Réponse d’un abruti à un triste Sire…

J’invite celles et ceux qui douteraient encore de la persistance d’un certain aveuglement haineux de la part de responsables éminents de l’enseignement supérieur envers les grandes écoles, aveuglement dont je me navrais dans un récent billet (« Scandale de la vérité« ) à lire l’interview que le professeur Bruno Sire, président de l’université de Toulouse I vient d’accorder à Educpros.

On saluera l’élégance des propos de ce Monsieur envers les 250.000 étudiants des écoles d’ingénieurs et de commerce et les 80.000 élèves de classes préparatoires, ces suppôts d’un « système scandaleux où tout se joue sur les bulletins de 1ère« , ces produits d’une « sélection qui abrutit les jeunes et crée des générations de frustrés« .

Plutôt que d’entretenir cette opinion morbide, plutôt que de se complaire à des dénonciations qui se voudraient fracassantes, mais ne sont qu’insensées et déshonorantes, Monsieur Sire devrait plus fréquemment visiter nos écoles : il y rencontrerait, à tous les niveaux, des étudiants souriants et enthousiastes, dont plus de la moitié d’ailleurs ne sont pas issus des concours et qui sont une des fiertés de notre système éducatif… Mais il est de ceux que cette réalité dérange, qui préfèrent surfer sur la vague de leurs préjugés, échos contemporains de ces antiques académiciens qui juraient férocement, en dépit des évidences, que la terre était plate.

Certains observateurs avaient noté, à l’occasion des résultats Labex première vague, que l’auteur de ces propos diffamants entretenait des relations problématiques avec les systèmes de sélection et réclamait à leur propos certains aménagements (cf. http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article4562 et http://www.educpros.fr/detail-article/h/cc3b3cc9d9/a/grand-emprunt-100-laureats-pour-les-labex.html)

Si mes propos vous heurtent, Monsieur Sire, pardonnez-moi. Je fus hélas en mon temps une des victimes de ce système oppressif et frustrant que vous dénoncez avec tant de fougue. Chaque jour que Dieu fait, rongé par d’indélébiles frustrations, je rumine des anathèmes à l’encontre de ces infâmes condisciples de taupe (dont j’ai oublié les noms), qui me surclassèrent jadis au classement de concours d’entrée dans de prestigieuses et inaccessibles écoles. Et l’on vous dira que je ne suis rien d’autre qu’un pauvre fol qui tient l’humanité tout entière pour responsable de son infortune…

Article du on lundi, décembre 12th, 2011 at 22:55 dans la rubrique Enseignement supérieur. Pour suivre les flux RSS de cet article : RSS 2.0 feed. Vous pouvez laisser un commentaire , ou un trackback sur votre propre site.

9 commentaires “Réponse d’un abruti à un triste Sire…”

  1. Bruno Sire dit:

    A Monsieur le donneur de leçon qui manie les contres vérités et l’amalgame…
    Quels arrangements ? Sachez que l’EET (l’école d’économie de Toulouse) n’a pas été retenu comme Labex… et pourtant c’est une des meilleures équipes de recherche d’Europe en économie, comme le prouvent les classements spécialisés (http://ideas.repec.org/top/top.econdept.html ; http://www.vcharite.univ-mrs.fr/pp/combes/RapportRanking010310.pdf ; http://www.econmx.com/; …). On peut donc s’interroger ! Et merci de corriger à l’avenir vos erreurs dénonciatrices.
    Ensuite, qu’y-a-t-il de scandaleux à déclarer que les hommes politiques sont responsables des deniers publics et que c’est à eux que le citoyen, que je suis, demandera des comptes ?
    Enfin quel le rapport entre cette prise de position et le système de sélection de nos « élites ». L’amalgames est-il un mode de fonctionnement appris ou inné ? Dans tout les cas c’est lui qui manques d’élégance de mon point de vue.
    Je tiens à dire que le titre racoleur d’un journaliste ne fait pas une vérité : je ne suis pas « vent debout » et je ne critique pas plus les grandes écoles que les universités, pour preuve nous avons deux grandes écoles dans notre université et nous envisageons d’en créer une troisième !
    Je dis simplement que le système de sélection de nos « élites » n’est plus adapté à notre monde et qu’il est temps d’en changer. Pour les raisons suivantes, en quelques mots : 1/ sélection trop jeune sur une période de vie (l’adolescence) difficiles pour des raisons sociologiques (instabilité des familles et des situations professionnelles, tentations en tout genres d’un monde très ouvert aux sollicitations externes); 2/ nous avons besoins de former nos élites à la recherche et à l’innovation car les solutions de demain ne seront pas celle d’hier et nous confions leur sélection à des enseignants et pas à des chercheurs (hiatus) ; 3/ le couperet brutal d’un concours où l’on joue sont avenir en trois jour n’est pas la vraie vie, heureusement ; 4/ les statistiques sur les dépressions nerveuses et les tentatives de suicides en prépas sont alarmantes.
    Je milite donc pour que les grandes écoles soient intégrées dans les universités, pour que la sélection se fasse sur la base d’un contrôle continu dans le cadre universitaire, pour que la sélection soit assurée par des enseignants-chercheurs qui peuvent, à priori, mieux détecter les talents pour poursuivre à bac+8 que des enseignants non chercheurs tout aussi consciencieux et brillants soient-ils.
    Si ces propos vous choquent j’en suis désolé, mais je persiste et je signe, en espérant que votre coté donneur de leçon qui manie l’amalgame et les contres vérités ne cache pas une défense farouche des avantages acquis.
    Bruno Sire

