Le bal des hypocrites

J’aurais volontiers employé un titre un peu plus rude mais je veux rester poli.

J’avais la tentation de m’exprimer sur ParcourSup, tout au long de cette année, mais d’autres l’ont très bien fait et j’ai donc préféré rester silencieux. Mais aujourd’hui je suis en colère et je veux le dire.

Lorsque je vois certains faire la comparaison des chiffres de ParcourSup avec ceux de l’ancien système je me demande s’ils ne devraient pas prendre des cours de maths élémentaires ou s’ils ont oubliés de rester un tant soit peu objectifs. Alors que les processus d’affectation obéissent à des logiques complètement différentes, comment peut-on faire une comparaison dès à présent ? Cela revient, comme me l’expliquait mon instituteur, il y a fort longtemps, à additionner des poires et des pommes. Le nouveau système est progressif, ce que certains lui ont reproché, et donc il ne pourra être comparé quantitativement à l’ancien que lorsqu’il sera terminé.

Ensuite, dans les longues protestations, on a le sentiment d’un regret d’APB et de l’heureux temps où tout un chacun pouvait s’inscrire comme il le voulait et il où il aurait suffi d’ajouter des moyens pour régler toutes les difficultés. On y voit souvent affirmer le droit, pour chaque étudiant, de se lancer dans n’importe quelles études de son choix. Certains parlent même de trahison d’un pacte républicain !

Où était le pacte républicain, lorsqu’au moyen d’un simple exercice corrigé au tableau, je pouvais évaluer, assez précisément, au début du premier cours de L1 où j’enseignais la physique, le nombre des étudiants qui réussiraient ? Où était le pacte républicain lorsque je voyais ceux qui ne l’avaient pas résolu, s’enfoncer progressivement dans l’échec ? Et je parle de conditions de travail plutôt favorables avec jamais plus de 25 étudiants par TD, où certains étaient tellement coincés qu’il devenait impossible de les interroger, de leur demander de passer au tableau sans avoir le sentiment de les torturer (vive la prise en compte d’un oral au baccalauréat !). Seuls les bons, traduisez ceux qui avaient toute raison de penser qu’ils réussiraient, profitaient de ces conditions favorables.

Où était le pacte républicain, lorsque nous avions mis en place un tutorat au premier semestre, tutorat où j’étais responsable d’un groupe de 16 étudiants, qui avaient régulièrement des rendez-vous collectifs avec moi et un entretien individuel deux fois dans le semestre, et qui disparaissaient avant le second ?

Où était le pacte républicain lorsque je proposais, à l’issue des partiels du premier semestre, après lesquels je recevais individuellement tous les étudiants lorsqu’ils refusaient, à une écrasante majorité, la proposition de changer de section pour entreprendre une remise à niveau, ce qui, certes, signifiait qu’ils renonçaient à passer l’examen de fin d’année mais qu’ils augmenteraient fortement leurs chances de réussir l’année suivante ?

J’ai trop vu d’étudiants malheureux, traumatisés par leur échec progressif, pour pouvoir encore supporter cette illusion que chacun peut s’engager, la fleur au fusil, dans quelques études que ce soit. Et les nouvelles technologies, dont je fus le premier à appliquer les préconisations que je faisais aux autres, n’y ont pas changé grand-chose. Il est bien connu maintenant que ceux qui réussiront réussissent mieux en les utilisant mais que cela ne déplace que très marginalement le taux de réussite.

Alors, on parle de jeunes choqués, traumatisés même par les résultats de ce premier tour ? Je pense qu’il vaut mieux les alerter aujourd’hui plutôt que de vraiment les traumatiser demain lorsqu’ils réaliseront qu’ils sont en échec.

Ce système est-il parfait ? Certainement pas. On ne peut pas transformer en un an un système désuet qui avait été pensé, il y a des dizaines d’années, lorsque la frange la plus favorisée des français seulement, accédait à l’enseignement supérieur.  Contrairement à ce que certains osent affirmer, ParcourSup est plus démocratique que l’ancien système. APB était un fusil à un coup et nombreux étaient ceux qui choisissaient une voie par sécurité. Le nouveau système a l’avantage de permettre à des jeunes qui n’auraient jamais envisagé certaines études de faire des choix supplémentaires, au cas où, puisqu’il n’y a pas de priorité, puis, découvrant des acceptations dans des études qu’ils n’auraient pas vraiment envisagées, de changer leur décision.

ParcourSup devra certainement évoluer et être modifié progressivement au fur et à mesure des années et de l’expérience acquise. Il faudra que toutes les universités jouent clairement leur rôle et osent prendre leurs responsabilités lorsqu’elles acceptent les étudiants dans un parcours. Cette acceptation doit être un engagement pour les deux parties, les universitaires ne doivent pas jouer les Ponce Pilate et doivent clairement expliquer et publier les critères, spécifiques à leur domaine et à leur institution, que leur expérience les a amenés à employer. Peut-être faudra-t-il aller jusqu’à mettre en place, comme en Grande Bretagne, un système incitatif, financé par le ministère, où les universités s’engageraient sur la réussite en prenant la responsabilité de leurs critères de choix. Il faudra des financements pour rendre cette orientation entièrement opérationnelle mais il me semble que l’éthique de notre profession nous oblige à faire le maximum dès à présent car on sort enfin de l’immobilisme. Certaines universités l’ont compris, d’autres non.

