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Parcoursup : pourquoi la plateforme est elle aussi anxiogène ?

Le 1/06/2023 les résultats des vœux des candidats déposés sur la plateforme Parcoursup seront publiés. Depuis le lancement de cette plateforme, plusieurs voix se font régulièrement entendre pour critiquer le processus d’affectation des candidats pour leurs vœux pour entrer dans une formation de l’enseignement supérieur. Chaque année on peut observer des débats autour de la plateforme Parcoursup qui s’invite même parfois dans le débat politique. Les nombreux retours des journées portes ouvertes ou des réunions parents confirment cette angoisse notamment chez les parents d’une plateforme efficace mais déshumanisée et parfois peu compréhensible avec son jargon et ses règles (sous vœux, liste d’attente, taux d’accès, etc.). Une récente enquête du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR) montre que Parcoursup est encore une source de stress et de perception d’inégalités entre les candidats.

Ce sentiment est aussi lié à la médiatisation de certains cas de candidats qui renforce la dimension anxiogène, mais aussi au fait que le bac a perdu de sa valeur « symbolique » comme porte de transition vers l’enseignement supérieur. Parcoursup matérialise désormais cette porte d’entrée et cristallise aussi les craintes et appréhension des familles.

  1. La peur des grands nombres

L’année dernière, c’est ainsi près de 936480 candidats qui avaient formulé au moins un vœu sur Parcoursup. Ce chiffre intègre les candidats en terminale mais également une part significative de bacheliers qui cherche à se réorienter. Ce chiffre important peut donner l’impression aux familles que certaines formations deviennent encore plus sélectives (11 951 vœux confirmés en 2022 pour Sciences-Po Paris, 10746 vœux confirmés pour la licence de Dauphine qui proposait 600 places, etc.). La matérialisation de ces chiffres agrégés renforce le sentiment que Parcoursup est une boite noire, sans compter que certaines formations appliquent des algorithmes peu compréhensible des familles et des candidats.

Le nombre de formations accessible sur la plateforme a augmenté de 55% en 5 ans, ce qui témoigne d’une très grande variété dans les choix possibles mais aussi d’une plus grande réflexion nécessaire chez les familles et les candidats. De nombreuses filières sont méconnues et la structuration de l’offre s’est considérablement complexifiée dans l’enseignement supérieur.

Parcoursup est un très bon outil qui s’améliore chaque année et qui donne « le pouvoir » aux candidats (10 vœux, des sous vœux, de l’information qualifiée et fiable, etc.). Néanmoins, l’interface avec l’utilisateur peut se révéler aussi stressante par la nature des informations données qu’il faut savoir décrypter (par exemple le taux d’accès est « le pourcentage des candidats à une formation et qui, en phase principale, avaient un rang dans le classement leur permettant de recevoir une proposition d’admission ou bien la position dans la liste d’attente »). Autrement dit, les informations amènent de la transparence aux candidats qui peuvent se faire une idée plus ou moins juste de leur chance d’accéder à la formation souhaitée. A cela s’ajouter les délais de prise de décision qui sont de plus en plus courts chaque année avec un calendrier qui est contraint, ce qui signifie que les candidats doivent une hiérarchie très claire dans leur tête, notamment s’ils sont en liste d’attente et qu’ils reçoivent une proposition d’admission.

 

  1. L’entrée dans l’enseignement supérieur : une véritable stratégie à construire de plus en plus tôt dans la scolarité

Le déficit de ressources en matière d’orientation dans les lycées malgré la loi ORE conduit à avantager les familles disposant d’un capital social important car elles connaissent mieux les parcours et voies d’accès aux formations visées. Cette stratégie peut se comparer à un investissement important en temps et ressources des familles lorsqu’elles en ont les moyens. On observe depuis plusieurs années un déplacement beaucoup plus en amont de la stratégie des familles, parfois dès le collège, pour optimiser les chances d’intégrer la formation souhaitée sur Parcoursup (choix du lycée notamment en Ile de France, combinaison des spécialités choisies en 1ère et en terminale, place des mathématiques avec la réforme du bac jusqu’en terminale, etc.). L’étude du MESR montre ainsi que près de 40% des familles avaient déjà commencé à réfléchir à l’orientation dans l’enseignement supérieur avant la terminale.

Or, cela nécessite de disposer d’une information fiable sur les conditions d’accès aux formations dans l’enseignement supérieur, et les familles peuvent se retrouver très vite noyées dans la masse d’information disponible sur Internet. Ne serait ce que comparer les informations sur la plateforme parcoursup pour les 10 vœux possibles (et sans compter les sous-vœux pour certaines filières ou banques de concours) prend du temps et nécessite une compréhension fine des tendances structurelles (transformation des DUT en BUT, montée en puissance des écoles postbac d’ingénieurs et de management, baisse des effectifs en classe préparatoire ECG, réforme des études de médecine avec deux voies d’accès, etc.). Les familles se retrouvent souvent perdues dans la « jungle des formations », sans compter que les candidats peuvent hésiter parfois entre des formations très éloignées en termes de contenus et de débouchés professionnels. La multiplication mais surtout la variété des acteurs dans l’orientation (coach, organisme d’orientation, youtubers, salons, médias spécialisés en ligne, ONISEP, etc.) est également un sujet pour les familles qui peinent à s’y retrouver et à trouver des points de repères.

