Mon nom est Abishek*. Je suis originaire de l’État du Maharashtra en Inde. A l’issue de mon Bachelor dans une Business School de Mumbai, mes parents issus de la nouvelle classe moyenne ont fait un emprunt pour me permettre de poursuivre mes études en Europe. « Avec un diplôme d’une Business School européenne, tu pourras travailler pour une de ces entreprises françaises qui tentent de s’implanter dans notre pays » m’avaient-ils affirmé. J’ai choisi de rejoindre une Grande École de management française, en l’occurrence l’ESC Dijon-Bourgogne, intéressé par ses spécialisations et rassuré par son accréditation européenne. J’ai passé deux années passionnantes à Dijon, dans une école très internationale, même si le climat est parfois rigoureux et les commerçants dijonnais pas toujours à l’aise en anglais.
Récemment diplômé du MSc International Business Development, j’ai aujourd’hui terminé mon stage dans une PME de la région. Celle-ci m’a fait une proposition d’embauche pour développer ses activités en direction du marché indien. Tout va bien sauf que…
Sauf que l’administration française a refusé de me délivrer un visa de travail. A la préfecture, on m’a expliqué que, selon la circulaire du 31 mai 2011, « les étudiants étrangers ont prioritairement vocation, à l’issue de leur séjour d’études en France, à regagner leur pays pour y mettre en œuvre les connaissances acquises« .
Je m’appelle Didier. Je dirige une entreprise industrielle de 130 personnes en Franche-Comté. Devant la baisse des commandes en Europe, j’ai commencé à prospecter les marchés émergents. Le potentiel du marché indien est immense, mais comment se développer dans un pays à la culture aussi complexe ? Pas évident non plus de faire venir des cadres export compétents quand on est une PME implantée dans un département rural. Heureusement, j’ai eu la chance de prendre en stage un étudiant indien d’une école de commerce. Bien que ne parlant pas très bien français, Abishek s’est vite adapté à notre organisation et nous a permis de poser les premiers jalons sur le marché indien. A l’issue de son stage, je lui ai fait une proposition d’embauche : ce n’est pas tous les jours qu’on trouve un cadre export capable de nous aider à conquérir le marché indien. Tout se présente bien, sauf que…
Sauf que l’administration française a refusé de lui délivrer un visa de travail. A la préfecture, on m’a expliqué que, selon la circulaire du 31 mai 2011, je devais prioritairement embaucher « des personnes ayant déjà le statut de demandeur d’emploi résidant en France, qu’elles soient de nationalité française ou étrangère« .
Au moment où le déficit du commerce extérieur français atteint des sommets et où l’État constate la présence insuffisante des PME à l’international, la circulaire du 31 mai 2011 dite « circulaire Guéant » va à l’encontre des besoins en compétences internationales des entreprises françaises. Avec un taux de chômage des cadres de seulement 4% malgré la crise, ce ne sont pourtant pas les postes à pourvoir qui manquent. Pendant ce temps, les entreprises du Mittelstand allemand recrutent plus de 130 000 travailleurs issus de l’immigration et accumulent les excédents commerciaux…
Abishek regarde désormais vers l’Allemagne et Didier cherche toujours son successeur.
*Les noms et localisations ont été changés
[…] un post récent, je constatais, comme d’autres, la situation paradoxale des étudiants étrangers en France, […]