La R&D (Recherche et Développement) est souvent confondue avec l’innovation. Elle n’est pourtant qu’une source d’innovation, au même titre que la production d’idées que ce soit en observant les clients ou prospects (customer centric) ou en les interrogeant (customer driven). Ainsi la R&D ne produit que des « candidats à l’innovation », des produits (ou même des services) qui deviendront possiblement des succès. Et c’est bien la toute la difficulté car la R&D demande des investissements souvent colossaux sans aucune garantie de retour sur investissement. Elle est pourtant nécessaire pour que les organisations puissent développer de nouveaux produits suffisamment disruptifs, leurs permettant – dans le cas de succès – d’accroitre leur nombre de clients, leurs revenus, leurs profits (ceux-ci étant destinés en grande partie à être réinvesti en R&D pour s’assurer un avenir durable). Les pays n’ont pas le choix que d’investir en R&D à travers les entreprises pour que l’état puisse lui-même devenir compétitif, d’autant plus dans un marché mondialisé. Singapour a depuis longtemps compris cela car dès 1968 (c’est à dire 3 ans seulement après la création de la cité-état), un ministre pour la science et la technologie Dr Toj Chin Chye était nommé. Aujourd’hui l’investissement R&D représente 8 milliards de dollars (2015) avec près de 50 000 emplois dédiés.
L’investissement R&D a toujours été un pilier important pour le développement de Singapour au cours des dernières décennies et compte tenu de sa taille restreinte, des axes stratégiques ont dû être déterminés par le gouvernement via des Plans quinquennaux (émis par le Research Innovation Enterprise Council qui élabore le National Research Foundation) permettant ainsi des investissements à la fois stratégiques et ciblés. A titre d’exemple l’un des axes majeurs est le biomédical qui représente à lui seul 7000 chercheurs regroupés dans une cinquantaine d’entreprises, des universités et des instituts du secteur public.
L’organisation opérationnelle est, comme toujours dans l’île, clairement structurée et hiérarchisée. Directement rattaché au cabinet du premier ministre, le ministère orchestre le Plan à travers l’A*Star (Agency for Science, Technology and Research) qui est à la fois agence de financement et centres de recherches), l’EDB (Economic Development Board) en charge de faciliter les investissements des organismes étrangers et SPRING (Standard, Productivity and Innovation Board) dont l’objectif est de soutenir les PME. (cf. organisation ci-dessous).
Il n’est pas inutile de souligner que toutes cette galaxie dédiée à la R&D se retrouve concentré dans une zone géographique très ténu ce qui permet des échanges aussi faciles que rapides, autant informels que réguliers. (cf. carte ci-dessous).
Cette organisation globale en matière d’innovation technologique a permis à la cité de se classer à la 2ème place du classement Word Economic Forum en 2016 (Global Competitiveness Report).
Toute cette organisation ne dit pas l’état d’esprit de la R&D à Singapour, ce qui est pourtant déterminant et peut-être même bien avant la grande culture historique et les investissements conséquents. Lim Chuan Poh, Président d’A*STAR le CNRS français en quelque sorte précise régulièrement que la philosophie de l’agence est fondée sur deux aspects : la transdisciplinarité et la réussite commerciale. Ainsi dit-il « Si vous souhaitez faire une recherche très conséquente, vous devez associer différentes disciplines, réunir plusieurs institutions afin de s’assurer que différentes entités de la chaîne de valeur de l’innovation participent avec la même orientation sur le problème que vous souhaitez résoudre ». En d’autres termes, même si des axes stratégiques ciblés sont clairement établis et l’agence s’organise autour de la santé, le biomédical, la manufacture de pointe et les services digitaux au profit de ville durable, la façon de résoudre les problèmes dans chacun des domaines doit se faire avec l’apport de disciplines variées (philosophe, scientifiques, ethnologues, artistes, etc.)
Dans le même temps tous ces investissements R&D, toute cette organisation n’a qu’un sens, certes continuer à faire de Singapour le hub de la recherche et de l’innovation en Asie face à son concurrent hongkongais, mais aussi le confirme Mr Lim « de nous permettre de mieux s’acquitter de notre mission de créer une croissance économique et d’améliorer la vie des Singapouriens. ». Il s’agit donc de penser une R&D qui ne reste pas au stade de recherche fondamentale mais qui prend corps de manière très claire et pragmatique dans le quotidien des singapouriens.
Certaines données et graphiques sont à mettre au crédit de l’Ambassade de France à Singapour ainsi que l’Institut Français.