mais quantitatives et réductrices, appauvrit la contribution potentielle de leurs diplômés aux dynamiques d’innovation. Bien sûr, les écoles apprécient les profils atypiques et les valorisent dans leur communication, mais elles ont quelque part aussi un intérêt à court terme à ce qu’ils demeurent dans des proportions raisonnables, c’est-à-dire, précisément, atypiques.

Le discours des écoles et des recruteurs sur les compétences est également de nature à provoquer des effets pervers. Si les écoles s’échinent à apporter la preuve que leurs diplômés détiennent des compétences « prêtes à l’emploi », c’est d’abord pour rassurer les recruteurs, minimiser pour eux la prise de risque consubstantielle à toute décision d’embauche et maximiser leur retour sur investissement. Sur le principe, il n’y a rien à redire : les écoles sont aussi là pour aider les entreprises, satisfaire leurs besoins et mettre sur le marché de l’emploi des diplômés compétents que ces entreprises pourront « métaboliser ».

Mais ce même principe de compétence est porteur de dérive. Une attention excessive des écoles à la demande formulée par le marché de l’emploi peut déboucher, petit à petit, sur une offre d’ingénieurs « calibrés » ou « standardisés », un peu à la manière dont on a vu, ces dernières décennies évoluer le marché des fruits et légumes vers des tailles et des couleurs équivalentes. Certes, les produits véreux sont devenus l’exception, mais dans le même temps, la saveur s’est évaporée, les palais se sont affadis et les étals, bien rangés, ont perdu de leurs couleurs et de leurs formes chatoyantes…

Nous pourrions, sans nous en rendre compte, arriver à une situation où, avec la complicité des employeurs, au prétexte de les rassurer, nous mettrions à leur disposition des jeunes diplômés qui leur ressemblent et qui s’insèrent sans heurt et sans bruit dans leurs entreprises. La relation écoles-monde économique prendrait un tour routinier et casanier, ceci, au moment précis où, plus que jamais, ces entreprises ont besoin d’innovation et de collaborateurs à forte capacité « transformante ».

La compétence ne doit en aucun cas devenir un principe tyrannique qui étouffe l’innovation et marginalise les profils « atypiques ». L’insertion professionnelle réussie ce n’est pas la simple adéquation aux attentes du monde d’aujourd’hui, mais un engagement pour les aspirations du monde de demain. Et quant à l’ingénieur, c’est celui qui agit là où il n’est pas attendu. C’est celui qui finira par exercer un métier auquel rien ne le destinait.

Hommage à Michel Demange

Publie par philippe.jamet le juillet 31st, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  3 Commentaires

Avec Michel Demange, prématurément disparu dans la nuit du 30 au 31 juillet, c’est un grand naturaliste qui disparaît et ce sont les sciences naturelles qui sont en deuil, ces sciences qu’il a aimé avec passion et sous toutes leurs formes.

Michel Demange, 2009. Source : Presses des Mines

Michel Demange était avant tout un très grand géologue, un géochimiste de haute volée et un exceptionnel pédagogue. S’initier à la géologie avec lui, c’était apprendre à regarder les pierres autrement, ou plus exactement à ne jamais laisser de côté un caillou. Car les cailloux, il savait les faire parler, certains diront : au-delà ce qu’ils pouvaient dire. Sa pratique, des décennies durant, de terrains ingrats et peu loquaces, où les affleurements étaient souvent de mauvaise qualité, avait aiguisé chez lui une intuition et une inspiration très profondes. Peu de structures complexes résistaient à ses investigations. Il les parcourait en tous sens et par tous les temps, les observait de près et de loin et finissait par en percer les mystères.

Un stage dans le Massif de l’Agly à l’été 1982 m’avait fait apprécier les méthodes et les raisonnements de Michel Demange, ce don qu’il avait d‘épuiser la moindre information de terrain, de construire des hypothèses et de replacer une observation locale, minéral, roche ou lame mince, dans une perspective paléogéographique. Et tout naturellement, je me suis tourné vers lui pour mon sujet de fin d’études à l’Ecole des Mines de Paris, le tracé d’un tronçon de la faille de Mazamet dans des schistes métamorphiques non datés et peu différenciés (schistes X) entre Somail et Pic de Nore. Ma rencontre personnelle avec Michel Demange fut affaire d’admiration et de séduction, ce mélange subtil qui souvent nous saisit face à une intelligence supérieure et avide de se partager.