  2. philippe.jamet dit:

    Je publie dans son intégralité le commentaire du Président Bruno Sire.

    Concernant l’Institut d’Etudes Avancées de Toulouse, voir ici :

    http://www.educpros.fr/detail-article/h/cc3b3cc9d9/a/grand-emprunt-100-laureats-pour-les-labex.html

    et ici:

    http://www.sauvonsluniversite.com/spip.php?article4562

  3. Sire dit:

    L’instiut d’ études avancées (IAST) n est pas l’école d’économie, mais un autre projet qui concerne toutes les composantes de nôtres Universite. Le projet de l’école d’économie se nome TSE et a été retoUe au 1er tour. Nous espérons qu’il sera pris au second.
    Décidément vous avez l’amgame cheville au corps !
    B Sire

  4. philippe.jamet dit:

    Dont acte, cher Président.
    Mon texte est dûment corrigé sur ce point et je vous en remercie.

    Je retiens cependant de notre échange qu’un idéologue n’est pas un donneur de leçons et qu’une personne qui qualifie de frustrés 250000 élèves d’écoles ne pratique pas l’amalgame…

    Bien cordialement à vous
    Philippe Jamet

  5. Dubois dit:

    A la lecture de cette polémique incisive, je me dis que le projet de créer des Instituts d’enseignement supérieur (IES), autonome des lycées et des universités, dédiés au cycle Licence, n’est peut-être pas aussi utopique que cela ! Fin des CPGE et de la licence, fusion des BTS et des DUT. Les IES : http://blog.educpros.fr/pierredubois/tag/ies/

    Possibilité pour tous les bacheliers qui le souhaitent de poursuivre des études supérieures dans ces IES (des places pour tous mais au terme d’une orientation sélective : chaque bachelier dans sa bonne place).

    Accès sélectif aux masters, aux écoles universitaires internes, aux grandes écoles associées à l’université, après l’obtention d’une licence en 3 ans…

  6. FreeBix dit:

    @M. Dubois
    « des places pour tous mais au terme d’une orientation sélective : chaque bachelier dans sa bonne place »

    Elle est bien bonne celle là !

    Et qui définit la/sa « bonne place » de chacun ? L’étudiant ? des orienteurs ? sur quels critères ?

    Quid du taux « d’erreurs » de part et d’autre ?

  7. Jean-Philippe Lagrange dit:

    « 4/ les statistiques sur les dépressions nerveuses et les tentatives de suicides en prépas sont alarmantes »

    Je n’ai jamais vu de telles statistiques et, ayant une formation scientifique, grande école puis recherche et animation de recherches, je suis un peu surpris de voir une assertion ainsi émise sans qu’elle ne soit accompagnée d’une référence de source. C’est pour le moins inhabituel et l’auteur devrait fournir une telle référence sans laquelle ce passage est vide de sens.
    A titre personnel je n’ai pas eu dans mon passage en prépa., ni après, connaissance de suicides voire dépressions. Sachant que la pression en classes préparatoires est notablement moins forte que lorsque j’y suis passé il y a plus de trente ans, cette assertion est donc non seulement non appuyée sur une source, mais surprenante.

