Le philosophe Wittgenstein considère l’architecture comme un moyen de se régénérer et précise que « le travail en philosophie – comme, à beaucoup d’égards le travail en architecture – est avant tout un travail sur soi-même ». Cette phrase aurait tout à fait pu être formulée par des architectes eux-mêmes tels Le Corbusier, Gehry ou encore Wright, mais certainement aussi des autorités d’aménagements de Singapour. Il n’y a aucune ville en Asie, peut-être au monde, qui associe autant le développement de l’architecture moderne avec son propre développement.
Si la cité-état a fait de l’architecture un mode de vie et d’inspiration elle n’a cependant pas délaissée sa valeur fondamentale qu’est le pragmatisme, ainsi chaque bâtiment singapourien a haute valeur ajoutée doit avoir un sens déterminé. Soit le sens est véritablement pratique soit il est plus subliminal. Y compris si cela relève de la science-fiction ainsi que l’on peut s’en rendre compte avec le célèbre Sandcrawler de Star Wars et sa version moderne dans la ville de Singapour. Les cinq exemples architecturaux expliqués ci-dessous sont une parfaite traduction de la vision prophétique de Wittgenstein.
Peut-être plus classique quoique particulièrement pertinent sur l’ile, le bâtiment d’OCBC, la célèbre banque d’origine Hongkongaise réalisé par le célèbre Pei ressemble à s’y méprendre – si ce n’est la taille – à une calculatrice.
Les théâtres de la baie sont aussi appelés les Durians ou les yeux de mouches en référence à leurs structures extérieures. Ouvert en 2002 c’est une prouesse architecturale et écologique puisque le bâtiment fut conçu avec des matériaux permettant d’être parfaitement adapté aux climats tropicaux et notamment les vitres qui laissent passer la lumière sans la chaleur.
En forme de fer à cheval, le Pearl Bank Appartment est l’un des plus célèbres de Singapour. Construit en 1976 il est à l’origine d’un très grand nombre de développements, d’influences tant à Singapour que dans le reste de l’Asie du sud-est. C’est le modèle du genre concernant la densité d’habitants que le bâtiment est capable d’accueillir – 1500 – et ses innovations puisque tout est fait pour minimiser la pénétration directe de la lumière et de la chaleur l’après-midi.
Le Marina Bay Sands par Moshe Safdie avec son bateau sur le toit rappelle l’essence de l’île coincée entre la Malaisie et l’Indonésie. C’est un complexe hôtelier qui a coûté plus de 5.5 milliards de dollars et qui possède sur sa terrasse d’un hectare la plus longue piscine en altitude du monde.
Ces cinq exemples de bâtiments ne constituent pas les plus majestueux, les plus beaux ou les plus impressionnants de la ville. Ils sont simplement intéressants à considérer pour comprendre le développement économique de Singapour d’hier, d’aujourd’hui et de demain : tout d’abord avec le bâtiment d’OCBC, Singapour est le troisième centre financier du monde ; la densité de la population avec laquelle il faut composer comme le montre le Pearl Bank Apartment ; l’art et la culture symbolisés par le théâtre en forme de Durian ; le tourisme avec le Marina Bay Sand et la technologie comme l’illustre le Sandcrawler. Ces cinq axes sont ceux qui ont permis le développement de Singapour ces cinquante dernières années. Comme le dit Wittgenstein l’architecture est bien un travail sur soi et c’est ce qu’a fait la ville-état, ces dernières décennies, un travail permanent sur elle-même : qui elle est et ce qu’elle veut devenir.