En conclusion, Parcoursup est une plateforme qui de manière globale fonctionne très bien sur un plan « macro ». Si on regarde les chiffres de la session 2022, sur 936 000 candidats inscrits, près de 87% ont reçu au moins une proposition d’admission et 68% en ont accepté une. La problématique vient plutôt d’avoir une stratégie travaillée très en amont d’accès à l’enseignement supérieur pour optimiser les chances des candidats d’obtenir leur choix de cœur. Il faut aussi relativiser car il existe aussi parfois des passerelles entre les formations de l’enseignement supérieur, d’autant que les trajectoires et souhaits des étudiants peuvent évoluer pendant leurs années d’études.

Le paradoxe français : mathématiques « je t’aime moi non plus »

De nombreux articles sont publiés autour de l’enseignement et de la place des mathématiques en France, avec une cristallisation sur la réforme du bac et son impact quant au nombre de lycéens qui conservent l’option maths en terminale. A cela s’ajoute une disparité encore plus grande entre les filles et les garçons avec un écart de niveau qui se creuse dès le CP. Le HCERES a d’ailleurs recommandé dans la synthèse nationale et de prospective sur les mathématiques rendue publique en novembre 2022 aux assises nationales des mathématiques de « mettre en place un programme français pour les mathématiques à horizon 2030 ».

Au-delà du débat éternel sur les moyens consacrés par la France au dispositif d’enseignement qui prend chaque année la lumière avec le fameux classement PISA (la France se classait en 26eme position dans les mathématiques sur 79 pays classés), on peut s’alarmer du décalage entre un discours politique qui met en avant des enjeux stratégiques de réindustrialisation, de positionnement sur de nouvelles technologies, de transition énergétique et un manque à venir important de compétences et de « culture scientifique » dans la population active.

Un constat accablant sur la désaffection des mathématiques, et plus particulièrement marqué chez les filles.

La dernière enquête du Ministère de l’Education Nationale et de la Jeunesse montre que 52 % des filles et 31 % des garçons choisissent d’arrêter les mathématiques en enseignement de spécialité au lycée. Rien qu’entre 2020 et 2021 on peut observer un net recul des mathématiques de plus de 3 points et qui confirment une tendance amorcée depuis quelques années.

Dans l’enquête on peut lire que 64 % des élèves de première générale faisaient des mathématiques en enseignement de spécialité à la rentrée 2020. Ils ne sont plus que 37 % en terminale. On peut se consoler en se disant que 18 % des élèves de terminale choisissent de continuer d’étudier les mathématiques en choisissant l’enseignement optionnel « mathématiques complémentaires » mais cela amoindri le niveau moyen in fine dans la population globale des lycéens quant à la maitrise d’un socle solide en mathématiques.

A cela s’ajoute un effet pervers, à savoir que la baisse du nombre de filles étudiant les sciences au lycée général est particulièrement visible en mathématiques, selon les données de la Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp). En 2021–2022, 55000 lycéennes de terminale faisaient six heures ou plus de maths par semaine, via l’EDS, soit 42% de moins que deux ans plus tôt, via la terminale S. Ce constat a été confirmé récemment par une étude du collectif Maths&Sciences qui a fait un raisonnement « toute chose égale par ailleurs » étant donné la complexité des changements induits par la réforme du bac en quelques années. Un élève de terminale avec un profil scientifique est un élève de terminale S en 2019, puis après la réforme suivant une doublette scientifique avec le système actuel (Mathématiques, NSI, Physique-Chimie, Sciences de l’Ingénieur, Sciences de la Vie et de la Terre).

Faire de la France une grande nation scientifique et industrielle : va-t-on vers une impasse ?

Le CNRS s’est penché sur la question du rôle des mathématiques dans l’économie. En 2019, en France, les mathématiques avaient déjà un impact direct sur 13 % des emplois salariés et près de 18 % du Produit intérieur brut (PIB), contre 15 % en 2015. Autrement dit, cela représentait déjà 3,3 millions d’emplois et 381 milliards d’euros de valeur ajoutée, avec une inégale répartition selon les régions.

Le rapport souligne, au-delà des compétences très recherchées en analyse de données, en programmation informatique, etc. « qu’une certaine culture scientifique est jugée indispensable pour les salariés des milieux techniques comme non techniques ». La directrice de l’AMIES (Agence pour les Mathématiques en Interaction avec les Entreprises et la Société) illustrait parfaitement ce point « être capable de mettre des chiffres derrière des faits, de détecter une anomalie et d’anticiper les problèmes sont des compétences valorisées ».

La France doit faire face à des problématiques socio-économiques de plus en plus complexes et elles ne peuvent être résolues qu’avec des compétences scientifiques pointues et une culture scientifique dans une grande partie de la population. L’exemple récent de la pandémie a montré le rôle fondamental des mathématiques dans la modélisation de la propagation du virus et la réticence d’une partie de la population sur la vaccination d’un manque de culture scientifique au sens large. A cela s’ajoute le fait que le développement de certaines avancées technologiques et scientifiques (IA, cybersécurité, informatique quantique, nanotechnologies, Web 3, etc.) repose également sur une approche interdisciplinaire et que le dialogue ne peut se faire qu’à partir du moment où l’ensemble des acteurs parlent un « même langage » et mettent les mêmes définitions sur les mots. Or, les mathématiques constituent un langage commun et universel.

Enfin, et c’est un problème majeur, le fait d’avoir de moins en moins de femmes dans des études scientifiques peut entraîner des effets de biais significatifs dans la conception des innovations et de nouvelles technologies. De nombreux exemples ont été publiés dans les médias, notamment sur les initiatives de mobiliser de l’IA sur les réseaux sociaux, etc. Certains acteurs préconisent ainsi de recruter des femmes dans les équipes techniques, voire même d’imposer un %, encore faut-il avoir suffisamment de candidates !