10 ans d’École, 10 ans déjà! – La dynamique de nos Grandes Écoles de management
Les années 90 et le début des années 2000 avaient été marqués par une dynamique forte de l’enseignement supérieur en management en France. D’un côté, les écoles existantes, souvent centenaires, avaient connu une croissance organique importante. De l’autre, de nouvelles institutions avaient été créées sous l’impulsion du monde consulaire, à l’image de l’ESC La Rochelle (fondée en 1988), de l’ESC Rennes (1990), de l’ESC Troyes (1992) ou encore de l’ESC Chambéry (1992).
Cette dynamique a connu un coup d’arrêt à la fin des années 2000. L’arrivée à maturité du secteur, la baisse de la démographie, la crise financière de 2008 et enfin les difficultés budgétaires rencontrées par les CCI ont conduit à une véritable recomposition du secteur au cours de la décennie 2010.
Certaines Écoles, telles l’ESC Saint-Etienne et l’ESC Chambéry, ont disparu faute d’attractivité. D’autres encore ont commis des erreurs stratégiques qui les ont amené à quitter le panorama des Grandes Écoles, comme l’ESCEM Tours-Poitiers, l’ESC Amiens ou encore Novancia. D’autres enfin essaient aujourd’hui de se relever de choix stratégiques hasardeux, à l’image de l’ESC Clermont et Brest Business School, rescapées du désastreux épisode France Business School.
Cette fusion restera probablement comme la plus grosse erreur stratégique de la décennie écoulée. Issue du rapprochement de quatre écoles (ESCEM Tours-Poitiers, ESC Amiens, ESC Clermont et ESC Brest), elle a littéralement explosé en vol après seulement deux années d’activité pour avoir voulu rompre, trop brutalement, avec le modèle des Grandes Ecoles, tant en matière de recrutement que de pédagogie.
La période 2006-2016 a été marquée par une vague de fusions sans précédent. Ce sont d’abord des fusions « asymétriques » qui ont conduit à la création de nouvelles institutions. Ainsi en 2006, l’ESC Le Havre et Sup Europe CESEC ont créé l’EM Normandie. Puis en 2007, l’IECS et l’IAE de Strasbourg ont à leur tour fusionné pour donner naissance à la seule Grande École de management universitaire, l’EM Strasbourg.
Les années suivantes ont été marquées par une série de fusions entre égaux. Le CERAM et l’ESC Lille ont donné le ton en s’associant dès 2009 pour créer SKEMA. Cette école connaît depuis cette date un développement continu, marqué par une forte expansion internationale. La CCIP a poursuivi ce mouvement de fusion avec la création de Novancia en 2011, institution issue de la fusion de Negocia et Advancia. Enfin, KEDGE (fusion de Euromed Management et Bordeaux Ecole de management en 2013) et NEOMA (fusion de Rouen Business School et de Reims Management School en 2013 également) se sont inscrites plus récemment dans ce mouvement de stratégies de volume par les fusions.
À côté de ces fusions, on a également assisté à des reprises d’institutions en difficulté, à l’image de l’ESC Chambéry, absorbée par l’INSEEC fin 2012… avant d’être abandonnée en 2016. Quant à Novancia, la CCI Paris Île-de-France a décidé tout récemment l’intégration de son Bachelor dans ESCP Europe, l’abandon de son Master Grande Ecole et, de fait, la disparition de l’Ecole Novancia en tant que telle à terme.
Enfin, la décennie écoulée a vue l’entrée des fonds d’investissement dans les Grandes Écoles de management. Tout d’abord discrets, les mouvements se sont accélérés depuis quelques années. En 2013, l’EBS a rejoint l’ESCE et l’IFG dans le giron du fonds d’investissement américain Laureate Education. En 2014, c’est au tour de l’INSEEC de changer de main, vendue par l’américain CEC à Apax Partners pour la modique somme de 200 millions d’euros. Enfin en 2016, Laureate Education a cédé l’ensemble de ses écoles françaises à Apax Partners, déjà propriétaire de l’INSEEC. Pour l’occasion, ce fonds d’investissement français s’est associé à BPI France. Plusieurs facteurs expliquent cet intérêt croissant pour les Grandes Écoles de management :
• La mondialisation de l’enseignement supérieur depuis le début des années 2000 qui a ouvert de nouvelles perspectives de marché,
• La (relative) résilience du secteur à la conjoncture économique, les familles continuant à investir dans l’éducation en période de crise,
• La dynamique de la démographie française qui donne des perspectives de croissance à moyen et long terme (les fameux bébés de l’an 2000 et des années suivantes),
• La visibilité du cycle d’activité qu’offre la durée longue des études (3 à 5 ans).
Il est probable que ces mouvements capitalistiques vont s’accélérer au cours des années à venir, et ce pour au moins trois raisons :
• Les contraintes budgétaires des CCI, qui possèdent encore directement ou indirectement les plus belles institutions du secteur, pourraient les amener à céder tout ou partie de leurs écoles pour renflouer leurs caisses et/ou pour favoriser le développement de ces institutions,
• Les stratégies de développement actuelles des Écoles (internationalisation, digitalisation) sont lourdes en investissements, que les CCI seules ne sont plus à même de supporter,
• Les transformations actuelles des modèles de gouvernance (passage en EESC) devraient favoriser l’entrée au capital des Écoles de nouveaux acteurs économiques. On peut s’attendre à l’arrivée à terme de fonds internationaux et en particulier asiatiques.
Avec une démographie à nouveau en hausse, un secteur assaini et des acteurs renforcés, il est fort à parier que les Grandes Écoles de management françaises vont connaître dans les années à venir une nouvelle dynamique et d’autres mouvements stratégiques d’importance.
Dans mon prochain post de cette série de chroniques « 10 ans d’École, 10 ans déjà! », j’adresserai un coup de chapeau aux Directeurs Généraux des Grandes Écoles de management françaises.