« L’elearning c’est du bricolage » constitue indubitablement le leitmotiv des 6èmes Journées du Elearning que nous avons organisées à Lyon les 23 et 24 juin derniers.
Producteurs de ressources d’apprentissage nous ne sommes pas encore des artisans car nous créons de manière très empirique en ayant chacun nos méthodes, nos recettes de cuisine. Il n’existe pas de technique ou d’outil applicable à toutes les situations comme dans le domaine de l’artisanat. Robert Bibeau nous l’a montré en commentant dans sa présentation son propre E-portfolio. Il n’a pas attendu qu’un informaticien mette au point l’outil technique qui aurait permis de créer de manière quasi automatique son E-portofolio, il a monté ses propres pages HTML mises bout-à-bout.
Ce colloque préserve une place centrale aux questions juridiques soulevées par l’Elearning et dans ce domaine également nous avons pu constater que le juriste bricole. Le droit n’appréhende pas du tout la spécificité de l’activité numérique d’enseignement. La production en Elearning n’existe que par le statut juridique des éléments constituant cette œuvre « multimédia » ou « plurimédia » comme l’a souligné Michel Dupuis. L’on ne peut donc pas parler de statut juridique unique de la création en Elearning, le juriste ne pourra apporter qu’une réponse au cas par cas » en bricolant » avec les différents régimes juridiques issus du droit d’auteur.
Les briques de création sont donc protégées individuellement sans qu’il soit aisé de protéger la production en Elearning dans son ensemble. Il convient donc de respecter scrupuleusement les droits afférents à ces briques. Selon Michelle Bergadaà le bricoleur peut devenir contrefacteur en s’appropriant le travail intellectuel d’autrui. Le rappel du respect des règles applicables à la citation (nécessairement courte rajouterait le juriste) peut paraître superflu malheureusement les constats de contrefaçon sont encore bien trop importants dans le domaine universitaire.
L’on est toujours dans le domaine du bricolage avec les licences dîtes « libres de droit » de type Creative Commons. Franck Macrez a bien montré que ce modèle de licences inspiré du droit du copyright dans le domaine des logiciels ne correspond pas totalement avec notre modèle juridique du droit de la propriété littéraire et artistique. Sa légalité au regard du droit français est même douteuse, toutefois le large recours à ces types de licences démontre son utilité et nous ne doutons pas que dans un avenir proche elles deviendront un véritable standard. Le droit se trouvera alors dans l’obligation de prendre en compte ce nouveau mode d’exploitation des création de l’esprit.
Parallèlement un nouvel espace numérique s’ouvre aux producteurs d’Elearning avec les E-books, mais force est de constater, encore une fois, que la récente réforme législative ne répond pas à nos attentes. Cédric Manara a souligné le fait qu’elle s’adresse pour l’essentiel aux éditeurs et traite principalement des domaines relevant des droit commercial et de la concurrence. La dimension de créateur et de consommation sont quasi absentes.
Même si nous bricolons, cela ne signifie pas que nous avançons sans aucun repère. Tout d’abord nous nous adressons à un public (usager ou même client) qui possède des attentes spécifiques dans le domaine du numérique. Les aspirations ainsi que les compétences numériques de nos étudiants ont radicalement changé ces dernières décennies. Périnne Brotcorne nous a exposé les différentes études portant sur la génération issue du numérique, les Digital Natives. Loin de la figure angélique « du jeune » maîtrisant parfaitement les outils du numérique, il apparaît que cette génération possède une expérience réelle mais limitée des outils du web. Nicolas Bermond a d’ailleurs dressé un panorama assez exhaustif des pièges de l’E-réputation.
Les bricoleurs que nous sommes ont par ailleurs développé de nouvelles compétences dans le domaine de l’usage des outils technologiques souligne Lia Navarotto. Ces compétences sont toutefois orientées vers un domaine que nous utilisons sans parfois en avoir conscience : la pédagogie. Jean-Paul Moiraud a bien mis en évidence que même si nous travaillons de nouveaux matériaux nous répondons toujours à une finalité immuable, celle de transmettre des savoirs et des compétences aux apprenants. Même si nous sommes des autodidactes certaines modalités du Elearning peuvent donner lieu à des formations de formateurs. Brigitte Denis a exposé des dispositifs de certification au tutorat à distance par Internet.
Enfin, Thérèse Laferrière est venue nous rappeler que l’Elearning n’est pas une notion unitaire et qu’il existe de nombreuses catégories de création dans ce domaine dont la forme la plus enrichie est constituée par la communauté d’apprentissage.
