La Ministre de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur, Geneviève Fioraso, a annoncé en ce 16 juillet 2013 une consolidation du système d’aides sociales destinées aux étudiants. L’intégralité du dossier de presse est accessible ici.
Cette réforme se structure autour de 4 axes :
– une hausse à hauteur de 1% des bourses
– la création d’un échelon 0 bis : si les boursiers relevant de l’échelon 0 ne perçoivent pas d’aide financière directe, ils sont néanmoins exonérés des droits d’inscription et de sécurité sociale étudiante. Désormais, une partie d’entre eux (55 000, soit 40% des effectifs de l’échelon 0) percevra en complément une bourse annuelle de 1 000€, sur critères sociaux
– la création d’un 7ème échelon de bourses, permettant à 30000 des étudiants relevant de l’ancien échelon 6 (le plus élevé) de bénéficier d’une aide annuelle de 5 500€ contre 4 697€ actuellement
– enfin, la création de 1000 allocations (montants allant de 4 à 5 500 €) pour les étudiants en situation de rupture familiale, de fait indépendants de leurs parents (et parfois dans des situations très délicates)
A chaud, voici ce que je me propose d’en retenir :
– tout d’abord, pour rire : la « guerre » des communiqués (et réactions sur Facebook et Twitter …) des organisations étudiantes (voir ici l’UNEF, PDE et la FAGE), chacune revendiquant la paternité de ces annonces. Seul le MET (classé à Droite) se montre non satisfait, en continuité avec sa position habituelle visant à la création d’un dispositif de prêts gracieux garantis par l’Etat, plutôt que d’aides financières directes aux étudiants (même si comparaison n’est pas raison, la situation des prêts étudiants outre-atlantique rend néanmoins l’exploration de ce modèle politiquement dangereuse)
– naturellement, un effort global de 118 millions d’euros sur le budget de l’Etat en faveur des étudiants, mais destinés à un périmètre similaire : les critères d’éligibilité n’étant pas revus, ce sont à la fois les 1000 allocations « rupture familiale » et les évolutions sociales structurelles qui contribueront à faire évoluer le nombre d’étudiants bénéficiaires des bourses sur critères sociaux
– (edit) : comme me le fait remarquer (ci-dessous en commentaire) le Président de la FNEK (association nationale des étudiants en Kinésithérapie), il importe de relever que cette réforme n’impactera a priori pas les formations sanitaires et sociales, organisées sous la tutelle des régions et en lien avec le Ministère de la Santé (qui dispose de sa propre enveloppe dédiée aux bourses pour les étudiants de ces formations). L’alignement des bourses de ces formations (sur celles des autres étudiants) fait partie des revendications récurrentes de leurs étudiants
– le choix politique de cibler prioritairement les étudiants les plus défavorisés et ceux qui sont « au fond de la courbe en U » des aides sociales (ceux qui bénéficient le moins des dispositifs sociaux et fiscaux, en particulier les classes moyennes), notamment les échelons 0 (le « bas » des classes moyennes) sans cependant élargir le périmètre global. A la décharge du Ministère, la situation budgétaire de l’Etat posait néanmoins de fait des limites aux réformes possibles
– le maintien pour l’heure des échelons, et donc des effets de seuils : c’est là un sujet qui ne concerne néanmoins pas les seules aides étudiantes
– le report d’un an de l’extinction des aides au mérite : annoncé la semaine dernière au même moment que les résultats du Bac, ce « timing » malheureux avait fait couler beaucoup d’encre, comme l’évoque Olivier Rollot sur son blog. Le Ministère avait annoncé ce report il y a quelques jours Reste que l’existence d’aides calibrées sur la notion de « mérite » reste un sujet hautement politique et polémique
– la réforme annoncée se limite au seul périmètre des aides relevant du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, et n’aborde pas les aides périphériques comme les aides au logement (ALS et APL) ou encore la fiscalité. Sur ce dernier point, l’UNEF et la FAGE ont à plusieurs reprises évoqué la suppression de la demi-part fiscale comme un outil susceptible de re-déployer des crédits afin de mener une réforme d’ampleur plus conséquente
– à ce sujet, il convient de relever que rien n’a été annoncé quant à ce qui pourrait permettre de financer les 118 millions d’euros nécessaires à la mise en œuvre de cette réforme des bourses
– reste enfin la question de la « compensation SYMPA » : les étudiants boursiers étant exonérés de droits d’inscription, les universités sont sensées bénéficier d’une compensation de ce « manque à gagner » via le modèle d’allocation des moyens (actuellement SYMPA2), compensation dont on sait qu’elle n’est aujourd’hui que très partielle
Après l’introduction d’un dixième mois de bourses (contre 9 auparavant) à l’époque de Valérie Pécresse (en échange de l’assurance que l’année universitaire serait bien organisée sur 10 et non plus 9 mois de cours), les évolutions présentées ici vont donc plutôt dans un sens positif, même si elles conservent un goût d’inachevé et suscitent quelques interrogations. Ainsi, comment interpréter la mise en place d’aides pour les étudiants en rupture familiale, alors que c’est précisément un des points qui légitiment l’allocation d’autonomie (aide versée indépendamment de la situation sociale de la famille de l’étudiant, uniquement sur la base de sa situation personnelle) au sens où la revendique l’UNEF, plutôt que l’Aide Globale d’Indépendance (AGI) défendue par la FAGE ? On peut, au choix, considérer cette mesure comme :
– l’amorce d’une réflexion en faveur de ces étudiants en rupture familiale, sans présumer du choix politique final entre la logique d’allocation d’autonomie de l’UNEF (fondée sur la situation de l’étudiant, dans la logique de la « Charte de Grenoble » considérant l’étudiant comme un « jeune travailleur intellectuel ») et celle de l’AGI proposée par la FAGE (fondée sur la situation de l’étudiant et de sa famille, dans la continuité du modèle social français de solidarité inter-générationelle)
– l’expression d’un choix déjà orienté en faveur d’un traitement au cas par cas des situations de rupture familiale (déjà en partie assurée dans le cadre du Fonds National d’Aides d’Urgence – FNAU – géré par les CROUS), dans la continuité du système actuel, et plutôt en cohérence avec la logique de l’AGI
La réforme annoncée semble ainsi également constituer un test dans la perspective d’une réforme de plus grande ampleur (promesse du candidat Hollande d’une « allocation unique d’études ») des aides étudiantes. Après les échéances électorales de 2014 ?
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