Il convient dès cette année de trouver une solution pour tous ceux qui aspirent à poursuivre des études. Mais il serait criminel de leur ouvrir des voies dont on sait que ce ne sont que des impasses. Ce n’est pas être républicain que de donner l’illusion d’un choix qui n’en est pas un. L’année supplémentaire L0 peut être une proposition à condition que les universités jouent le jeu et que l’entourage des lycéens, je pense d’abord à leurs professeurs au lycée, les convainc que cette proposition alternative n’est pas un échec mais une voie raisonnable pour commencer.

C’est à cette condition que ce système qui comprend effectivement une part de sélection, mais sélection sur les niveaux, remplira le pacte républicain.

Voilà, c’est dit.

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En regardant ailleurs

un homme regardeUne délégation française s’est rendue, en octobre à Philadelphie, au congrès Educause 2017. Educause est une énorme association américaine qui réunit ceux qui s’intéressent au numérique dans les universités aux Etats Unis et au-delà. Il y avait plus de 6000 personnes et une exposition commerciale avec plus de 300 sociétés présentes. C’est peu de dire que c’est le lieu idéal pour voir les tendances dans l’Enseignement Supérieur. J’en ai déjà rendu compte les années passées mais j’y reviens parce qu’il s’y passe toujours quelque chose.

A l’heure où le gouvernement introduit une transformation majeure dans le recrutement des universités en France et où le numérique est à l’honneur, voici quelques impressions sur ce qui se passe là-bas. Loin de moi de vouloir prendre les Etats-Unis comme modèle, ils sont pratiquement aux antipodes de notre conception des études supérieures, mais la confrontation des idées est toujours enrichissante.

Pour ceux qui voudraient avoir une vue complète du congrès,  la délégation, dans son entier, présentera ses impressions lors d’une réunion à l’amphithéâtre Jean-Baptise Say, au CNAM, 292 rue Saint Martin à Paris le 25 janvier prochain à 10h. Pour les autres un rapport sera disponible très bientôt.

L’Enseignement Supérieur est en crise aux Etats Unis. Les droits d’inscription ont atteint un niveau tel que les américains se demandent si cela est un investissement rentable : s’endetter lourdement vaut-il les gains de salaire que peut rapporter un meilleur diplôme ? Si certains, sous l’administration Obama, ont regardé les modèles Européens et ont envisagé de faire supporter par l’Etat la plus grande partie des études au niveau du collège (la licence), cela n’étonnera personne d’apprendre que ce projet a été complètement abandonné sous l’administration Trump. Et, une fois encore, le numérique est mis en avant pour résoudre le problème persistant des coûts et pour éviter de remettre en question une organisation que personne ne peut imaginer différente.

Une université ne peut exister sans un campus de qualité et sans la vie sociale qui s’y déroule. Les étudiants et leurs familles veillent sur ce point tout autant que sur la qualité de l’enseignement. Cela coûte donc fort cher. Alors pour diminuer les droits d’inscription pour ceux qui n’en ont pas les moyens, on voit se dessiner deux voies.

La première est d’offrir des études à la carte, où l’on découpe les cours en micro cours et les diplômes en micro grades. Les étudiants choisissent ainsi dans un menu les éléments d’enseignement qui correspondent le mieux à leurs objectifs professionnels. Comme l’exprime Jim Hundrieser, associate managing principal pour la stratégie institutionnelle de l’Association of Governing Boards, « cela revient à mettre fin à l’obligation d’acheter un CD de musique entier lorsqu’on est intéressé uniquement par une ou deux chansons ». Le numérique est appelé à la rescousse pour composer ces projets. On guide les étudiants, dès leur entrée à l’université, en fonction de leur cursus antérieur et de leur origine sociale ; pendant toutes leurs études le système, avec l’aide de l’intelligence artificielle, va les suivre et réadapter, à chaque semestre le cursus à venir. De nombreuses universités sont déjà équipées de systèmes intelligents, sans qu’on en sache trop sur cette intelligence. Mieux encore des indicateurs permettent de savoir, en temps réel, qui sont les étudiants en danger et cela peut même aller jusqu’à déclencher un mentorat en ligne.  Le taux d’échec est un peu diminué, les étudiants devraient pouvoir effectuer leur parcours en un minimum de semestres. Le coût des études est donc optimisé. C’est là l’usage essentiel des learning analytics. Tout cela est donc bénéfique et aller dans le bon sens. On peut cependant craindre que les matières dites fondamentales, les plus généralistes dont l’application à un métier est la moins évidente, vont se trouver en danger.  On ne « rentabilise » pas une culture générale, c’est un investissement à long terme qui dépasse le seul champ de l’utilité. Les américains, pour qui traditionnellement, l’université a toujours été essentiellement considérée comme une formation professionnelle, semblent l’accepter dans leur majorité.