Michel Demange aimait à répéter cette citation de Pierre Laffitte : « la géologie est ce qui prépare le mieux aux métiers de la banque« . L’actualité d’aujourd’hui montre en effet combien « la Banque » aurait eu grand intérêt à recruter des géologues formés à l’école de Michel Demange. Avec lui, on apprenait en effet à ne laisser passer aucune donnée, à construire des scénarios, à questionner ses hypothèses, à les appliquer avec prudence et à ne jamais s’enfermer dans les idéologies et les systèmes, ce piège fatal auquel succombent trop de géologues et encore plus d’experts de la finance. Avec lui, la géologie devenait un des arts de l’ingénieur, un domaine où exercer « l’intelligence des situations ».

Mais Michel n’était pas uniquement l’expert du monde minéral. Une journée de terrain avec lui comportait autant de botanique et d’entomologie que de géologie. La flore Bonnier n’était jamais très loin dans le sac à dos et sa mémoire était rarement mise en défaut face à une plante curieuse. On finissait par aimer passionnément ces balades dans la nature avec une encyclopédie ambulante… Michel Demange c’était aussi le collectionneur infatigable, d’orchidées (en photo seulement !) et de papillons, dont les boîtes, soigneusement rangées, tapissaient les murs d’une pièce de son appartement transformée en « lépidoptèrothèque ».

Alors oui, Michel Demange était parfois un peu bourru et catégorique, ce qui lui valait quelques adversaires farouches dans la profession. La géologie selon Michel, c’était un peu « marche ou crève » et peu de talents trouvaient grâce à ses yeux. Il n’était point docile, ni envers l’académie, ni envers l’autorité, ce qui, souvent, nuit à une carrière. Mais moi, je l’aimais comme cela : authentique, intransigeant. Pas du tout diplomate, mais assurément sensible. Un grand enfant curieux et gourmand.

A l’automne dernier, j’étais allé passer une journée avec lui, dans cet appartement de Ménilmontant d’où l’on voyait tout Paris et dont il sortait désormais peu, déjà atteint par la maladie qui devait l’emporter. Nous avions parlé de ses derniers travaux sur la Montagne Noire, de ses projets de livres. Nous avions passé des heures à admirer ses papillons et avant de partir, il m’avait joué un morceau de Brahms au piano.

C’était le Michel Demange de toujours, celui que nous aimions et qui va nous manquer. Il nous laisse beaucoup trop tôt, dernière marque de son impatience à contempler la nature et à en connaître les secrets. Ceux qui resteront toujours inaccessibles aux géologues d’ici-bas.

Du pain sur la planche… (4/4)

Publie par philippe.jamet le juillet 8th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  1 Commentaire

Cette quatrième et dernière partie du billet consacré à des chantiers méritant (selon moi) l’attention des nouvelles autorités gouvernementales, abordera les questions des droits d’inscription, de l’éducation  à l’innovation et à l’entrepreneuriat et de l’orientation.

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Du pain sur la planche… (3/4)

Publie par philippe.jamet le juin 30th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

Cette troisième partie du billet consacré à des chantiers méritant (selon moi) l’attention des nouvelles autorités gouvernementales, abordera la question des paradigmes nationaux entourant l’enseignement supérieur (chantier n°6) et les formations professionnelles (chantier n°7).

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Du pain sur la planche… (2/4)

Publie par philippe.jamet le juin 23rd, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

Cette deuxième partie du billet consacré à des chantiers méritant (selon moi) l’attention des nouvelles autorités gouvernementales, abordera la question des premiers cycles universitaires et la problématique des formations par alternance dans le supérieur.

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Du pain sur la planche… (1/4)

Publie par philippe.jamet le juin 18th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

La pause est terminée… Passé le temps des élections et désormais clarifiés les contours de la majorité qui soutiendra sa politique, notre Gouvernement va enfin pouvoir se mettre sérieusement au travail. Parmi les nombreux chantiers en souffrance, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est pas des moindres, même s’il ne fut pas au centre des débats politiques récents, essentiellement dominés par des dossiers plus urgents et plus médiatisés.