Les enseignants en Elearning, sans oser utiliser le terme d’eteacher, sont également « des bricoleurs du dimanche » et du soir car l’enseignant travaille au numérique bien souvent en dehors de ses heures d’enseignement mais ceci est un autre débat.
L’ensemble des vidéos des Journées du Elearning sont consultable en Rich Media à l’adresse suivante : journees-elearning.com
Hi Yann,
Tu as trouvé le mot juste : bricolage. Je reparle dans un tout récent article de Thot de l’intervention de Cédric Manara. Est-ce que les éditeurs ne « bricolent » pas non plus avec la notion de propriété et d’usage d’un ouvrage dûment acheté, même s’il est numérique ?
[…] sur les Journees du Elearning : l’Elearning c’est du bricolage http://j.mp/r9nXkQ. Via […]
Bonjour Christine,
Comme quoi les grands esprits se rencontrent, je prépare un article sur le droit du ebook. Tu as raison les éditeurs bricolent également en matière de propriété intellectuelle.
Bien à toi
Bonjour,
Est ce que la question des PLE (Personal Learning Environment) a été évoquée lors de ces journées? Ces environnements semblent plus souples et en raisonnance avec les usages liés aux médias sociaux (pour ne citer qu’eux) que le modèle e-learning qui semble avoir vécu non ?
[…] Read the original: Retour sur les Journees du Elearning : l Elearning c est du bricolage | le Blog de Yann BERGHEAUD […]
Bonjour Sébastien,
La notion d’e-learning, pour nous, est une notion générique et féconde qui s’enrichit de tous les nouveaux dispositifs tournés vers la finalité d’apprentissage : blended learning, social learning, m-learning,… Nous souhaitons appréhender lors des Journées du Elearning tous les nouveaux et futurs aspects des nouvelles missions de l’enseignant et l’enseignement par les TI. Nous avons donc traité également des PLE, non pas de manière exclusive lors d’une intervention mais beaucoup d’interventions y font référence sans forcément les nommer de la sorte.
Write more, thats all I have to say. Literally, it seems as though you relied on the video to make your point. You definitely know what youre talking about, why waste your intelligence on just posting videos to your blog when you could be giving us something enlightening to read?
Bonjour je suis toujours surpris de la différence de traitement entre les 2 faces du travail de l’enseignant – chercheur du supérieur. Je parlerais de schizophrénie.
D’un coté, il cherche à être le plus cité possible lorsqu’on parle de recherche, publications scientifiques… De l’autre, il ne veut pas donner les documents de son cours au format électronique de peur d’être copié. Tant que l’enseignement ne sera pas comptabilisé, valorisé dans sa carrière, le e-Learning restera du bricolage au sens où vous l’entendez.
@Vincent
Je suis assez d’accord avec vous, la valorisation de l’elearning est un point clé. Toutefois nous disposons des outils pour comptabiliser et valoriser cet investissement de l’enseignant mais ces outils ne sont pas réellement utilisés. Par ailleurs il ne vous pas échappé que nous sommes soumis aux critères de l’évaluation scientifique issus des « Sciences dures » par le Ministère. Par conséquent un enseignant-chercheur n’a absolument aucun intérêt à s’investir dans l’elearning tant que cela ne sera pas pris en compte. L’Education française payera très cher cette erreur stratégique. L’on commence déjà à relever que nos Universités sont très mal placées dans les classements mondiaux consacrés au elearning et au numérique.
[…] Retour sur les Journees du Elearning : le Elearning c’est du bricolage […]
je reviens de Suède où j’ai discuté avec de nombreux collègues enseignants chercheurs suédois, hollandais, finlandais, anglais, etc..: Ils rencontrent le même problème de reconnaissance de l’importance de l’enseignement face à la recherche dans tous ces pays. Or nous, européens, avons une vraie compétence en enseignement supérieur dans un monde où l’apprentissage et la transmission des compétences et connaissance concerne plus de 100 millions de nouveaux étudiants tous les ans: il y a un véritable avenir pour l’e-learning car il n’y a pas assez d’enseignants-(chercheurs) pour tous ces nouveaux étudiants. Nos collègues américains l’ont bien compris: voir par ex l’université de phoenix avec plus de 100 000 étudiants payants!
@M Cazier
Effectivement en Europe nous sommes moins sensibles aux problématiques du elearning car nous avons toujours autant d’étudiants alors que les Universités américaines ont compris depuis quelques années que le potentiel de croissance de leur effectif se situait dans l’elearning. L’enseignement supérieur est devenu un véritable marché avec l’elearning, on peut le regretter mais c’est une réalité. En Europe nous n’avons pas encore intégré cette dimension. Et en France, la réforme de l’autonomie des Universités n’arrange rien ….