    Sur le fond de la sélection : le système des concours tend en effet à sélectionner en fonction d’une aptitude intellectuelle précoce et d’une capacité à travailler vite ou beaucoup. C’est évidemment limitatif par rapport à l’ensemble des qualités utiles dans une société. Notons cependant en passant cependant qu’une part croissante des anciens élèves de grandes écoles scientifiques enchaînent par un doctorat, éventuellement une période prolongée en recherche, et y démontrent leur capacité à réussir dans ce domaine.
    Surtout et inversement, il est tout aussi erroné et inadéquat de vouloir faire des qualités du chercheur l’étalon universel des qualités utiles au pays.
    Le problème n’est donc pas la filière des grandes écoles, qui répond à des besoins et a démontré son efficacité, mais la rigidité et l’archaïsme des gestions de recrutement et de carrière, aussi bien dans le privé (pratique maintenant généralisée de parachutage d’anciens membres de cabinets ou d’anciens politiques) que dans le public (avec le même phénomène, mais également le système de division en corps qui segmentent l’emploi de manière rigide et entretient des castes ; à cet égard, qui peut dire que le mandarinat, entretenu par ces règles, a disparu des universités ?)

    Enfin, pour ce qui est de la vieille idée d’absorber les grandes écoles dans de grandes universités qui auraient absorbé leur environnement, trop souvent avancée de manière simpliste comme le moyen de résoudre tous les problèmes, deux considérations :
    – les grandes écoles sont en général d’assez petites structures, agiles et tournées vers l’efficacité, y compris dans leur capacité à adresser des domaines nouveaux et pluridisciplinaires sans le frein du découpage en sections CNU. Sachant que de plus la gouvernance des universités est encore ce qu’elle est, je doute qu’elles ne soient intéressées à se fondre dans les universités
    – l’exemple des IUT, structures qui ont des points communs et qui ont perdu leur autonomie avec la LRU, ironie de l’autonomie par concentration, celui des directeurs d’IUT qui ont protesté, ne sont certainement pas incitatifs.
    En somme, cette vieille lune de la disparition des grandes écoles et de l’absorption d’icelles et des organismes de recherche par les universités sont plus le signe d’une frustration ancienne !
    La diversité est souvent source de richesse, ne l’oublions pas.

  8. Nicolas Bernard dit:

    Messieurs,
    je me permets d’intervenir dans ce débat pour donner mon humble avis de jeune diplômé (tout ce qui suivra ne concerne que les prepas scientifiques, je ne peux parler de choses dont je n’ai fait l’expérience, je n’ai pas l’aisance de certains dans ce domaine), car j’ai l’impression que comme d’habitude les débatteurs ne sont jamais les premiers concernés.
    Monsieur Sire, je ne sais pas de quand date votre expérience de la prépa, si expérience il y a eu, mais le cliché de la prépa élitiste à l’extrême est tombé depuis longtemps, et je crois que vous êtes maintenant un des tout derniers à y croire. Je ne pense pas, je sais, que la prépa est le meilleur moyen actuel (et le plus équitable entre tous les élèves, riches ou pauvres, noirs ou blancs, français ou étrangers,…) de développer ses capacités intellectuelles, quitte à « abrutir » les fous qui croient que l’apprentissage des sciences passe par l’apprentissage par coeur de toutes les informations qui sont mises à leur disposition. J’ai pour ma part eu des résultats très moyens au lycée, mais cela ne m’a pas empêché de réussir, car je considère que j’ai réussi, en classes préparatoires. Rien n’est joué en première comme vous le soutenez, ni en terminale, ni même en math sup…
    Je ne sais pas non plus de quand date votre expérience de ce que l’on appelle « Grandes Ecoles », mais apprenez à les connaître avant de les juger. Je n’en connais pour ma part qu’une seule, et j’y ai trouvé plus de diversité que dans mes école primaire, collège, lycée et prépas réunis. Rendez-vous compte que dans une promotion de 150 élèves je me retrouvais avec des personnes de toutes les régions de France, ainsi que des camarades venant du Cameroun, du Congo, du Brésil, de Colombie, d’Espagne, et j’en passe, chacun ayant bien sûr une personnalité propre et marquée. L’école elle-même est intimement diverse car proposant plus de parcours possibles qu’il n’y a d’élève par promotion.
    Multipliez tout cela par le nombre d’Ecole que compte notre pays et vous saisirez peut-être pourquoi je considère qu’il est stupide de cibler tous les élèves des « Grandes Ecoles » avec vos préjugés.