En matière d’enseignement et de recherche, comme d’ailleurs dans la plupart des domaines qui appellent aujourd’hui les soins attentifs des autorités nationales, les avis des experts et les conseils des observateurs autorisés ne feront pas défaut. Le Gouvernement n’aura que l’embarras du choix pour étoffer son analyse et éclairer ses orientations. En dépit de ce trop-plein prévisible, voici néanmoins quelques réflexions personnelles sur des sujets que mon expérience de terrain me fait apparaître comme prioritaires.

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Classes préparatoires : et si nous parlions plutôt de compétences ?

Publie par philippe.jamet le mai 2nd, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  1 Commentaire

Le débat actuel, souvent houleux, que suscite le système des classes préparatoires aux grandes écoles, « enfer » pour certains (façon Marie Despléchin), « fabrique à frustrés » pour d’autres (façon Bruno Sire), occulte une question essentielle, objective, à savoir si ces classes forment à des compétences particulières et, en corollaire, si ces compétences sont par ailleurs disponibles dans l’offre française d’enseignement supérieur de premier cycle.

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Ecoles, le développement durable vous va si bien…*

Publie par philippe.jamet le avril 28th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

Pour les Ecoles, le développement durable est bien autre chose qu’un effet de mode. Il renvoie pour elles à des valeurs fondatrices. La meilleure manière, pour nos Ecoles, de contribuer à la mise en œuvre des politiques de développement durable consiste donc à cultiver et à promouvoir ces valeurs. Je voudrais ici insister sur trois aspects fondateurs de l’identité des écoles dont les connexions avec les enjeux du développement durable sont particulièrement riches.

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Plagiat : faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais…

Publie par philippe.jamet le mars 17th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  2 Commentaires

C’est avec raison que le plagiat, pratique qui consiste à s’approprier l’œuvre d’autrui pour sa propre gloire, est universellement dénoncé comme contraire à l’éthique élémentaire.

On peut cependant s’étonner de l’impunité relative et même de la reconnaissance dont il jouit dans certains domaines, par rapport aux rigueurs aux sanctions qu’il se voit justement opposer dans le domaine scientifique et académique.

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Surveillance des examens dans les écoles supérieures : pour un aggiornamento

Publie par philippe.jamet le mars 11th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  1 Commentaire

Parmi les principes centraux du projet pédagogique des Ecoles de l’enseignement supérieur, figurent l’autonomie, l’initiative et l’intelligence des situations. J’ai déjà eu l’occasion d’exprimer, dans ce blog, une préoccupation quant à la part, selon moi insuffisante, que prend la culture de la responsabilité dans l’éducation à la française en général (cf. « Réflexions sur le droit à l’excellence »).

L’enseignement supérieur ne peut, à lui seul, corriger un déficit accumulé tout au long de la chaine éducative, de la maternelle au baccalauréat. Mais il a au minimum pour obligation de ne pas ajouter à ce déficit en exploitant toutes les situations pédagogiques susceptibles de favoriser la culture et l’exercice de la responsabilité par ses étudiants. Or, il y a à cet égard des marges de progrès évidentes.

Je voudrais aujourd’hui évoquer la question du contrôle de connaissances dans nos Ecoles et plus précisément la surveillance des examens, dont on ne mesure peut-être pas suffisamment le paradoxe qu’elle représente au regard de la volonté qu’ont nos établissements de former des personnalités responsables et adaptées au monde d’aujourd’hui.

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La culture générale est une arme qu’il faudrait assortir d’une licence

Publie par philippe.jamet le janvier 24th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  5 Commentaires

La décision de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris de supprimer l’épreuve de culture générale, afin de corriger les effets discriminants de cette épreuve envers l’origine sociale des candidats, a provoqué des réactions épidermiques et outragées.

A vrai dire, ce n’est pas le débat autour de cette décision qui m’intéresse, mais plutôt son objet central, la culture générale. Je n’ai pas l’impression que tout le monde s’en fasse une représentation identique et, surtout, il me semble que ce débat focalisé sur l’usage de la culture générale dans la sélection à l’entrée, élude la question de son usage après la sortie. Lire la suite »

Compétences pour le développement durable *

Publie par philippe.jamet le janvier 20th, 2012 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

La question des compétences « développement durable » se décline à trois niveaux pour nos universités et nos écoles : Formations, Recherche et Exemplarité environnementale.

