J’ai passé la journée de vendredi 16 novembre à la conférence « Stratégie Talents 2.0 » à Paris. Les DRH de très grandes entreprises, très prisées de nos jeunes diplômés, présentaient leur stratégie de gestion des talents, à l’instar des groupes Axa, Alacatel-Lucent, Disney, Hilton Worldwide, Lactalis ou encore Rio Tinto http://www.gblnetwork.com/conferences/strategie_talents_20/programme.html.
Passionnant et formateur pour qui veut comprendre les logiques de recrutement à venir des diplômés de l’enseignement supérieur et tout particulièrement celles des écoles de management.
Les stratégies déployées pour accueillir les talents, onboarding stage, les développer, les retenir et les fidéliser sont proches d’un groupe à l’autre et relèvent d’un modèle intégré de management, Integrated Talent Management System, développé par les grands cabinets conseil www.accenture.com/us-en/consulting/talent-organization/Pages/index.aspx : matrice « potentiels / performance », processus annuel de Talent Review permettant de distinguer hauts potentiels, HIPOs, ou low performers. Dans les grandes firmes, 15% des salariés seraient répertoriés dans cette catégorie et engagés dans un development track.
Selon sa philosophie personnelle, on verra cela comme une nouvelle mode managériale ou une reconnaissance utile du capital humain comme actif stratégique des organisations.
Je préfère m’attarder sur le retour d’expérience vis-à-vis des dispositifs de formation que nous développons. En effet, les grandes entreprises, auxquelles rêvent beaucoup de nos diplômés, organisent des processus très structurés d’encadrement des personnes « talentueuses », sous la forme de parcours et d’étapes, rythmés par des formations et des modes d’accompagnement avancés. Au-delà des organigrammes, des communautés de talents se déploient ainsi. L’enjeu consiste alors à surfer tout au long de sa carrière sur ces talent tracks ou du moins le faire le plus souvent possible.
Pour y figurer, il faut savoir survivre au « choc de l’eau froide », l’arrivée dans ces entreprises telle que la décrivent les DRH de celles-ci. La remontée vers des eaux plus chaudes et à l’air libre, pour rester dans la métaphore de la piscine, passe par une préparation intensive de nos étudiants pre-experience aux « règles du jeu » de ces firmes et aux habilités relationnelles nécessaires pour y faire carrière. La réputation de nos institutions d’enseignement dépend fortement des trajectoires de nos alumni dans de grandes entreprises, « grands témoins » de nos formations. Ici, toute naïveté sur la question est fortement déconseillée !
Nous gagnons à identifier à notre tour les étudiants qui se préparent à intégrer ces entreprises pour leur offrir conseils, préparation et une capacité à appréhender de manière critique les ressorts du talent management, comprendre ces outils managériaux. Ces ateliers de préparation peuvent permettre une approche comparative des différentes manières de faire d’une entreprise à l’autre, d’une métropole à l’autre. L’expérience du recrutement chez Google à Dublin ou chez L’Oréal à Paris n’est pas identique. Les recruteurs cherchent également à identifier dans les parcours des candidats des aspérités, des singularités, indicateurs de talents potentiels : double-diplôme suivi à l’étranger ou dans deux spécialités (Droit-Gestion, Gestion-Ingénieur, …), nombre de langues étrangères maîtrisées, densité et cohérence des missions menées en stage, engagement volontaire ou autres talents particuliers (artistique, sportif, …).
Une bonne appréhension des séquences suivantes des processus de développement de talents faciliteront l’ajustement de nos programmes en executive education et notamment in company. Les centres Executive des écoles de management répondent de plus en plus par soumissions à des appels d’offre de ces grands groupes.
Notons au passage que l’aboutissement des tracks de développement consiste en général à offrir une formation dans une business school de classe mondiale (Harvard, Cornell, Insead, …). Invitation à découvrir des connaissances et pratiques très élaborées, les talents confirmés trouvent une reconnaissance sous la forme d’un « label » à placer dans leur CV, un branding additionnel de leur parcours de formation.
Par effet collatéral, ce supplément de reconnaissance aboutit à augmenter la probabilité du départ des talents de l’entreprise pour naviguer vers d’autres cieux et d’autres expériences dans de nouvelles entreprises. Jean-Noël Thiollier, DRH de Disneyland Paris, expliquait l’importance du réseau des anciens collaborateurs de son entreprise, les alumni de Disney à l’instar de la résilience des alumni de feu Arthur Andersen. Cette démarche poursuit à son tour trois objectifs : le référencement, le buzz sur la qualité managériale et les carrières dans l’entreprise et le renforcement de la « marque-employeur ». En poussant le trait, ces parcours relèvent d’une nouvelle forme de compagnonnage, digne des anciennes corporations, qui embarquent des talents à travers des voyages planétaires en quête des bonnes pratiques managériales et de sources de performance originales.
Finalement, je ne peux m’empêcher de rappeler que les institutions d’enseignement supérieur, les universités, les grandes écoles, emploient dans leur corps professoral, leur faculty staff, des talents longuement « fabriqués » à travers des parcours doctoraux, la multiplication des conférences et des publications pour y présenter leurs travaux de recherche, de processus exigeants de révision de ses contributions par des pairs et des enseignements soigneusement évalués. Les opportunités de promotion et de mobilité vont croissantes. Le monde académique constitue certainement un champ d’investigation très ouvert pour les experts de la gestion des talents ! Il faudrait probablement les y inviter, au plus tôt.
Dans nos programmes doctoraux pour commencer ?