    Monsieur Sire, tolérez que les écoles et universités cohabitent comme elles le font, elles apportent chacune à leur façon les éléments essentiels au développement de nos entreprises et administrations. Cessez ce discours nauséabond d’ignorance et d’intolérance. Je ne sais pas qui de nous deux est le plus frustré, mais je n’ai personnellement de ressentiment pour personne (à part pour les gens qui lancent des âneries sur des sujets que je maitrise, cela va sans dire).
    Je serais pour ma part très intéressé de voir ce que proposera votre troisième modèle et serais un des premiers à le soutenir si j’y vois une possibilité d’apporter de nouvelles choses à notre système éducatif.

    Un ancien élève de l’EMSE frustré. Frustré non pas d’avoir échoué à l’X, aux mines de Paris etc…, mais de voir qu’à notre époque encore où l’information est reine et facile d’accès l’on puisse parler de sujets dont on ne maitrise pas la substance tout en étant écouté.

  9. Bruno Sire dit:

    Cher Monsieur désolé de vous avoir choqué, mais mon propos ne vous était pas destiné, pas plus qu’à la grande majorité des 250000 élèves qui passent par des écoles d’ingénieur ou de commerce. Mon propos se limite à remettre en question la sélection des élites, et d’elles seules, parce que notre pays à un problème pour amener ses meilleurs étudiants, ceux à haut potentiel, vers les meilleures structures de formation, celles où sont proposées des formations à la recherche et par la recherche, c’est à dire allant jusqu’au doctorat. Une structure de formation qui ne propose pas un programme doctoral de haut niveau n’est pas considérée comme étant une grande école ou une grande université. C’est la norme internationale. Avec comme point déterminant pour juger du niveau, l’analyse de la qualité du corps enseignant et des équipes de recherche : font-ils de la recherche évaluée et reconnue sur le plan international ? Nous sommes nombreux à penser que notre pays a besoin de former des chercheurs de haut niveau, car c’est la condition de l’innovation dont nous avons besoin, et que nous nous y prenons mal pour atteindre cet objectif.

    De fait, alors que les écoles drainent une grande partie de l’élite des lycées, seule une petite poignée d’école d’ingénieur ou de commerce dispose d’un programme doctoral digne de ce nom et donc mérite le qualificatif « Grande Ecole ». C’est uniquement de cette poignée dont je parle. On ne s’autoproclame pas GE, et le recrutement dans des classes dites préparatoires aux GE ne suffit pas pour avoir droit à ce qualificatif. Très peu répondent aux critères internationaux, les autres sont des écoles, très estimables sans doute, mais pas des GE.

    Bien évidement il n’y a pas trop de pression (et donc pas de frustration) pour trouver une place dans une école d’ingénieur ou de commerce dès lors qu’il y a plus de places offertes qu’il n’y a d’étudiants en CPGE. C’est tout autre chose de rentrer dans la petite poignée des véritables GE. Le problème de notre pays n’est pas de remettre en question l’existence des écoles, il est d’amener les étudiants qui ont le potentiel pour faire de la recherche de haut niveau en face des enseignants-chercheurs de haut niveau. Nous en sommes, hélas, loin et c’est une des raisons pour lesquelles la France est en train de perdre pied en matière de recherche et d’innovation malgré un système éducatif dense et qui globalement marche plutôt mieux que dans beaucoup de pays qui nous sont passés devant.

    Développer les GE dans les universités ou favoriser la rapprochement entre cette poignée de GE et les Universités, c’est permettre cette adéquation. Heureusement un certain nombre a compris que ce défis est majeur et qu’il est urgent d’y répondre. Et avec eux nous nous employons à faire évoluer notre système dans ce sens à travers quelques projets de type : plateau de Saclay (Polytechnique + U Paris 11 + CNRS + CEA…) ; ENS-ULM + U Dauphine + Collège de France ; U Paris 3-5-7 + IEP de Paris ; etc..

    Je n’ai donc ni l’impression d’être isolé dans cette analyse, ni celle de mener un combat d’arrière garde, bien au contraire…

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