Elle se pose dans un contexte qui n’est pas toujours porteur. Par exemple, en matière de recherche, une importance excessive accordée aux critères académiques dans l’évaluation des laboratoires et des enseignants-chercheurs, entretient davantage un certain conformisme thématique qu’elle ne favorise l’innovation pluridisciplinaire nécessaire à la prise en compte du développement durable.

Formations

Tous les établissements d’enseignement supérieur français, ou presque, ont fortement accru leur offre orientée « développement durable », avec deux orientations non exclusives : (1) développer une offre de formation spécialisée, (2) introduire une dimension « développement durable » dans tous les contenus et les programmes éducatifs

Je voudrais mentionner deux exemples d’initiatives de formation en réseau parmi beaucoup d’autres :

1) l’Université Virtuelle du Développement Durable (UVED), Université Numérique Thématique, associant de nombreuses universités et écoles pour le développement de cursus et le partage d’expériences à destination des étudiants et des enseignants

2) l’International Advanced Master in Environmental Management (ENVIM), porté par Mines ParisTech, Insa de Lyon, l’université Tsinghua et l’université de Pennsylvanie, dont le but est de promouvoir la dimension multiculturelle, au niveau du recrutement (franco-chinois-américain) et de la formation (une partie en Europe, une partie en Chine)

Exemplarité institutionnelle

Les enjeux pour nos établissements ne relèvent pas uniquement d’une logique économique ou de marketing. Ils sont directement liés à leur cœur de métier, l’éducation.

Un établissement d’enseignement supérieur est globalement un outil éducatif, c’est-à-dire que toutes ses fonctions, sans exception, participent à la formation des étudiants, pour le meilleur ou pour le pire. De ce fait, nos établissements ne peuvent pas durablement vitre sur un décalage entre les principes et les bonnes pratiques qu’ils professent d’une part et la manière dont ils fonctionnent d’autre part. Cela est vrai pour la gestion, pour la gouvernance, comme pour le développement durable.

Le référentiel « développement durable » élaboré par la CGE et la CPU comporte un axe formation. Mais, plus globalement, tous les axes sont en relation avec l’impact éducatif de l’établissement.

Un « TOEFL » du développement durable ?

Quelques réflexions et suggestions pour conclure. Nous voulons placer la responsabilité sociétale au centre de a stratégie et des principes d’action de nos établissements. Conséquence, prioritaire, nos universités et nos écoles doivent plus que jamais être des lieux d’apprentissage et d’exercice de la responsabilité. Ce ne sont pas les opportunités qui manquent : l’apprentissage par projets, les ateliers de design, l’engagement dans les activités de la vie étudiante en sont des exemples. Mais ces contributions à l’éducation à la responsabilité ne sont pas toujours suffisamment portées au crédit des études.

Beaucoup de chemins conduisent au développement durable, et pas seulement ceux qui en marquent la direction. Il serait utile d’élaborer un référentiel pour prendre en compte, dans la sanction des études, la diversité des parcours, sous la forme par exemple d’un bilan (un TOEFL du développement durable) ou d’une validation des acquis de l’expérience.

De même qu’il n’est plus imaginable qu’un étudiant de l’enseignement supérieur puisse recevoir son diplôme sans une maîtrise attestée de l’anglais ni une expérience substantielle à l’étranger, il ne devrait pas être imaginable dans un avenir proche que ce même étudiant ne puisse faire état d’une compétence concrète et opérationnelle en lien avec le développement durable.

L’éducation à la responsabilité

Nos établissements auraient tout intérêt à élargir leur champ de vision pour embrasser l’éducation à la responsabilité dans toute la chaîne éducative et non pas seulement se concentrer sur ce qui relève de l’enseignement supérieur. Situés au bout de la chaîne éducative, ils héritent non  seulement des acquis, mais aussi des déficits de leurs étudiants. On conçoit qu’en agissant sur toute la chaîne, et non pas simplement sur sa terminaison universitaire, on optimise les efforts éducatifs à consentir pour combler ces déficits. On peut même rêver de les prévenir.

