La culture scientifique doit elle être réservée aux formations scientifiques et aux écoles d’ingénieurs ?
Que l’on le veuille ou non, notre monde et notre quotidien sont envahis par les avancées scientifiques et les économistes estiment que l’on est désormais dans un régime d’innovation intensive. La matérialisation des recherches scientifiques se retrouvent aussi de plus en plus dans la « tech » qui est présente partout dans notre quotidien (les objets connectés, les smartphones, les véhicules électriques, l’IA, la cybersécurité, etc.). Pour autant, elle est de plus en plus perçue comme une boite noire pour de nombreux citoyens. Dans une récente étude de l’IFOP menée en septembre 2022 auprès d’un échantillon représentatif de la population française, 37% des personnes interrogées déclarent avoir des lacunes sur la culture scientifique.
L’un des exemples emblématiques est celui du Metaverse qui est souvent mis en perspective dans les articles de presse au travers du film réalisé par Steven Spielberg sorti en 2018, Ready Player One. Souhaite-t-on que la vulgarisation de technologies et des sciences vis-à-vis du grand public soit faite principalement par les industries créatives, rien n’est moins sûr ? Les débats sur la vaccination lors de la pandémie du Covid-19 ont également montré une perception très hétérogène dans la population et des réactions très vives sur le sujet.
Il apparait important que les citoyens, sans rentrer entièrement dans la boite noire de la tech, puissent à minima en comprendre les enjeux et avoir un socle de base de connaissances scientifiques pour se poser les bonnes questions, alimenter le débat public et distinguer un peu plus les « fake news ». Cela est également important dans les entreprises que des managers, des juristes, des sociologues, etc. comprennent les problématiques sur leur cœur de métier des technologies et des avancées scientifiques. Toujours d’après l’étude de l’IFOP, la science est perçue globalement positivement et source de progrès. Néanmoins, on observe aussi un paradoxe car la science est aussi perçue par une part significative de l’échantillon comme un danger pour l’humanité et l’environnement. A cela s’ajoute aussi le rôle des médias qui ont tendance à se faire facilement l’écho de crises ou de dangers liés à certaines technologies ou avancées scientifiques (OGM, crise de la vache folle, nucléaire, etc.).
Cette étude de l’IFOP rejoint une étude longitudinale menée par le CNRS depuis 1970 qui montre également une tendance de défiance accrue des avancées scientifiques au fur et à mesure des années. L’étude du CNRS montre également qu’il n’y a pas une perception homogène. Les sciences (mathématiques, sciences physiques, sciences du vivant, sciences de l’environnement, etc.) ne sont pas considérées de la même façon et leur perception aussi diffère dans le temps. Par exemple, le caractère scientifique de l’agronomie est de plus en plus remis en cause sans doute en raison des enjeux industriels et des risques environnementaux qui sont associés.
Or, il y a un travail important afin de développer une culture scientifique dans l’ensemble des formations car on constate une accélération du rythme des avancées scientifiques dont certaines pourraient conduire dans les prochaines années à d’importantes transformations sociétales (informatique quantique, nanotechnologies, génomique, etc.). Cela permettrait aussi de mieux préparer les individus à prendre conscience du développement en continu de connaissances et de compétences dans leur emploi et pour de futurs métiers qui n’existent pas encore. Il est donc important que l’enseignement supérieur dans son intégralité considère la culture scientifique (mais aussi l’histoire des sciences par exemple) comme une brique de base nécessaire dans le cursus des étudiants, d’autant qu’il sera de plus en plus difficile de la dissocier des problématiques de transitions écologiques et de développement durable.