La seconde façon d’envisager l’université est de découpler l’enseignement de la dimension sociale du campus et d’acheter le premier sans la seconde : d’où le développement fulgurant de l’enseignement en ligne. Pratiquement toutes les universités ont lourdement investi dans ce domaine, créant pour cela des départements autonomes qui cherchent à se financer seuls. Et là aussi le numérique avec toutes ses technologies est la clé de voute du nouveau système qui se met en place. N’y échappent que les universités qui mettent d’abord en avant la dimension sociale de l’appartenance à leur communauté. Nous l’avons encore ressenti cette année en visitant Princeton comme nous l’avions constaté, les années précédentes à Berkeley ou au MIT. Ce sont aussi celles qui tiennent le plus à conserver des cursus classiques.

Bien sûr, on peut mixer les deux approches en proposant aussi des cours en ligne aux étudiants sur le campus. Cela se développe de plus en plus, toujours dans la vision d’optimiser son parcours universitaire.

Plus personne ne parle de MOOC, bien qu’on en fasse mais pour des raisons de prestige. La vision d’un enseignement accessible à tous gratuitement sur toute la planète n’existe plus. D’ailleurs le terme a disparu : lorsqu’on fouille l’énorme programme de la conférence on ne retrouve plus jamais ce mot clé. Les learning analytics aidés de l’intelligence artificielle sont la solution espérée pour résoudre les difficultés, pour attirer de nouveaux étudiants : les universités voient leurs effectifs décliner, et ceci ne s’explique pas uniquement par la fuite des étudiants étrangers. Le numérique est l’espoir d’attirer de nouveaux clients.

Qu’y-a-t-il à retenir pour l’Europe et pour la France ? A chacun d’y répondre. Alors qu’on parle de réforme de l’Enseignement Supérieur, plus que jamais, et où certains tentent de plaquer ce modèle sans vraiment en comprendre les motivations, il est temps de réfléchir. Pour ma part, partisan convaincu de l’intérêt du numérique et des nouvelles technologies dans tous les champs d’activité de l’université et de l’enseignement en particulier, on peut y trouver beaucoup d’inspiration sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Mais il faut savoir s’inspirer de ces usages en y appliquant notre vision, les adapter, même les rejeter le cas échéant lorsqu’ils ne correspondent pas à notre éthique du rôle de l’université et à notre modèle social. Les décalquer brutalement conduirait à l’échec, on en accuserait l’usage des technologies alors qu’elles n’auraient été que l’outil et le prétexte pour plaquer un modèle qui n’est pas le nôtre.

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Les startups et nous

imagesEducpros a eu la gentillesse de m’inviter à la conférence EDUP qu’ils organisaient dans le cadre de Educatice, il y a quelques semaines. J’ai écouté avec intérêt les propositions de startups qui expliquaient ce qu’elles pouvaient apporter à l’Enseignement Supérieur. Leur enthousiasme, leur imagination sont communicants et je suis reparti tout à fait convaincu de la qualité de leur travail. J’ai constaté cependant, une fois encore, comment les universités et les entreprises avaient du mal à se comprendre, deux mondes qui n’ont pas les mêmes règles de fonctionnement ni les mêmes logiques. Ceci n’est pas nouveau, je l’ai expérimenté tout au long de ma carrière et je me souviens d’avoir présenté une conférence sur ce sujet chez un important industriel français en … 1985 !

Ce sujet a été très bien abordé dans la contribution de Mme Claude-Gaudillat, directrice de l’innovation à Audencia Business School, intitulée « Conseils aux startups EdTech pour bien collaborer avec les établissements de l’ESR ». Quatre points ont retenu particulièrement mon attention :

  • Bien parler aux universitaires
  • Arriver avec une proposition de valeur construite
  • Bien comprendre les circuits d’adoption
  • Avoir une logique d’accompagnement

Ces points peuvent sembler indépendants mais en réalité ils sont liés. L’université fonctionne différemment des entreprises pour plusieurs raisons. Leurs fonctions et leurs buts sont très dissemblables : la recherche et l’enseignement différent profondément de la production de biens et de services. Même aux Etats-Unis où les universités sont gérées comme des entreprises ceci est reconnu et cette distance existe également. Ceux qui ont travaillé dans les deux mondes le savent et reconnaissent qu’il leur faut un temps d’adaptation. Il est donc assez irritant de voir un industriel débarquer dans votre bureau et, dans son enthousiasme, vous expliquer comment vous devriez enseigner ou gérer votre service. On a souvent reproché aux universités de mal connaître le monde de l’entreprise, la réciproque est également vraie !

En France nous avons les contraintes d’une organisation et une régulation qui n’ont pas été conçues pour nous mais pour gérer une ville. Les circuits d’achat sont extrêmement contraignants et laissent peu de possibilités à l’initiative individuelle et à l’expérimentation. Un de mes collègues, directeur d’un très gros laboratoire à l’UPMC, s’en plaignait, il y a quelques années, lors d’une rencontre avec un sénateur qui enquêtait sur les problématiques de l’ESR. Celui-ci avait levé les bras au ciel et s’était exclamait que ce problème dépassait très largement le cadre de son travail et qu’il ne voulait pas l’aborder. Je ne raconterai pas non plus, comment j’ai été amené parfois à friser l’illégalité pour pouvoir avancer dans la réalisation de projets innovants. Ceux qui ont conduit un projet, de la construction du cahier des charges à sa réalisation, me comprendront.

