Sans le traiter dans un billet nous avions noté que depuis le 1er janvier 2010 nous n’avions plus de cadre juridique pour la mise en œuvre de l’exception pédagogique dans le domaine des œuvres » imprimées « . Ou autrement dit plus aucun texte n’envisageait la reproduction à but pédagogique des œuvres sous format papier autre que la photocopie, notamment la vidéo projection ou la mise en ligne sur une plate-forme pédagogique.
Nous n’en faisions pas une histoire, ce n’est pas la première fois qu’enseignants adeptes des technologies de l’information nous nous retrouvions » hors-la-loi « . Nous ne sommes pas loin de penser que toute manière un enseignant innovant est un délinquant en puissance !
Le Ministère a remédié à cette situation en signant un protocole d’accord reprenant l’ancien texte et apportant quelques modifications: bulletin officiel n°7 du 17 février 2011. L’exception pédagogique pour les écrits et les images est assurée jusqu’au 31 décembre 2011 (pour les œuvres audio et audiovisuelles deux autres accords ont été traité sur ce blog).
Ce texte autorise uniquement la numérisation des documents, ce qui dénote un certain autisme à l’heure d’Internet et de la société de l’information !
Abonné à une revue » papier « , que je ne nommerai pas, et que je consulte également en ligne, je me dois donc d’imprimer les articles puis de les numériser ensuite mon scanner afin de les communiquer à mes étudiants sur la plate-forme pédagogique de mon établissement.
On a rarement vu texte juridique de ce type aussi déconnecté de la réalité.
Le protocole d’accord prévoit » un périmètre légèrement étendu » :
- les « sujets des épreuves du concours général des lycées et du concours général des métiers » ;
- les » séminaires, conférences et colloques organisés à l’intention des enseignants relevant du ministère de l’Éducation nationale pour la préparation de leurs enseignements « .
On appréciera le qualificatif » légèrement » !
Les modifications les plus notables pour l’année 2011 concernent les établissements visés par l’exception puisque l’on trouve désormais les centres de formation des apprentis et le Centre National de l’Enseignement à Distance (CNED). Il convient toutefois de souligner que pour les établissements bénéficiaires de l’exception toutes leurs activités ne seront pas couvertes par l’exception pédagogique dans la mesure où l’article L122-5 du Code de propriété intellectuelle l’exclut en cas d’exploitation commerciale.
Le présent protocole reste muet quant à ce qu’il faut entendre par exploitation commerciale, question relativement difficile surtout lorsque l’on prend en compte la formation continue : dans quelle mesure la formation continue par Internet n’est-elle pas une exploitation commerciale ?
Des restrictions supplémentaires ont été instituées.
Les œuvres visées par l’exception pédagogique sont celles pour lesquelles » les titulaires de droits d’auteur ont apporté leurs droits aux sociétés de gestion collective signataires de l’accord (centre français d’exploitation du droit de copie, société des éditeurs et auteurs de musique et société des arts visuels associés) « . Il revient donc aux enseignants de s’assurer que les œuvres utilisées entre dans le champ de l’accord. A cette fin un moteur de recherche est en ligne. Ensuite, une fois ces recherches effectuées, encore faut-il procéder à la déclaration des utilisations envisagées sur le site Internet du CFC. L’ergonomie et l’efficacité de cet outil sont loin d’être convaincantes.
Adeptes de l’innovation pédagogique armez-vous de patience pour ne pas craquer face à ces tâches fastidieuses et répétitives ! Nous ne pouvons qu’espérer que ce texte ne décourage pas les enseignants de recourir aux outils numériques. Pour ma part je crains qu’à l’avenir je sois encore un délinquant en puissance.
Bonjour,
En tan qu’ancien trésoreier d’une école de musique, nous avions contacté la SACEM au sujet de la possibilité de copier des partitions pour nos élèves et ils nous proposaient d’acheter des timbres à coller sur les photocopies pour un prix assez modique.
Je pense qu’il n’existe pas d’équivalent pour les textes et/ou les textes récuperés d’internet…
Merci pour ce billet intéressant 🙂
Juste une suggestion : pour numériser une ressource du net, on peut aussi l’imprimer en pdf, non ? Ce qui évite l’étape double « impression + scanner » 🙂 Mais bon, j’imagine aisément que l’exemple retenu permettait surtout de souligner l’ironie et le décalage de la situation juridique par rapport à nos réalités… 🙂
@Yves
Bonjour
Je ne connaissais ce possible arrangement avec la Sacem. Merci pour l’information. Pour les autres oeuvres il existe l’exception pédagogique et s’il s’agit uniquement de photocopies il faut prendre contact avec le CFC.