Or dans ce pays (il n’est pas le seul), l’éducation pré-universitaire demeure très dirigiste, sanctionnante à l’excès et trop peu ouverte à la prise de parole, aux publics atypiques et à la valeur pédagogique de l’erreur. Rien d’étonnant à ce constat que la chaîne éducative fasse aboutir dans les universités et les écoles des générations insuffisamment innovantes, entreprenantes et prêtes à assumer des risques, autant de valeurs indispensables à une culture efficace du développement durable.

Nos établissements doivent donc trouver de nouvelles voies pour s’investir dans les réformes nécessaires de l’éducation pré-universitaire, favorisant une éducation à la responsabilité au sens large et à la responsabilité sociétale en particulier.

* Intervention à l’atelier « quelle adaptation des compétences pour répondre aux enjeux de la société de demain ? » – Colloque CPU/CGE « ECO-CAMPUS », UNESCO, Paris, 19-20 janvier 2012.

Le retour des tatoués

Publie par philippe.jamet le décembre 22nd, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

L’AERES vient donc d’annoncer l’abandon de la note globale des unités de recherche au profit d’une courte « appréciation d’ensemble » (dépêche AEF n°159690 du 15/12/2011).

On aura remarqué que les systèmes de notation, ces temps-ci, ne sont plus vraiment en odeur de sainteté. Et il aurait été dommage, pour la science et pour l’harmonie du monde académique, qu’un organisme chargé d’évaluer ses pairs finît par être l’objet de cette vindicte populaire qui frappe les Moody’s, Fitch et autres Standard & Poor’s. Ce repli de l’AERES sur des principes plus raisonnables aurait-il un rapport lointain avec les tracas des dettes souveraines ? Peu importe : cette nouvelle sera sans doute bien accueillie par la communauté universitaire, si l’on en juge par les critiques et les insatisfactions qui se manifestaient à l’égard du système de notation des unités de recherche.

Ici et là en effet, dans les unités et dans les établissements, des collègues questionnent pêle-mêle, qui la subjectivité des évaluations ; qui la prime aux métropoles ; qui le symbolisme rudimentaire et la rigidité de la note ; qui le plombage, par des notes faibles, d’unités jeunes, ou pluridisciplinaires, ou positionnées sur des thèmes « à risque » ou émergents, véritable frein à l’innovation ; qui la perte de sens au profit d’une politique d’indicateurs, et par dessus tout l’emploi qui pouvait être fait de ces notes dans les choix et les orientations de la politique scientifique nationale. En bref, des procès s’élevaient de toute part, en subjectivité, en académisme, en réductionnisme et même pire, en légitimité, y compris au sein d’unités « bien notées ».

Soucieuse de cohérence, l’Agence jette un regard dans le rétroviseur et annonce la mise en place d’un groupe de travail chargé d’étudier les voies et moyens de « limiter le risque du ‘tatouage’ injustifié du fait des notes globales déjà attribuées ». Ce point est particulièrement important pour que des unités moins favorablement évaluées à l’issue des précédentes vagues ne soient pas en outre durablement lestées par une mauvaise image dans leur efforts pour gagner en qualité.

L’Agence ne pourra cependant pas corriger certains dommages, je le crains irréversibles, de l’effet tatouage qu’elle évoque à juste titre. Voilà bientôt deux ans que le « ni B, ni C » (et même, dans certains cas, le « ni A ») est l’un des critères sous-jacents de la sélection des unités invitées à participer aux Investissements d’Avenir, avec parfois au niveau des sites universitaires l’apparition de phénomènes d’autocensure et des renoncements dommageable à la qualité et à l’originalité des projets.

Nous étions pourtant quelques uns à soutenir qu’on ne pouvait d’un côté espérer un retour sur investissements important à long terme en ne s’autorisant de l’autre côté que des placements prudents sur des valeurs sûres.  Le rétropédalage de l’AERES intervient donc alors que le tri des tatoués est déjà très avancé. Il ne reste donc plus qu’à espérer que les autorités scientifiques de ce pays consentiront à élargir leur champ de vision au-delà de l’horizon de l’excellence officielle et reconnaîtront, d’une manière ou d’une autre, que certains paysages pour l’instant méconnus méritent aussi le détour.