L’enseignement possède également une spécificité unique, qui en fait d’ailleurs sa beauté : nous travaillons sur de la matière humaine. On ne fait pas adopter des changements profonds simplement parce qu’on en est soit même convaincu.  Personne ne peut y obliger les étudiants ni les enseignants et je voudrais insister sur ce point : les étudiants ne sont pas forcément novateurs. J’ai mis mes premiers cours sur le Web vers 1994. Longtemps après toutes les enquêtes montraient que leur première préoccupation était de pouvoir les imprimer et qu’ils auraient été plus satisfaits si je leur avais fourni des polycopiés. Il a fallu des années pour leur faire adopter l’usage de documents électroniques. Encore une fois : visitez un learning space dans une université américaine : vous serez étonné de voir autant d’étudiants avec un livre ouvert à coté de leur ordinateur. Les personnes pour qui nous travaillons n’ont pas le même comportement que le personnel d’une entreprise même aux Etats Unis, où la culture d’entreprise est la plus développée. Nous ne pouvons donc infuser les technologies innovantes que progressivement avec beaucoup de diplomatie et de formation, d’où la logique d’accompagnement que ma collègue mentionnait. Ceci peut prendre des années : il m’a fallu cinq ans, par exemple, pour faire adopter l’usage massif d’une plateforme d’enseignement mise en place dès 2001. Ce temps universitaire est extrêmement long pour une startup et c’est une difficulté majeure pour établir une collaboration durable. C’est aussi une difficulté, de notre côté, car sachant le temps que demande la mise en place et l’usage d’une innovation, nous sommes toujours amenés à nous interroger sur la pérennité de notre partenaire pour le temps nécessaire à l’aboutissement d’un projet.

Mais alors, comment font les universités américaines qui sont constamment innovantes ? Elles aussi travaillent sur la même pâte humaine ! D’abord ne généralisons pas : on fait constamment référence aux grandes, aux plus connues, qui arrivent en tête dans le classement de Shanghai mais nous ne jouons pas dans la même cour. Ces grandes universités ont les moyens de tenter des expériences même si elles n’aboutissent pas ou ne rencontrent le succès qu’auprès d’une partie de leur public, nous pas. Leurs moyens humains et financiers sont au minimum d’un ordre de grandeur supérieur au nôtre. Alors que nous visitions Princeton, en novembre dernier, un de mes amis calculait que leur budget reviendrait à attribuer tout le budget de l’ESR à l’université de Lyon ! Avec de tels moyens on peut tenter des expériences sans réellement se soucier de leur généralisation. Ajoutons à cela qu’aux Etats Unis les grands groupes sont de généreux donateurs et subventionnent fortement l’ESR, ce qui n’est pas le cas chez nous. Il vaudrait mieux nous comparer aux petites universités, aux community colleges, et, croyez-moi, ils rencontrent les mêmes difficultés que nous.

Cette organisation rigide est aussi, de mon point de vue, l’une des raisons pour lesquelles les français sont de si chauds partisans du logiciel libre, bien plus que nos collègues Européens. Ce n’est pas nouveau et cela tient en partie à la structure de la dépense dans nos universités : dans un contexte où l’argent est rare et où les lignes du personnel, de l’investissement et du fonctionnement sont difficilement fongibles cela conduit à porter sur la ligne « personnel » ce qui relève normalement des autres lignes, c’est à dire à préférer un logiciel non payant (je n’ai pas dit gratuit) et à en assurer la maintenance, voire le développement soi-même. C’est une façon ingénieuse de déplacer d’une ligne budgétaire à l’autre les financements qui nous sont nécessaires. Ceci est très français et était déjà mentionné dans une étude de l’OCDE « Issues for Higher Education Management » publiée en 1994. Cela non plus n’est pas favorable à une collaboration avec les startups puisque la tradition existe de tout faire par soi-même.

Ce qu’il faudrait ? Dans un monde idéal où une vraie autonomie des universités existerait, où leur organisation et leur gestion seraient repensées dans l’idée de favoriser vraiment leur mission et l’innovation et où les moyens nécessaires tant humains que financiers existeraient, je suis convaincu que les startups trouveraient le terreau fertile pour innover. Mais dans le monde où nous sommes, où les généreux donateurs sont rares,  je ne vois guère que le financement de la puissance publique, autour de projets exigeant la collaboration des deux parties, les jeunes industriels et nous, pour pouvoir vraiment surmonter ces difficultés. Nous sommes, nous aussi friands d’innovation et d’opportunités, et aucun responsable du numérique dans aucune université, ne refusera une opportunité qui n’obère pas sa recherche de la meilleure gestion de ses maigres ressources.

Certains me reprocheront de vouloir privatiser l’université, c’est la grande antienne, de ceux qui veulent ne rien changer mais je prétends qu’on peut vouloir faire fonctionner l’Enseignement Supérieur public de façon infiniment plus souple sans renoncer en rien ni à ses buts ni à son idéal.

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Retour des US. Quelques réflexions

forteJ’étais aux Etats Unis, au début novembre avec quelques collègues, pour participer au gros congrès Educause et, comme nous le faisons depuis quelques années nous en avons profiter pour visiter quelques universités : cette année SUNY (State University New York) à Stony Brook près de New York, Princeton et Penn U. à Philadelphie où se tenait le congrès. Trois universités et trois modèles de fonctionnement et de stratégie complètement différents !

