De l’influence du statut des auteurs sur le régime juridique de la ressource pédagogique numérique

Retour sur mon intervention au CIUEN 2010 à Strasbourg :

Les auteurs de ressources pédagogiques répondent dans nos établissements d’enseignement supérieur à différents statuts : enseignant-chercheur, personnel administratif et technique, contractuel, …

L’auteur d’une ressource pédagogique est par ailleurs bien souvent rémunéré pour ces activités en matière d’E-learning. Les établissements d’enseignement supérieur, employeur de ces personnels, aspirent à exercer certaines prérogatives sur les ressources numériques produites : indexation sur des portails, moissonnage de métadonnées, réutilisation des ressources dans le cadre de formations à distance, mise à disposition sous la forme d’Archive Ouverte,…

Or les auteurs bénéficient de prérogatives issues du droit d’auteur.
En effet, l’article L111-1 du Code Propriété Intellectuelle prévoit que :
« L’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
(…)
L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. »

En application de cet article les salariés ou agents publics ne sont pas « dépossédés » de leurs droits patrimoniaux sur leurs créations même s’ils sont rémunérés pour cette activité. Cette règle ne trouve pas à s’appliquer en matière de logiciels et de bases de données sous certaines conditions.

Toutefois la loi d’août 2006, loi sur « le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information » (DADVSI), a introduit une exception à cette règle dite « exception de service public » prévu par l’article L131-3-1 du Code de propriété intellectuelle :

« Dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une oeuvre créée par un agent de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’Etat. »

En application de cette disposition l’agent public se trouve « dépossédé » de ses prérogatives patrimoniales sur ces productions. Mais le champ d’application de cette exception est limitée à une exploitation conforme à « une mission de service public ». En cas d’exploitation commerciale de la ressource, l’Etat ne bénéficie uniquement d’un droit de préférence. Ceci nous amène également à nous interroger sur la notion d’exploitation commerciale en matière d’enseignement supérieur : la formation continue, la formation ouverte et à distance, les formations dites « sur étagère » répondent-elles à ce critère de commercialité ?

En revanche, « exception à l’exception », lorsque l’agent public bénéficie d’un statut d’autonomie l’exception de service public est écartée et la règle de droit commun retrouve à s’appliquer. Par conséquent les enseignants-chercheurs, autonome par leur statut, disposent de l’intégralité de leurs droits d’auteur sur les œuvres numériques produites dans le cadre de leur service. Il va différemment pour les agents publics, mais a priori pas pour les contractuels qui ne répondent pas à ce statut !

La situation, déjà complexe, peut devenir parfois inextricable lorsque plusieurs personnels répondant à des statuts différents produisent une ressource numérique. Cette situation est loin d’être exceptionnelle. En effet, il est courant que les cellules TICE, composée d’agents publics et de contractuels, soient associées avec les enseignants à la production de ressources numériques.

Plusieurs qualifications peuvent être retenues en la matière selon l’article L. 113-2 du CPI
« Est dite de collaboration l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques.
Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.
Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »

Ces qualifications prévoient des régimes juridiques différents allant de « l’indivision » des droits d’auteur à l’exercice par le seul « initiateur » du projet des mêmes droits, sous réserve des droits éventuels de l’Etat en application des statuts des personnels.

Vidéo du colloque : http://canalc2.u-strasbg.fr/video.asp?idvideo=9782

Diaporama :

Tags: , ,

This entry was posted on mardi, septembre 28th, 2010 at 16:22 and is filed under Non classé. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.

One Response to “De l’influence du statut des auteurs sur le régime juridique de la ressource pédagogique numérique”

  1. Harold Seyb Says:

    Hello juste un simple commentaire pour vous écrire que c’est un génial thème que vous avez traité ! A bientôt

Leave a Reply