C’est toujours un événement que de voir émerger une nouvelle revue dans le champ du management. La parution de RIMEFI (Research in Management, Economics and Finance) en janvier dernier n’échappe évidemment pas à la règle. A ceci près qu’elle n’est pas une revue académique au sens traditionnel du terme, comme le souligne son éditeur, Laurent Germain: «la première revue de vulgarisation de la recherche en management, économie et finance rédigée par universitaires et des professionnels à destination des étudiants, académiques et cadres, pour comprendre les enjeux actuels de l’entreprise et répondre aux défis futurs.»
Même si le titre autoproclamé de «première revue de vulgarisation de la recherche en management, économie et finance» est sans doute un peu exagéré (c’est en effet oublier un peu vite que Harvard L’Expansion a été lancé en France en 1976 et que depuis 1996, L’Expansion Management Review assume pleinement et efficacement ce rôle), force est de constater que cette nouvelle revue s’inscrit dans un courant émergent (et de plus en plus visible) de la recherche en management en prise directe avec les problématiques d’entreprises: celui des revues Executive ou encore qualifiées d’intermédiaires(1).
Ces revues Executive mobilisent les expertises académiques et professionnelles dans les champs relevant directement de l’entreprise (management, économie, finance, voire la communication ou le droit) pour en décrypter les problématiques et les enjeux. Ces revues ne sont pas nouvelles, comme je le disais précédemment. Elles prennent toutefois une place grandissante depuis quelques temps.
En effet, outre RIMEFI, on peut citer le développement depuis trois ans de la revue Entreprendre & Innover (éditée par De Boeck)(2) dont «l’ambition est de mettre à la portée de ses lecteurs des réflexions solides sur le plan scientifique ou innovantes sur le plan des idées exprimées, sans s’encombrer des oripeaux des publications académiques et avec une préoccupation des implications pratiques» ou encore le retour annoncé, après plus de 17 ans d’absence, de Harvard Business Review en version française à compter du printemps 2012.
Comment expliquer cet intérêt soudain pour un type de revues pourtant connu depuis longtemps? (Pour mémoire, Harvard Business Review a été créée en 1922 (!), est traduite en 13 langues (!!) et diffusée mensuellement à 400000 exemplaires (!!!)(3)).
Une prise de conscience managériale?
Ce n’est sans doute pas un hasard si ces revues Executive connaissent un net regain d’intérêt en France, au moment où notre pays connait une crise économique profonde, marquée par une remise en cause de la compétitivité coûts et hors-coûts de nos entreprises. Pour les dirigeants, managers et futurs managers, ces revues peuvent être une source de questionnements, de réflexions et d’innovations face à des pratiques managériales actuelles qui montrent par endroits clairement leurs limites.
Une prise de conscience académique?
L’évolution vient probablement également du monde académique. Pour répondre aux accréditations nationales et internationales, les business schools françaises ont beaucoup investi dans la recherche au cours des deux dernières décennies. Cela s’est traduit par une très forte croissance des publications dans des revues scientifiques (les Peer Review Journals ou PRJ). Cette académisation des business schools s’est parfois faite au détriment de l’enseignement et du lien avec les entreprises; difficile en effet d’exploiter directement ces publications scientifiques auprès des dirigeants ou des étudiants.
Dans un contexte où les business schools sont remises en question, nous assistons probablement à une prise de conscience dans ces institutions du rôle qu’elles doivent jouer dans la société (ce que les anglo-saxons appellent la «Contribution to the Community»). Après avoir poussé très loin le balancier vers le tout académique, les business schools semblent aujourd’hui rechercher un point d’équilibre entre recherche académique et exploitation managériale. Les revues Executive apportent une réponse à cette évolution.
L’émergence des revues Executive ne remet pas en cause la nécessité de publier dans des revues scientifiques. Ces dernières sont en effet indispensables pour garantir la rigueur d’un protocole de recherche et la fiabilité des résultats obtenus. En revanche, la publication dans ces revues scientifiques ne saurait représenter une fin en soi.
Pour jouer pleinement leur rôle, les enseignants-chercheurs doivent donc diffuser la connaissance produite dans des différents supports afin de toucher des publics divers:
• tribunes dans la presse pour participer aux débats de Société,
• études de cas pour favoriser le transfert pédagogique,
• et enfin revues Executive, pour diffuser la connaissance auprès des dirigeants, managers et futurs managers d’entreprises et contribuer ainsi à leurs réflexions managériales et leurs décisions.
L’arrivée de RIMEFI vient conforter cette évolution et l’importance du lien entre recherche en management, problématiques managériales et diffusion de la connaissance.
On ne peut que s’en féliciter.
A vos plumes, à vos claviers!
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(1) Intermédiaire dans le sens où elles se positionnent entre les revues strictement académiques destinées à un public d’enseignants-chercheurs et les revues économiques grand public.
(2) Entreprendre & Innover est née en 2009 dans le giron du Groupe Express Roularta sous le nom L’Expansion Entrepreneuriat. Après deux ans de publication, elle s’est transformée en Entreprendre & Innover, tout en conservant la même équipe, le même positionnement et le même projet éditorial, mais éditée par De Boeck.
(3) Harvard Business Review: «Improving the practice of management and its impact in a changing world».
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Pour en savoir plus:
– Expansion Management Review
– Entreprendre & innover
– Harvard Business Review
– Research in Management, Economics and Finance