Réponse d’un abruti à un triste Sire…

Publie par philippe.jamet le décembre 12th, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  9 Commentaires

J’invite celles et ceux qui douteraient encore de la persistance d’un certain aveuglement haineux de la part de responsables éminents de l’enseignement supérieur envers les grandes écoles, aveuglement dont je me navrais dans un récent billet (« Scandale de la vérité« ) à lire l’interview que le professeur Bruno Sire, président de l’université de Toulouse I vient d’accorder à Educpros.

On saluera l’élégance des propos de ce Monsieur envers les 250.000 étudiants des écoles d’ingénieurs et de commerce et les 80.000 élèves de classes préparatoires, ces suppôts d’un « système scandaleux où tout se joue sur les bulletins de 1ère« , ces produits d’une « sélection qui abrutit les jeunes et crée des générations de frustrés« .

Plutôt que d’entretenir cette opinion morbide, plutôt que de se complaire à des dénonciations qui se voudraient fracassantes, mais ne sont qu’insensées et déshonorantes, Monsieur Sire devrait plus fréquemment visiter nos écoles : il y rencontrerait, à tous les niveaux, des étudiants souriants et enthousiastes, dont plus de la moitié d’ailleurs ne sont pas issus des concours et qui sont une des fiertés de notre système éducatif… Mais il est de ceux que cette réalité dérange, qui préfèrent surfer sur la vague de leurs préjugés, échos contemporains de ces antiques académiciens qui juraient férocement, en dépit des évidences, que la terre était plate.

Certains observateurs avaient noté, à l’occasion des résultats Labex première vague, que l’auteur de ces propos diffamants entretenait des relations problématiques avec les systèmes de sélection et réclamait à leur propos certains aménagements (cf. http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article4562 et http://www.educpros.fr/detail-article/h/cc3b3cc9d9/a/grand-emprunt-100-laureats-pour-les-labex.html)

Si mes propos vous heurtent, Monsieur Sire, pardonnez-moi. Je fus hélas en mon temps une des victimes de ce système oppressif et frustrant que vous dénoncez avec tant de fougue. Chaque jour que Dieu fait, rongé par d’indélébiles frustrations, je rumine des anathèmes à l’encontre de ces infâmes condisciples de taupe (dont j’ai oublié les noms), qui me surclassèrent jadis au classement de concours d’entrée dans de prestigieuses et inaccessibles écoles. Et l’on vous dira que je ne suis rien d’autre qu’un pauvre fol qui tient l’humanité tout entière pour responsable de son infortune…

Scandale de la vérité

Publie par philippe.jamet le décembre 10th, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  6 Commentaires

Il est étonnant de constater combien les faits dérangent dès lors qu’il s’agit des « grandes écoles ». Ils dérangent au point qu’on continue à trouver ici et là, sous la plume et dans les discours de personnes expertes, quantité de contrevérités et de présentations simplistes, quand ce ne sont pas des diatribes enflammées. Directeurs de grandes écoles, nous nous sommes accoutumés à cet environnement, il fait partie de notre lot commun. Ainsi les mauvaises herbes parsèment-elles l’univers du jardinier.

Passe encore lorsque les caricatures des grandes écoles émanent de compatriotes – car le fait est que nous en entendons rarement à l’étranger – motivés par une loyauté idéologique, aveuglés par l’ignorance ou victimes de leur confiance envers certains médias. Mais les mêmes caricatures sont proprement insupportables lorsqu’elles sont véhiculées par des spécialistes de l’enseignement supérieur, des personnes qui ont pourtant toutes les données du problèmes en main. Doublement insupportables, parce qu’elles violent la rigueur scientifique dont ces collègues devraient être les hérauts infaillibles et aussi parce qu’elles concourent à entretenir, et au plus haut niveau, des représentations héritées du passé et qui ne font que contrarier les évolutions actuelles de l’enseignement supérieur, notamment le rapprochement entre les universités et les dites écoles.