Ce que j’ai vu dans ces universités, ce que j’ai entendu durant ce congrès m’amène à vous livrer ces quelques réflexions sur le fonctionnement de notre système d’enseignement supérieur.

Si l’on voulait comparer les modèles français et américains, SUNY serait celui des universités et Princeton celui des grandes écoles. Avec cette différence de taille que Princeton suit le modèle d’organisation découpé en bachelor, master et PhD (licence, master et 3ème cycle) commun à toutes les universités américaines. Princeton qui ne dénombre que 5400 étudiants environ, tous cycles confondus, recrute à la sortie du lycée (high school) tout comme SUNY.

Et ceci m’amène à réfléchir sur cette première étrangeté du système français, difficile à expliquer aux étrangers, où les grandes écoles trouvent leur vivier au travers de ce dispositif bizarre appelé classes préparatoires qui ne relève, dans sa réalité, ni de l’enseignement secondaire ni de l’enseignement supérieur et pourtant appartient aux deux à la fois. Si les grandes écoles recrutaient après le baccalauréat le système français deviendrait très similaire à ce qui existe partout ailleurs. Cela amènerait d’ailleurs à réfléchir au processus de sélection et probablement à remplacer des concours qui sélectionnent des têtes bien pleines par un processus d’orientation mieux à même de découvrir des têtes bien faites. Mais je m’aventure sur un terrain glissant et je n’irai pas plus loin sur ce sujet.

La seconde réflexion m’est venue après la visite de SUNY. SUNY est en réalité un consortium de 64 campus.  Ils possèdent, pour la plupart, un grand degré d’autonomie qui les ferait considérer chacun, en France, comme une université à part entière. L’enseignement à distance pourrait même, dans cette structure, être considérée comme le 65ème campus. Ces campus partagent des services, à des degrés divers, collaborent, montent des projets en commun et se regroupent sous ce chapeau commun pour définir leur stratégie et leurs grandes orientations. Lorsqu’on voit les difficultés pour fusionner des universités et faire réellement vivre les COMUE en France, je pense qu’il y a là des modèles dont nous pourrions nous inspirer. SUNY n’est pas le seul exemple. Dans de nombreux états les universités publiques sont regroupées dans des entités communes qui semblent permettre d’harmoniser les aspirations locales avec une vision collective.

A la conférence deux points, en particulier, m’ont semblé d’intérêt pour nous. Le premier est le développement massif de l’enseignement en ligne. Il est directement inspiré de l’expérience des MOOC qui, contrairement à ce qu’un article du Monde voulait faire croire, il y a quelques semaines, n’ont absolument pas fait pschitt mais se sont transformés. Dans le contexte politique américain où il est improbable que les droits d’inscription puissent diminuer, l’enseignement en ligne est vu comme une façon de diminuer les coûts puisqu’on ne fournit pas « l’hôtellerie », c’est à dire les salles d’enseignement, le logement et l’environnement qui nous rend jaloux à chaque visite. Les départements d’enseignement à distance non seulement permettent d’accroitre les effectifs mais sont aussi des sources de financement pour le fonctionnement des campus. Cela pousse évidemment en avant les formations continues et particulièrement technologiques.  A une époque où l’argent se fait rare c’est là un domaine dans lequel nos universités devraient faire un effort. Mais cela a été dit de nombreuses fois.

Autre point d’intérêt de la conférence : les learning analytics. Ce qui est mis en avant n’est pas la construction de cours dynamiques à partir des traces laissées dans une plateforme d’enseignement mais une analyse de l’activité des étudiants sur le campus, de leurs résultats antérieurs (voire de leur lycée d’origine) et des notes du semestre en cours. Le déclenchement d’alertes permet aux étudiants de prendre conscience de leurs difficultés, à l’institution de leur apporter une attention et une aide particulières et aussi de leur proposer, pour la suite de leurs études, des parcours à la carte adaptés à leurs capacités. Bien qu’elles recrutent les étudiants en contrôlant leurs connaissances et en se limitant à leur capacité d’accueil, les universités américaines souffrent, comme les nôtres, d’un taux d’échec assez élevé.  Elles espèrent améliorer ainsi le taux de réussite en introduisant ce qui se rapproche le plus d’un tutorat individuel. Bien sûr, les universités les plus riches, comme Princeton, s’intéressent peu à ces technologies car elles disposent d’un environnement humain qui leur permet de mettre en place un suivi individuel et de personnaliser complètement les études.

Et cela m’amène à m’exprimer sur la maladie de l’université française. APB aura eu la grande qualité de mettre en évidence le fait qu’un algorithme ne peut pas résoudre un problème qui n’a pas de solution, à savoir des demandes des étudiants qui ne sont pas en adéquation ni avec les prérequis nécessaires pour suivre la filière de leur choix ni avec les capacités de formation des universités. Pour répondre à la demande, essentiellement en première année, il faudrait organiser des recrutements massifs d’enseignants dans certaines filières et construire de nouvelles salles de classes alors que l’on sait qu’un nombre important d’étudiants sera en échec à la fin de l’année. Outre le coût de cette solution et l’impossibilité de trouver le nombre d’enseignants nécessaires dans toutes les filières, est-ce bien raisonnable lorsque les demandes sont déconnectées de la réalité de l’emploi ? Certes les études ont pour but de former des citoyens et de permettre à chacun d’apprendre et de devenir des individus complets mais elles ont aussi pour but de préparer aux métiers d’aujourd’hui et demain. En ce sens les projets gouvernementaux me semblent une voie d’avenir. Proposer des parcours individualisés avec des modules supplémentaires obligatoires, éventuellement, donc avec des cursus  qui pourraient se faire en plus de trois ans pour la licence, selon les compétences des étudiants est la seule façon honnête d’envisager des chances de réussite et de diminuer le taux d’échec.

