Chers amis, chers lecteurs,
J’ai emprunté, pour ce dernier billet, le titre d’un ouvrage écrit à la fin de sa vie par Hyacinthe Dubreuil, ouvrier et syndicaliste (1971, Librairie du Compagnonnage) et que je recommande au passage à votre lecture.
Car j’ai décidé de clore ce blog ouvert voici deux ans. Comme vous m’avez fait l’honneur et le plaisir de me lire, j’estime vous devoir des explications. Trois raisons ont motivé ma décision. La première, c’est que j’avais le sentiment d’avoir tout dit et que la suite ne serait que délayage ou polémique sur des points d’actualité, ce sport national dont la France est hélas friande. Je n’ai pas voulu y succomber davantage.
La seconde est à mettre en relation avec cette loi qui se prépare, dans la foulée des assises de l’enseignement supérieur. Pour faire bref, cette loi me fait peur. Je crains, en démenti à ses ambitions affichées, qu’elle n’institutionnalise les vices de notre système d’enseignement supérieur et que, tournant le dos de manière délibérée à ce qui, dans le monde entier, est reconnu comme les leviers d’excellence universitaire, elle ne sape notre compétitivité.
Je redoute que la démocratisation et la coordination, maîtres mots de cette loi, ne débouche sur une dilapidation considérable d’énergie interne des universitaires, alors qu’il n’a jamais été plus urgent pour eux de consacrer toutes leurs forces à se battre pour la réussite de leurs étudiants, l’attractivité de leurs institutions et le rayonnement de leurs compétences. J’appréhende, enfin, cette coordination de site qui ne me semble pas aller dans le sens de la visibilité des meilleurs établissements et, au demeurant, compliquera considérablement la vie des établissements multirégionaux, dont celui que je dirige.
En raison de ce contexte, préoccupant, ne pourrai donc pas consacrer à ce blog le temps nécessaire. Et d’ailleurs, quoique mon statut universitaire m’autoriserait à m’exprimer à titre personnel, je risquerais d’y étaler des commentaires qui ne seraient pas nécessairement du goût de ceux qui m’emploient. J’en ai sans doute déjà trop dit… Souffrez que j’en reste là.
La troisième et dernière raison est plus anecdotique et plus épidermique. Avant l’été 2012, j’avais écrit sur ce blog un petit papier appuyé sur la lecture d’un numéro de la revue Phosphore consacré à l’orientation des collégiens. J’y déplorais l’absence de toute référence à des métiers ne nécessitant pas des parcours dans le supérieur, comme si ces métiers (ceux-là même, tout le monde le comprend aisément, qui feront les gros effectifs d’emplois) avaient quelque chose de honteux et d’inavouable. Quel message renvoyait cette publication ? Tout simplement celui-ci : « hors du supérieur, point de salut » ! Ce n’est pas en martelant ce seul message qu’on rend service aux générations montantes.
Ces commentaires, somme toute modérés et factuels, me semblaient justes. Je devais avoir tort, car l’éditeur de ce blog m’a informé quelques jours plus tard qu’afin de ne pas blesser la concurrence, il se voyait au regret de retirer mon article. J’avais la faiblesse de penser que les modérateurs de ce blog laissaient libre cours aux opinions, se contentant de veiller à une certaine correction dans les propos des rédacteurs. Je découvrais tardivement que d’autres considérations, plus subjectives, entraient aussi en ligne de compte. Je m’incline bien sûr, mais je ne me soumets pas. J’esquisse poliment un geste de révérence, non sans saluer au passage la qualité collective des blogs Educpros et la mobilisation de ses contributeurs éditoriaux.
Nous nous retrouverons bien sûr sous d’autres livrées, ou sous d’autres cieux.
Fidèlement
Philippe Jamet
Bonsoir,
Je comprends votre décision.
Mais je regrette que cela me prive de vos analyses et commentaires qui ont toujours été marqué du sceau de l’honnêteté et de la rigueur.
vos billets m’ont apporté un éclairage passionnant pour moi qui a passé 6 ans dans une grande école d’ingénieurs (top 10) de Lyon
Encore merci
cordialement
Même commentaire que corto069. Merci et à bientôt en d’autres lieux.