A l’occasion de la traditionnelle parution (Twitter m’a ainsi permis de découvrir le terme de « marronnier » en journalisme) des enquêtes d’organisations étudiantes sur le coûts de la rentrée pour les étudiants, il a été fréquemment question du « salariat étudiant », dont on affirme volontiers qu’il explose pour attendre 73% des étudiants qui « sont obligés de se salarier pour financer leurs études ». Affirmation fondée sur les résultats de l’Observatoire de la Vie Etudiante (OVE), dont l’enquête 2010 « Conditions de vie des étudiants » peut effectivement conduire à ce chiffre.
Il importe néanmoins, par soucis d’honnêteté intellectuelle, de décomposer ce chiffre. En reprenant cette même enquête, on constate ainsi que ces 73% sont l’addition de différents types d’activités :
– en termes de fréquence et de volume hebdomadaire
– en termes de nature d’activité
Les graphiques correspondants sont reproduits ci-dessous et directement issus de l’enquête.
Un détour par le questionnaire auquel les enquêtés ont répondu montre ainsi que l’activité salariée prise en compte retient aussi les stages rémunérés. Or, on sait bien qu’une des évolutions majeures de nos formations universitaires depuis la mise en place du LMD tient à leur professionnalisation, au travers (notamment) de l’introduction de plus en plus systématique de stages inclus dans les cursus. On ne peut dans ces conditions que mieux comprendre pourquoi les étudiants déclarent davantage qu’auparavant avoir exercé une activité salariée durant l’année, puisqu’ils effectuent davantage de stages.
Si l’accroissement du recours au stage n’explique sans doute pas la totalité de l’évolution des déclarations de pratique d’une activité salariée par les étudiants, elle invite néanmoins à considérer avec une très grande prudence les chiffres affichés de manières récurrentes dans les discours et les médias. Si 73 % des étudiants déclarent effectivement exercer une activité salariée dans l’année:
– ces activités peuvent être avec ou sans rapport avec leurs études ; l’OVE a plusieurs fois montré (et c’est logique) que les activités salariées étudiantes nuisent d’autant moins aux études qu’elles sont en rapport avec les études.
– la diversité des volumes horaires travaillés montre également que tous les étudiants ne correspondent pas à l’image du « job au Mac Do », la situation étant plus diversifiée (allant des jobs étudiants « lourds » aux petites jobs ponctuels). Pour l’OVE, c’est notamment le cap du mi-temps hebdomadaire (lire par exemple le livre Les mondes Etudiants) qui conduit à mettre sérieusement en danger la réussite des étudiants
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause le risque avéré que fait peser le salariat étudiant sur la réussite des étudiants dans leur cursus (il convient de bien s’accorder sur les types de salariats qui peuvent alors être concurrents avec la réussite des études) : je devine déjà que c’est le procès d’intention qu’on ne manquera pas de me faire à la lecture de cet article. Néanmoins, ll paraît normal d’aborder une question aussi complexe que le salariat étudiant avec un minimum de rigueur et d’honnêteté intellectuelle. Les enquêtes de l’OVE et les méthodologies afférentes sont en ligne sur le site de l’Observatoire pour celles et ceux qui voudront bien prendre la peine de les consulter … ou de les expliciter.
Mise à jour du 24 août : Mediapart a rédigé un article similaire et même plus précis, accessible en cliquant ici.
Pingback: « Qui sont les étudiants salariés ? | «Le blog de Romain Pierronnet
Pingback: Travail étudiant : analyse critique d’un reportage de France 2 | Le blog de Romain Pierronnet