Et cela m’amène à une conclusion assez iconoclaste. Si l’on reconnaît aux étudiants le droit d’entreprendre les études de leur choix pourquoi la charge de la construction de ces parcours est-elle supportée par les seules universités ? Les classes préparatoires aux grandes écoles et les grandes écoles elles-mêmes pourraient prendre leur part en proposant des parcours complémentaires aux étudiants qui voudraient se diriger vers leurs formations. Il en est de même pour l’enseignement professionnel et les IUT en particulier.

Les autres ordres d’enseignement supérieur se défaussent sur les universités, avec beaucoup de lâcheté, de l’obligation morale de former notre jeunesse en lui laissant seule la charge et les difficultés. Si celle-ci disposait du même privilège je puis vous garantir que l’enseignement universitaire n’aurait pas à rougir de la qualité de ses formations par rapport aux autres ordres d’enseignement.

Il n’y a strictement aucune raison de lui faire supporter seule le devoir de régler ce problème collectif.

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Les GAFA et nous

imagesLe Monde annonçait, il y a quelques jours, un accord entre le ministère de l’Education Nationale encourageant l’usage de Google et autres GAFA. Les réactions vives à cet accord mettaient en avant, à juste titre, le risque de fuite des données personnelles des élèves et prônaient l’usage de solutions libres.

De fait le problème n’est pas nouveau et ne nous est pas particulier. Je l’avais déjà évoqué dans un vieux billet où j’expliquais que les universités françaises auraient un intérêt certain à confier la messagerie étudiante (je précise bien uniquement la messagerie étudiante) à ces mêmes GAFA, Google, Microsoft… Ma justification était que ces messageries ne contenaient pas grand chose de bien confidentiel et que ce serait autant de travail que les services informatiques pourraient consacrer à des activités plus innovantes.

J’ai donné, par le passé, toutes les preuves de mon attachement au logiciel libre. Pourtant je m’étais attiré un monceau de protestation, certainement le billet qui a entrainé le plus de réactions. Il est temps d’y revenir.

L’année dernière, à l’occasion du congrès Educause à Los Angeles, nous sommes retournés, mes camarades et moi, à l’UCLA que nous avions visitée deux ans plus tôt. Entre temps les scandales de la NSA avaient été mis en plein jour et nos collègues américains, qui faisaient auparavant assez confiance aux entreprises privées qui leur procurent des outils logiciels à bon compte, étaient devenus beaucoup plus méfiants. S’ils avaient, pour la plupart, toujours pris soin de laisser les données de recherche dans un cloud privé, ils étaient souvent assez laxistes en ce qui concerne les étudiants. Fin 2016 la vision avait changé mais ce n’était pas simple pour autant.

Recourir systématiquement à des outils libres n’était pas envisagé pour plusieurs raisons, la première étant qu’il n’existe pas toujours de solutions aussi satisfaisantes que celles proposées par les industriels. En particulier la disposition d’interfaces amicales pour l’usager n’est pas forcément le point fort du logiciel libre ni son intégration dans les plateformes Windows et MacOS qui représentent l’écrasante majorité des machines individuelles. On peut le regretter mais c’est un fait qui n’est pas niable. La deuxième raison est que libre ne veut pas dire gratuit et que la mise en place et la maintenance de ces solutions demandent des ressources humaines importantes. Ce peut être un choix en France où, hélas, l’argent est rare. C’est beaucoup moins vrai dans des pays comme les Etats Unis où l’ingénieur est rare, surtout dans la Bay area ! Berkeley a ainsi renoncé à une plateforme d’enseignement qu’ils appréciaient beaucoup car ils ne trouvaient pas de support externe satisfaisant et ne voulaient pas y consacrer le personnel nécessaire. UCLA a donc choisi un mixte en négociant l’achat de services privés et en veillant à la propriété des données et des métadonnées. Mais là aussi une difficulté est apparue et la recherche d’une solution de travail coopératif est un bon exemple des difficultés d’aujourd’hui.

UCLA avait donc fait le choix d’une solution après discussion et construction collective d’un cahier des charges avec ses usagers. Ils avaient retenu un fournisseur pour la qualité de sa solution, son ergonomie et ses possibilités d’intégration dans leur système d’information. Jusque là tout allait bien mais la discussion a bloqué sur la propriété des métadonnées, c’est à dire des profils des usagers. Et c’est là que les responsables de l’université ont été coincés. Les discussions trainaient et ils se sont faits doubler par leurs usagers. Ce constructeur mettait son service à disposition gratuitement pour un usage personnel, comme cela se fait beaucoup aujourd’hui, avec une limitation quant aux facilités et espace disponibles. L’UCLA se trouva donc dans la position intenable de négocier la confidentialité des données avec ce fournisseur alors que de nombreuses personnes de l’université, enseignants, administratifs et étudiants, avaient déjà recours à cette solution ! Que faire alors ? Impossible de bloquer l’accès à ce service, cela aurait déclenché des protestations extrêmement vives et aurait même encouragé la recherche de méthodes de contournement et amplifié la fuite de données. Je ne sais pas quelle a été la décision finale mais nos collègues américains étaient clairement conscients qu’ils ne pourraient pas tenir leur position initiale.

