La formation professionnelle doit être réformée. Les exemples comme les rapports de la Cour des comptes abondent pour démontrer les insuffisances et les incohérences du système qui mobilise 32 milliards d’euros par an, soit l’équivalent du budget de la défense:
- une déconnexion forte entre les besoins des entreprises et les qualifications (ou absence de qualification) des personnes en recherche d’emploi. Tout le monde a en tête l’éternel exemple du chaudronnier-soudeur que les PME industrielles ne parviennent jamais à recruter… à se demander pourquoi ces besoins ne sont-ils pas pourvus depuis le temps qu’on en parle,
- des moyens de formation orientés prioritairement vers les actifs occupés et les fonctionnaires (61% des financements) plutôt que vers les personnes en recherche d’emploi, ce qui fait dire à Pierre Cahuc que « la dépense nationale pour la formation professionnelle profite avant tout aux plus diplômés, aux salariés de moins de 50 ans et à ceux des grandes entreprises« ,
- un système de formation en alternance qui fonctionne mal et dont les réformes successives se sont bien souvent arrêtées aux seuls effets d’annonce : que sont devenus les « 500 000 apprentis » du plan Ayrault? Où est passé « l’objectif 800 000 jeunes en alternance » porté par Nadine Morano dans le gouvernement Fillon?
Fort de ces constats, le gouvernement Philippe veut mener à bien une réforme de fond pour transformer la formation professionnelle et améliorer ainsi son efficacité au service de l’emploi et de la compétitivité des entreprises. On ne peut que se féliciter de cette ambition politique de réformer un outil essentiel au développement de l’économie.
Comme c’est le cas dans d’autres pays (Allemagne, Suisse pour ne citer que des pays frontaliers), l’apprentissage doit devenir une modalité de formation à part entière, en prise directe avec les besoins de l’économie et les aspirations de la jeunesse à un emploi qualifié.
Pour autant, certains dispositifs actuels de l’apprentissage ont fait leur preuve et ne devront pas pâtir des réformes à venir. Parmi ces trop rares succès, on trouve l’apprentissage dans l’enseignement supérieur, et en particulier dans les Grandes Ecoles de management et d’ingénieurs (cela marche également bien dans certaines filières universitaires, mais ce n’est pas le propos de ce post).
Il peut sembler à première vue contre-intuitif de développer l’apprentissage dans des Grandes Ecoles, et pourtant… Depuis plus de 20 ans, les Grandes Ecoles ont structuré des cursus adaptés aux parcours en apprentissage. Comparés aux cursus classiques, ces parcours en apprentissage présentent au moins quatre atouts majeurs :
- Ils permettent aux étudiants d’intégrer très rapidement les problématiques des entreprises et de donner à leur cursus une dimension professionnalisante, en prise avec les enjeux des entreprises. Pour autant, ces formations n’oublient néanmoins pas l’acquisition de savoirs théoriques indispensables pour prendre du recul et être à même d’évoluer professionnellement.
- Cette dimension professionnalisante a bien évidemment une incidence très positive sur l’insertion professionnelle des jeunes diplômés issus de cursus en apprentissage. Ces diplômés s’insèrent plus facilement et plus rapidement sur le marché du travail. Leur cursus leur permet en effet de résoudre une équation insoluble attendue par les recruteurs : celle de trouver « des jeunes diplômés avec expérience professionnelle ».
- En facilitant l’insertion professionnelle, la formation en apprentissage dans les Grandes Ecoles est un outil en faveur de l’égalité des chances. L’égalité des chances est également favorisée par la gratuité des études en apprentissage et par le fait que l’apprenti touche une rémunération. Autant d’éléments qui permettent à des jeunes en difficulté de poursuivre leurs études dans de bonnes conditions financières, même s’il faut noter que ce n’est pas la première motivation du choix de l’apprentissage pour une grande majorité de nos élèves.
- Enfin, l’apprentissage n’est pas un parcours dévalorisant du point de vue pédagogique. Ce n’est pas parce qu’ils sont majoritairement en entreprises que les élèves en apprentissage n’apprennent pas. Sur les 10 dernières promotions du Master Grande Ecole de BSB, 7 major(e)s de promotion étaient des apprenti(e)s. Preuve s’il en est que l’on peut faire un cursus en apprentissage et faire preuve d’excellence académique. L’exigence imposée par l’entreprise, la capacité à avoir un rythme de travail élevé et la mise en perspective dans l’entreprise des concepts théoriques du management sont autant de facteurs explicatifs de ces résultats.
On peut espérer que la réforme de la formation professionnelle puisse enfin résoudre les problèmes de compétences et d’employabilité des salariés français. Et pour ce faire, il est sans doute utile de s’inspirer des modèles qui fonctionnent et l’apprentissage dans les Grandes Ecoles d’ingénieur et de management en est un exemple.
Aussi, j’invite les partenaires sociaux, les experts ministériels et pourquoi pas Madame Murielle Pénicaud à aller à la rencontre de jeunes élèves ingénieurs et managers apprentis pour mieux comprendre les vertus de ce modèle.
Bonjour, en effet les grandes écoles sont un exemple de réussite de la mise en place d’un apprentissage au plus au niveau.
Je crois que cela repose sur ce qui les différencient d’une bonne part du système éducatif : ne pas opposer professionnel et intellectuel. Le problème de fond de l’enseignement est un problème culturel : l’aspect professionnalisant est trop souvent perçu par les enseignants comme une voie de sortie pour ceux qui ne peuvent pas aller plus avant dans le développement intellectuel. Combien d’Enseignants Chercheurs dans les universités croient encore que l’entreprise se limite au travail à la chaîne que les gens n’y sont pas capables de réflexion théorique. C’est d’ailleurs la raison qui fait que l’ingénierie et la gestion n’ont, dans un premier temps, pas été enseignées à l’Université : trop prosaïque, trop en phase avec le monde des réalités donc pas assez intellectuel. Tant que ce dogme l’intellectualisme n’aura pas été remis en cause, les filières professionnelles de tous niveaux et de tous domaines ne pourront pas être valorisées et le pays ne pourra pas bénéficier de la multiplicité des formes d’intelligences qui font la richesse de son potentiel.
Je suis tout à fait d’accord avec Stéphan Bourcieu sur les avantages de l’alternance dans les études supérieures.
C’est déjà bien pour les jeunes car cela leur donne un salaire et leur met un pied dans l’entreprise et facilite la professionnalisation.
C’est aussi bien pour les entreprises qui peuvent former des jeunes . Si l’entreprise garde le jeune après son alternance il est tout de suite opérationnel.
C’est également bien pour les parents de nos Chers enfants , car cela allège le coût de l’education ( et c’est le papa de 3 garçons qui sont étudiants dont deux en alternance qui écrit ces lignes).
Et enfin c’est bien pour les établissements car cela peut leur rapporter des fonds propres.
Je suis enseignant à l’universite De Bourgogne et je me félicite d’avoir contribué à développer l’alternance dans nos filières universitaires ( il y a â l’universite de Bourgogne Plus de 1000 jeunes en alternance dans des diplômes qui commencent au baccalauréat+2 jusqu’à des bac+6 ( en pharmacie) en passsant par des Masters et des diplômes d’ingenieurs Universitaires).toutes les facs ou presque jouent le jeu.
J’espere Comme Stéphan que la réforme envisagée consolidera l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et surtout ne cassera pas ce qui marche.
Enseignant à l’universite J’assume : l’apprentissage est une voie d’excellence.