Comme dans un grand nombre de pays dans le monde Singapour « fête ses enseignants ». Du mug au tapis de souris, du t-shirt à la gourde en plastique estampillée « Happy teacher’s day ! », il ne peut échapper ni aux élèves, ni aux enseignants que la première semaine de septembre est consacrée à ce moment de célébration entre les maîtres et les disciples. Si vraiment quelqu’un n’est pas au courant, la promotion Krispy Kreme est là pour le rappeler, en effet pendant toute la période du « Teacher Day » vous pouvez obtenir jusqu’à 6 donuts gratuits !
Si l’événement peut paraître désuet ou risible le symbole qu’il dégage n’est cependant pas innocent. Il a pour but pendant une journée de rappeler aux des élèves et étudiants, parents et non-parents le rôle fondamental des éducateurs, professeurs et pédagogues dans le développement aussi bien social et économique que moral du pays. Pour certains d’ailleurs la journée n’est pas travaillé, insistant en creux sur l’importance des lieux de savoirs qui fermés ne se diffusent plus, n’existent plus, et disparaissent.
Une nouvelle fois le respect dans l’environnement éducatif est souligné et considéré comme sacré. Après l’uniforme obligatoire (cf le précédent billet) visant à gommer inégalités et à discipliner l’organisation scolaire, c’est l’allégeance à celui qui est le passeur du savoir qui est mis en exergue. Et de nouveau on comprend bien que l’éducation au respect, à celui qui enseigne dès le plus jeune âge aura une incidence dès lors que l’élève sera au collège, au lycée, dans les établissements universitaires. Respecté, écouté, le maître est aussi célébré. Avec cette célébration annuelle c’est aussi l’empathie qui est marquée. Non celle des enseignants envers les élèves, non pas seulement des élèves vis à vis de leur professeur mais de l’ensemble de l’écosystème de l’éducation. En positionnant une journée symbolique telle que celle-ci cela propulse le rôle de l’enseignant dans les discussions, à la maison, dans la rue, dans les entreprises, dans les écoles tout naturellement. Quel est le métier de l’enseignant ? Que fait-il quand il n’est pas face aux élèves ? Comment accompagne t-il les étudiants en difficulté ? Comment prépare t-il l’ingénierie pédagogique d’un nouveau programme ? Dans quelle mesure participe t-il aux projets pédagogiques de l’établissement où il se trouve ? A quel moment prépare t-il ses cours ? Quand corrige t-il ses copies et prépare t-il de nouvelles évaluations ? Et pour les professeurs d’universités comment gèrent-ils ce qui fait aussi parti de leurs priorités : la recherche, la publication, la promotion des recherches, etc.
Ainsi résumer l’enseignement à la salle de classe est trompeur autant que réducteur. Le métier de Professeur a besoin d’être connu pour être compris et l’on notera que cette journée dédiée est placée au début de l’année et non à la fin car son but est bien d’instituer le rôle du Professeur pour les mois à venir[1]. Ce n’est pas une fête pour s’amuser, remercier le Professeur et dire que nous avons passé une bonne année ensemble. Loin de cela, la célébration si dans la forme elle est anecdotique, dans le fond elle permet de poser d’une part les fondements du respect du sachant et d’autre part de mettre, au moins une fois par an à un moment déterminant, le rôle du passeur de savoir au cœur des échanges dans la cité.
[1] On notera l’initiative en France depuis 2015 d’instituer une telle journée à la fin du mois de juin.