Et cela m’amène à la raison de ce billet. Imaginer que l’on peut écarter les propositions des GAFA du monde académique est une pure utopie et vouloir les ignorer officiellement de la pure hypocrisie. Ils doivent certes respecter la loi, et nous avec, et le contrôle de la CNIL est obligatoire mais on n’évitera pas une négociation sur l’appropriation de données personnelles par ces industriels tout simplement parce que si on l’interdit dans nos établissements, les usagers iront chercher ces services à l’extérieur à titre privé. Je souhaite bien du courage à ceux qui voudront interdire l’usage de FaceBook, des outils Google ou autres dans leur université ou autre établissement. Cela se fera alors sans eux et sans aucune possibilité de modérer ce qui se passe. Mieux vaut offrir des services de qualité au travers de nos ENT et autres systèmes d’information, négocier avec ces fournisseurs extérieurs quelles données ils récupèrent, sous quelle forme et où elles sont stockées et, en même temps, former nos étudiants et professeurs au bon usage d’outils de qualité appréciés par l’immense majorité.

Au fait, vous ai-je dit que la prestigieuse université de Berkeley, après une étude attentive, a conclu qu’ils étaient incapables de fournir une messagerie mieux sécurisée que celle de Google et a négocié avec eux le transfert de ce service. Vous ai-je dit aussi que leurs collègues de Stanford, de l’autre coté de la baie, sauvegardent, pour la même raison, toutes leurs données de calcul scientifique chez Google également ? Vous trouverez tous les détails dans le rapport de la délégation française à Educause 2016.

Le ministère n’est pas vendu. Il est simplement réaliste.

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Des MOOC encore !

imageJe n’ai respecté aucune des règles pour conserver des lecteurs réguliers : un long silence, des publications erratiques sur la fin. Je n’avais plus rien d’important à dire mais ce n’est plus le cas. Je reprends donc ma plume.

J’ai passé une dizaine de jours aux Etats-Unis, à la fin du mois d’octobre, avec une délégation de quinze personnes, des collègues et amis de différentes universités, pour participer au congrès Educause 2016. Educause est, je l’ai déjà écrit, le congrès le plus important au monde par la taille et la diversité des sujets traités, consacré à l’université numérique. Nous en avons profité pour visiter UCLA, Stanford et Berkeley. Trois universités parmi les douze meilleures selon le classement de Shanghai. Même lorsqu’on en considère les limites, c’est impressionnant. Les visites ont été organisées avec l’aide de mon ami, Richard Katz, ancien VP d’Educause, qui a ses entrées partout. Vous dire que nous avons été partout reçus chaleureusement serait en dessous de la réalité. Ce fût super.

Entre le congrès et les visites, une occasion de faire le point sur des tas de sujets et de reprendre mon blog. Vous pouvez également lire le rapport que nous avons produit tous ensemble : 87 pages qui balaient notre voyage (http://formation.unpidf.fr/fr/mediatheque/media-63). Il sera disponible également en anglais et en japonais en février.

Aujourd’hui je veux évoquer l’évolution des MOOC, l’un de mes sujets d’intérêt.

Au congrès Educause 2016 l’acronyme MOOC a complètement disparu. Une seule conférence comportait ce nom dans son titre et encore s’agissait-il de l’emploi de cours en ligne, à l’intérieur d’une université, en enseignement mixte (blended learning). Pour être rigoureux les auteurs auraient du employer l’acronyme SPOC (Small Private Online Course) car ils évoquaient l’usage d’un cours en ligne dans une classe de bachelor où le public est homogène et remplit, du moins on peut le supposer, tous les prérequis pour suivre ce cours avec succès et bénéfice. Le cours n ‘était ni massif ni ouvert à tous et les étudiants étaient personnellement accompagnés par leur professeur.

On constate d’ailleurs une confusion entre les termes, l’acronyme MOOC désignant de plus en plus un cours en ligne, sans distinguer s’il est utilisé en interne ou ouvert à tout public. Le terme MOOC signifie simplement que le cours est structuré autour d’un parcours pédagogique qui propose des vidéos courtes, des documents et des contrôles au moyen de devoirs et de quizz et éventuellement la participation à des activités comme des blogs et des forums.

Lors de nos visites nous avons interrogé nos interlocuteurs sur la politique MOOC de leur établissement. Pour l’UCLA la réponse est identique à celle qu’ils nous avaient donné, il y a trois ans, au cours d’une première visite : pas de MOOC ! Cela n’entre pas dans leur vision. Stanford, par contre, pionnier dans ce domaine, continue à en faire avec Coursera et EdX, Berkeley avec EdX, mais sans plus. Pas de grande excitation autour de ce genre de projet. Les professeurs obtiennent au mieux le support d’une équipe technique mais en aucun cas cela ne peut entrer dans leur temps de service. Ils doivent travailler gratuitement.

