Le Ministre de l’éducation de Singapour Ng Chee Meng a dévoilé son programme stratégique 3i, 3i pour « imagination, inquisitiveness and interconnections ». La créativité n’étant pas le point fort de la cité-état le but du plan est clair, il doit permettre aux étudiants de développer de nouvelles idées, d’imaginer de nouvelles propositions, de s’ouvrir à des territoires inconnus. La stratégie explique même – il faut s’imaginer cela avec l’histoire de Singapour et ses méthodes rigoureuses voire rigides – que les étudiants doivent être encouragés à questionner tout ce qu’il y a autour d’eux au lieu de se satisfaire des réponses qu’ils ont l’habitude d’entendre.
Le programme n’hésite pas pour cela à promouvoir la transdisciplinarité puisque le Ministre explique qu’il faut cesser toute organisation et apprentissage par silo et au contraire établir des liens entre toutes choses, mêmes si elles sont variées, mêmes si elles viennent de lieux inhabituels. Dans un souci culturel et traditionnel, propre à Singapour, Mr Ng a souligné que l’enjeu est d’aider les enfants à développer leur « Innovation Quotient ». Autrement dit tout un chacun est en quelque sorte doté d’une capacité à innover – mesurable – et que celle-ci peut-être améliorée.
Le Ministre est convaincu que développer un esprit innovateur et créateur de valeur s’apprend dès le plus jeune âge et que l’école comme les parents doivent « semer des graines » qui permettent aux enfants, une fois devenus adultes d’avoir des habitudes, des savoirs faires, de nouvelles idées dont Singapour tirera partie. C’est un pari qu’il faut prendre et sur lequel insiste Mr Ng et c’est un pari sur le long terme car l’innovation n’est pas simplement une idée, c’est un long et laborieux processus d’exploration.
Certaines écoles à Singapour ont été délibérément choisies pour mettre en place cette stratégie 3i. Les autorités y déploient de nombreux outils et formations pour s’assurer que les enfants apprennent autant les techniques que les attitudes qui permettront de faire émerger des idées disruptives et que celles-ci contribueront à la société dans son ensemble.
Il n’est pas compliqué de comprendre pourquoi la créativité et l’innovation n’ont pas été au centre des préoccupations des politiques publiques ces cinquante dernières années. Alors qu’il fallait survivre, construire des routes, des voies de transports, des logements, des systèmes de soins, des écoles, Singapour ne pouvait se payer le luxe de penser à la créativité, à l’innovation disruptive. C’est bien pourquoi ils furent les champions de l’innovation incrémentale. Goh Keng Swee l’un des pères fondateurs de Singapour aimait répéter que la ville a été construite en s’aidant des idées des autres partout dans le monde et celles-ci ont été adaptées pour la cité-état. Le gouvernement a compris que cette stratégie a été autant pertinente que limitée et qu’il s’agit maintenant d’apporter des idées neuves, inédites, originales et singulières, propre à Singapour. Seule la créativité permet cela, seule la transdisciplinarité apporte la créativité et cela se ne se décrète pas mais s’instaure, se diffuse au sein d’une, peut-être deux ou trois, générations. La créativité n’est pas qu’une technique elle est un mode de vie qui oblige tout un chacun à être curieux (dans l’art, le sport, les sciences…) à être interconnecté (aux autres dans son pays comme à l’étranger), à oser imaginer par-delà ce qui nous est donné.
Avec ce plan 3i, le Ministre de l’éducation pense au Singapour de 2040-2050 quand ses enfants seront en âge de créer des start-ups, des entreprises. Lorsqu’ils seront en âge de diriger le pays d’une manière ou d’une autre. C’est un investissement à très long terme et Singapour l’a compris, en comprenant aussi que son avenir n’est pas seulement dans les petits kilomètres carrés de son île mais qu’il est global et qu’aujourd’hui la mondialisation fait que si Singapour veut survivre, le pays ne doit plus dépendre des idées des autres.