Cordialement
@Loïc
Bonjour,
Si l’on s’arrête à une interprétation « au pied de la lettre » du texte il semble bien que « l’impression en PDF de pages web » ne rentre pas dans le cadre du protocole :
« L’accord ne vise que les œuvres éditées sur support papier. »
Le nerf de la guerre est bien financier à mon sens, car nous autoriser à utiliser des versions numériques dans nos activités pédagogiques aurait sûrement amené à une indemnisation des sociétés d’auteur au-delà de ce qui sera versé.
Cordialement
[…] Exception pedagogique et droit d auteur: confession d un enseignant delinquant ! | le Blog de Yann B… […]
Bonjour,
Je suis chargée des ressources électroniques au sein d’une bibliothèque. Certains documentalistes en son sein ont souhaité valoriser ses abonnements auprès des élèves ou des enseignants-chercheurs – quelquefois à leur demande, notamment ses abonnements papiers. ils ont réalisé des dossiers documentaires, reliés aux thématiques des cours ou des recherches, en utilisant la méthode dont vous parlez en tant qu’enseignant : scanner puis diffuser à partir d’un serveur. J’ai eu l’occasion de poser la question de l’autorisation d’une telle méthode auprès d’éditeurs ou de fournisseurs d’abonnements. En effet, seule la diffusion de photocopie papier est autorisée jusqu’à maintenant après versement des droits au CFC. Il m’a été répondu qu’autoriser la diffusion électronique (par mail ou via un serveur) de copies électroniques n’est effectivement pas prévue. Le éditeurs ou fournisseurs souhaitent avoir l’exclusivité du stockage des versions électroniques sur leurs serveurs. Ils souhaitent que, pour accéder à la ressource électronique intégrale, le lecteur se rende sur leur plateforme de diffusion, leur moteur de recherche. La solution a votre problème, à vous les enseignants, c’est que votre école s’abonne à la version électronique de leurs abonnements papier, et paie une licence spéciale pour un accès par votre lecteur. Cet accès peut être de plusieurs type et peut donner lieu à des tarifs différents : plusieurs accès simultanés (consultation de manuels en ligne à la veille d’examens), accès nomade (possibilité d’accéder depuis son domicile), etc. Les bibliothèques n’ont souvent le budget que pour un accès avec login et mot de passe dans leurs locaux uniquement, ce qui revient à consulter la ressource à la bibliothèque.. ce qui n’est justement pas le but. donner l’accès depuis tous les postes de l’école ou en nomade suppose que le service informatique dispose d’un certain nombre de dispositifs techniques (notamment pour l’authentification à distance) et cela n’est pas anodin. Si ce préalable technique existe, l’autre négociation possible dans le cadre de l’aide pédagogique, peut être au niveau du tarif de ces licences et de ces accès. L’enseignant de son côté, n’a plus qu’un lien à diffuser, il ne télécharge ni ne diffuse de fichier. Il n’a plus à scanner non plus. Le problème est donc celui du coût. On s’oriente vers un système où il faudra payer à la fois pour la copie papier et à la fois pour l’accès à la version électronique. A cet égard, les licences qui sont basées sur le nombre d’étudiants susceptibles de se connecter sont un gouffre eu égard au nombre d’étudiant qui au final se connectent réellement… Nous supprimons actuellement certains de nos abonnements électroniques. Donc merci pour l’information sur l’autorisation à la diffusion de fichiers jusqu’à décembre 2011.
@Hélène
Pour être sincère et politiquement incorrect : j’en ai assez que les Universités et les SCD soient « la vache à lait » des éditeurs. Les usagers que sont les étudiants et le contribuable payent pour l’édition papier, l’édition électronique et l’exception pédagogique. Et l’ensemble de ces abonnements répondent à un usage pédagogique. Nous avions fait intervenir Henri Isaac en 2008 à notre colloque annuel, les Journées du elearning (www.journees-elearning.com), et à l’occasion de son rapport sur l’Université Numérique il nous avait chiffré les sommes versées pour ces abonnements aux éditeurs. C’est pharaonique !
Si cela vous intéresse la vidéo est présente ici : http://suel.univ-lyon3.fr/eltv/viewvideo/115/03-edition-2008–le-e-teaching/04-les-enjeux-du-e-learning
D’accord avec vous. Les sommes sont pharaoniques par rapport à l’usage réel. Et merci pour la vidéo. Je regarderai tranquillement un peu plus tard…
Merci pour cet article instructif.