Quelques uns de ces collègues, parvenus au sommet de la carrière universitaire sont entrés en politique. Sur le sujet de l’enseignement supérieur, il conjuguent une autorité légitime et l’audience attentive de leurs concitoyens. Quelle noble responsabilité ! S’exprimant donc ex cathedra, nous sommes en droit d’attendre de leur part des propos objectifs et des analyses éclairées. Dès lors qu’ils se laissent aller à déformer la vérité, à dissimuler les faits, à entretenir les suspicions par des présentations biaisées, il y a de leur part non seulement malhonnêteté intellectuelle, mais abus de confiance.

C’est dans cet esprit que je réagis à ces quelques lignes signées d’un collègue universitaire et élu :

« 15% du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est consacré aux grandes écoles, c’est-à-dire à 5% des étudiants effectivement sélectionnés sur leur excellence mais où, en pratique, on ne fait que reproduire les inégalités de naissance en n’y trouvant pratiquement plus que des enfants de cadres supérieurs« .

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Perte d’autonomie, mode d’emploi…

Publie par philippe.jamet le novembre 28th, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  3 Commentaires

L’autonomie des établissements universitaires est à la mode. Pourtant, de nombreux responsables  et observateurs de l’enseignement supérieur s’interrogent régulièrement sur la réalité et le devenir  de cette valeur érigée depuis peu en principe fondateur de l’excellence et de la performance de nos universités et de nos écoles.

Récemment, un haut fonctionnaire me faisait observer que l’autonomie des opérateurs de l’Etat n’était pas une fin en soi, mais un moyen que l’Etat jugeait opportun de mettre en œuvre (ou pas) selon de simples critères de subsidiarité et d’efficacité. Propos sensé, qui renvoie l’Etat à ses responsabilités et les opérateurs (autonomes) à la suprématie de l’intérêt général.

Nonobstant ce rappel constitutionnel, l’autonomie d’un établissement universitaire étant consubstantielle à ses missions, des mesures qui aboutiraient, intentionnellement ou non, à sa restriction seraient particulièrement mal inspirées. Mieux qu’un long discours, la multitude des universités internationales dont l’excellence repose avant tout sur l’autonomie et le motu proprio achèvera de nous édifier sur la réalité de la consubstantialité dont je parle et sur les vertus ordinaires de l’autonomie académique, au niveau des établissements, des laboratoires et des enseignants-chercheurs.

Les faits démontrent que l’autonomie si elle n’est aucunement une condition suffisante de l’excellence, en est assurément une condition nécessaire. Aussi, tandis que nous sommes tous embarqués dans les grandes manœuvres de l’excellence, est-il important de nous assurer que nous progressons bien sur la route de l’autonomie dans la bonne direction.

Je soumets aujourd’hui à mes lecteurs quelques observations à ce propos.

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Réflexions autour du « droit à l’excellence » (deuxième partie) : innover dans les référentiels d’excellence, l’exemple des formations par apprentissage

Publie par philippe.jamet le novembre 6th, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  3 Commentaires

Dans les débats autour du droit à l’excellence des publics défavorisés, la question de l’accès aux classes préparatoires et aux écoles les plus prestigieuses occupe très souvent le devant de la scène. Il en est même, parmi ces institutions renommées, qui font volontiers, de « l’ouverture sociale », un élément de marketing et de visibilité médiatique.

Cette question est incontestablement importante et chargée de symbole dans une société soucieuse de l’équité et de l’égalité des chances. On ne saurait par exemple durablement s’accommoder de la surreprésentation des bacheliers issus des « cadres et professions intellectuelles supérieures » dans les classes préparatoires aux grandes écoles et dans les écoles d’ingénieurs « post-bac ». Cette catégorie y totalise en moyenne 50% des effectifs contre 6% pour les ouvriers, tandis que les proportions respectives de ces deux catégories sont de 30% et 20% chez les bacheliers de l’enseignement secondaire et de 9% et 13% dans la population française (sources INSEE et Observatoire des Inégalités). Il y a donc bien un problème de ségrégation tout au long de la chaîne éducative, une « décantation sociale » qui atteint son paroxysme au niveau du « supérieur du supérieur ».

