Et si les etablissements etaient responsables du contenu heberge sur les plates-formes pedagogiques : retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation du 14 janvier 2010

La Cour de cassation vient apporter des précisions quant à la définition juridique de l’hébergeur. Dans sa décision en date du 14 janvier 2010 elle eut à juger une affaire relativement banale : un site personnel reproduit des ouvrages de bandes-dessinées. Ces faits constituent une atteinte au droit d’auteur. L’hébergeur se retrouve condamné car en l’espèce il n’était pas un simple intermédiaire technique : selon la Cour de cassation  » les services fournis excédaient les simples fonctions techniques de stockage « . En l’occurrence l’hébergeur se réservait des espaces publicitaires sur les sites de ses abonnés.

Changement de statut juridique pour les hébergeurs !

Depuis 10 ans, malgré une réforme législative, l’on pensait que le statut de l’hébergeur était bien défini : il n’était a priori pas responsable et n’avait aucune obligation de surveiller les contenus hébergés.

Selon le régime juridique issu de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique les hébergeurs ne peuvent voir leur responsabilité mise en cause s’ils n’avaient pas connaissance des informations publiées par les utilisateurs de leurs services. Et ceci car ils fournissent de « simples fonctions techniques de stockage ». Mais avec cette nouvelle jurisprudence si l’hébergeur offre plus que de « simples fonctions de stockage » il devient alors responsable du contenu hébergé.
Ce revirement de jurisprudence est critiquable à plus d’un titre.

En matière d’elearning, très récemment, suite à cette jurisprudence, je me suis demandé si les services TICE que nous assurons dans nos établissements ne risquaient de se retrouver touchés par cette nouvelle jurisprudence. En effet, par l’intermédiaire de nos plates-formes pédagogiques et autres outils n’assurons-nous pas plus que de  » simples fonctions de stockage  » ?

Bien évidemment nous ne réservons pas d’espace publicitaire sur nos environnements numériques. Néanmoins nos cellules TICE ont intérêt à ce que les outils numériques soient exploités massivement par les enseignants. Cela fait même partie intégrante de leurs missions. Les équipes TICE organisent des formations, assurent un suivi pédagogique et technique et dispensent une aide aux usagers. Par conséquent l’on est naturellement amené à se demander si la responsabilité civile et pénale de nos établissements ne serait pas engagée du fait des activités des enseignants en matière d’Elearning.

En poussant un peu plus loin ce raisonnement il conviendrait sûrement de distinguer deux types de situation :

  1. la cellule TICE met simplement à disposition un accès à la plate-forme pédagogique et l’enseignant est totalement autonome. Il n’a pas besoin du support de la cellule. Dans cette hypothèse  l’établissement n’est qu’un  » simple  » hébergeur car il assure uniquement de  » simples fonctions de stockage « .
  2. la cellule TICE forme et accompagne l’enseignant dans sa création de ressources Elearning. A l’inverse ici l’établissement est bien plus qu’un simple hébergeur. Sa responsabilité civile et pénale se trouverait engagée automatiquement du fait des informations publiées par l’enseignant.

Pour finir, à partir du moment où l’établissement, dans cette seconde hypothèse, est responsable des activités Elearning de l’enseignant il devrait pouvoir donc exercer un contrôle sur les activités des enseignants. Ici on bute sur une autre difficulté. Il s’agit du statut d’autonomie des enseignants-chercheurs.

En conclusion, nous ne pouvons que souhaiter que la Cour de cassation revienne sur son interprétation de la qualité d’hébergeur, à défaut je crains que nous allions au devant de grandes difficultés.

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This entry was posted on mercredi, mars 17th, 2010 at 16:52 and is filed under Non classé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

4 Responses to “Et si les etablissements etaient responsables du contenu heberge sur les plates-formes pedagogiques : retour sur la jurisprudence de la Cour de cassation du 14 janvier 2010”

  1. blog photo Says:

    Un hébergeur est en fait simplement un loueur d’espace (serveur…) pour qu’une société ou un particulier puisse publier son site : dés lors, son activité n’est pas d’organiser le partage de certaines informations indexées ou catégorisées. Vous mettez en place je pense des conditions d’utilisation pour ces plates formes pédagogiques qui doivent servir à l’objectif de l’établissement : vous n’êtes donc pas simplement hébergeurs mais co-éditeur ou co-producteur. A ce titre, il est à mon sens normal et même rassurant pour les utilisateurs de savoir que vous êtes responsable de l’utilisation des espaces que vous mettez à disposition, surtout en tant qu’établissement d’enseignement. Mais responsable d’un point de vue juridique ne signifie pas un contrôle du contenu enseigné ; l’enseignant n’est pas au dessus des lois et je pense que vos conditions d’utilisation prévoient déjà qu’aucune information mis en ligne ne doit contrevenir à la législation sur la diffamation, les droits d’auteurs…La JP mentionne juste que vous devez mettre en place des procédures de contrôles pour réguler et corriger les contenus s’ils sont illicites. Sinon, c’est comme si WIKIPEDIA mentionnait qu’elle n’est qu’hébergeur des textes des internautes qui restent seuls responsables…

  2. ybergheaud Says:

    Bonjour,

    Attention, Wikipedia a bien le statut d’hébergeur et cela a déjà été jugé.
    Juridiquement la responsabilité éditoriale va de pair avec la mise en place d’un contrôle éditorial, ou plus exactement un contrôle systématique des contenus. Dans les établissements d’enseignement supérieur la mise en place d’un dispositif de contrôle serait en contradiction directe avec le statut des enseignants-chercheurs. Les enseignants bénéficient d’un statut d’autonomie et n’ont que peu de compte à rendre aux établissements concernant le contenu de leurs enseignement.
    Il s’agit bien sûr d’un cas d’école, mais imaginons qu’un enseignant tienne des propos révisionnistes, injurieux ou diffamants, l’établissement serait automatiquement responsable du contenu alors qu’il ne disposerait pas des moyens de contrôle. C’est ubuesque, non ?

  3. Juridique : Responsabilité des établissements hébergeant des contenus pédagogiques « Admin Dokeos / Chamilo Grenoble Says:

    […] A lire sur un blog d’un des lecteurs d’EducProd.fr […]

  4. Jevousaivu sur20minutes Says:

    Bonjour Vous le spécialiste d’internet vous devriez « penser » aux sociétés de modération qui en profitent pour faire passer des courants de pensée ! comme cette chère société conciléo qui modere differents journaux de tendance differents mais qui a desmodérateurs plus qu’engagés voir abusifs en retirant tout ce qui est contraire a leur pensée RADICALE de droite ! c’est un fléau la liberté d’expression organisée ! Allez vous vous en rendre compte ?

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