Mais donner un poids excessif à ce problème, gloser sans fin sur cet état de fait comme le font régulièrement des médias, des observateurs et des experts du monde de l’éducation, et sur un mode, me semble-t-il, qui n’est pas toujours dépourvu d’arrière-pensées, nous enferme dans une vision polémique et statique. Voilà une énergie dilapidée en vain. Pour preuve : la situation évolue peu et on serait même fondé à se demander si cette focalisation du débat sur un aspect très partiel de l’enseignement supérieur d’excellence ne serait pas contreproductive, dans le sens où elle aggraverait la situation que l’on dénonce. Tout se passe en effet comme si l’importance démesurée accordée à ce problème tendait à renforcer des comportements inverses à ceux souhaités chez les parties prenantes : « cadres et professions intellectuelles supérieures », encouragés dans un fâcheux déterminisme éducatif, « publics défavorisés »,  confortés dans leur autocensure. Doublement contreproductive, car tandis que l’on s’éreinte sur cette question sans la faire progresser, tout ce qui en est extérieur, soit près de 90% des effectifs du supérieur, souffre d’un déficit d’attention. Lire la suite »

Echo du pays où l’herbe est (dit-on) plus verte

Publie par philippe.jamet le octobre 20th, 2011 dans la categorie Enseignement supérieur  •  Pas de commentaires

Il est toujours utile de relativiser la situation de l’enseignement supérieur français au regard de certains de ses homologues étrangers. D’autant plus utile quand les éléments de comparaison sont pris dans des pays dont l’excellence tient souvent lieu de modèle pour les évolutions en cours de notre système universitaire.

De passage ces jours-ci dans mon ancienne patrie de Washington, District of Columbia, je prends connaissance d’articles de presse reprenant des données récemment publiées par le College Board à propos de l’endettement des étudiants du supérieur. Le College Board est une association de 5900 collèges, universités et écoles secondaires dont la mission est de promouvoir l’excellence et l’équité dans l’enseignement supérieur.

Selon le College Board, les prêts étudiants ont plus que doublé dans la dernière décennie, passant de 48,7 milliards de dollars à 107,1 milliards. Pour la première fois, la dette étudiante cumulée dépassera en 2011 le trillion de dollars (1000 milliards, soit 7% de la dette des Etats-Unis et plus que la dette attachée aux cartes de crédit). La prochaine bulle du crédit aux USA pourrait bien être celle du crédit étudiant, même si  cette dette est en principe « sans risque pour le contribuable et les bailleurs », car la loi américaine interdit le recours à la faillite personnelle dans ce cas, contrairement aux emprunts immobiliers et aux cartes de crédit. Il reste que tout le risque est supporté par des jeunes qui inaugureront leur vie active avec un lourd handicap financier. Les conséquences pour les individus et pour l’économie de la nation seront lourdes, puisque cet endettement décalera dans le temps les étapes de la construction sociale telle l’accession à la propriété, l’achat d’un véhicule ou la fondation d’une famille.

Les effets de l’endettement sur le stress de l’étudiant ont été maintes fois dénoncés, stress accru par la menace permanente du défaut de paiement (plus de 9 mois de retard sur les remboursements) qui s’élève aujourd’hui en moyenne à 9%.

Cette situation préoccupante prend un tour franchement révoltant si l’on considère qu’une partie substantielle de la dette étudiante alimente des institutions à but lucratif dont la plus célèbre, l’Université de Phoenix reçoit 88% de son budget au travers de programmes fédéraux, la plupart sous forme de prêts étudiants (dont 80% de l’encours de 1000 milliards est consenti ou garanti par le gouvernement). La moitié des cas de défaut de paiement survient chez des étudiants issus d’institutions à but lucratif (for-profit) qui ne représentent par ailleurs que 10% des étudiants du supérieur. Enfin, un quart des étudiants passés par ces universités font défaut dans les trois années suivant leur sortie, ce qui soulève de sérieuses questions sur le concours des prêts étudiants à la réussite dans les études universitaires.

Les institutions à but lucratif se défendent en mettant en avant la spécificité des étudiants qu’elles accueillent, «étudiants de la deuxième, de la troisième et même de la quatrième chance » c’est-à-dire des personnes « non-traditionnelles et à risque », dont toutefois elles chargent davantage la barque, sans état d’âme…