Pour Stanford et Berkeley les MOOC sont essentiellement un produit dérivé des cours en ligne qu’ils construisent à usage interne. Et la motivation est essentiellement la notoriété de l’établissement et des professeurs.

Les deux premières lettres M et O sont là pour le décors.

Mais cela ne signifie pas que ces trois universités ignorent cette approche. Elles multiplient les cours en ligne sans vouloir, en même temps basculer des enseignements à distance. Le modèle est plutôt celui de l’enseignement mixte, le cours en ligne accompagnant celui du professeur en présentiel. A Berkeley les enseignants ont tout simplement refusé de participer à un micromaster en informatique, un modèle d’enseignement que le MIT a lancé en partenariat avec une dizaine d’autres universités dans le monde. Il permet à un étudiant de suivre un premier semestre à distance sous la forme d’une série de MOOC (des vrais) et s’il a réussi toutes les certifications de poursuivre le second sur le campus de son choix parmi 13 universités réparties dans le monde entier.

Nos interlocuteurs, dans les trois universités, ont insisté unanimement sur l’importance de l’expérience d’être sur le campus, de la vie ensemble dans ses dimensions de travail et sociale. Ils ont interrogé leurs étudiants qui adhérent profondément à cette vision. Ces cours en ligne remplacent le bon vieux bouquin sur lequel tout étudiant se devait de travailler avant le cours mais on continue à se rendre régulièrement en classe ou en amphithéâtre. L’enseignement se transforme, les cours sont présentés différemment mais le face à face est loin d’être mort.

Et, parallèlement, on développe, on pousse la formation continue. Pour UCLA et Berkeley la première motivation est de trouver de nouvelles ressources car les fonds publics diminuent, pour Stanford, établissement privé, parce que c’est bon pour le business. Mais les professeurs ne sont pas trop fans, et les département de formation continue éprouvent de grandes difficultés à les convaincre d’adapter les cours qu’ils construisent à cette catégorie de formation. De fait cela me rappelle étrangement la réaction de certains de mes collègues.

Alors plus de MOOC ?

Les MOOC sont en crise. Ils n’ont pas trouvé leur modèle économique dans l’ouverture au plus grand nombre, comme je l’ai expliqué dans le rapport ci-contre : http://www.sup-numerique.gouv.fr/cid100828/rapport-mooc-a-la-recherche-d-un-business-model.html.

Bien après Udacity, Coursera bascule vers le cours d’entreprise, SPOC ou COOC comme vous voudrez bien l’appeler. Coursera semble ne plus croire à la mission d’éducation globale ou, plus exactement n’y trouve aucun business model. Après avoir rendu les certifications obligatoires, voici le tutorat à distance, moyennant paiement évidemment, et même un abonnement mensuel. Ce modèle ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? C’est une invention française, celle de Openclassrooms !

Coursera tente parallèlement un second modèle en s’associant à des universités. Plutôt que de devenir une université virtuelle, comme je le pensais il y a un an, Coursera s’associe à certaines, comme Arizona State ou Urbana pour distribuer des séries de MOOC de leur conception, les certifier contre paiement et permettre aux étudiants, en cas de succès et moyennant un paiement supplémentaire, d’obtenir un vrai diplôme. Futurelearn le suit dans cette voie.

Seul EdX, qui est financé par une fondation, et les plateformes de part le monde, comme FUN en France, Edraak en Jordanie, XuetangX en Chine et bien d’autres, qui suivent le même modèle ou sont aidées par des fonds publics, continuent leur chemin. Le bénéfice n’est pas leur motivation principale.

Les MOOC offrent à ceux, qui n’ont pas eu la chance de poursuivre des études, la possibilité de s’instruire, que ce soit pour améliorer leur compétence professionnelle ou simplement par soif de connaissance. Ils sont une chance formidable ouverte à tous et contribuent à l’une des missions les plus nobles de l’humanité : la poursuite de la connaissance. Ils participent au lien entre les hommes.

Non, l’éducation pour tous n’est pas un business comme les autres. Les MOOC doivent être aidés au même titre que toutes les activités qui contribuent au lien social dans notre société.

 

 

 

 

 

 

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Saint Numérique et Saint Algorithme

imagesSix mois déjà que je n’ai plus contribué à ce blog. Mais si je suis resté silencieux, j’ai beaucoup lu, beaucoup écouté. Et ma conclusion est qu’il faut ajouter deux saints à notre calendrier.

C’est fou comme le numérique inspire des personnes de tout bord, de toute responsabilité qui croient y voir le démon ou le sauveur de nos institutions. Je n’évoque, bien évidemment, que celles d’enseignement supérieur. Ce serait fort présomptueux de ma part d’oser généraliser.

Lorsqu’en juin les universités se demandaient que faire pour accueillir des nombres d’étudiants croissants, lorsqu’elles imaginaient toutes les solutions possibles pour résoudre cette équation impossible, certains esprits qui n’avaient eu de cesse de dénoncer les MOOC et plus généralement l’enseignement numérique comme une œuvre de Satan, ont commencé à benoitement expliquer que le numérique était la solution pour accueillir encore plus d’étudiants dans la filière de leur choix. Certains de ces innocents citaient même en exemple la diffusion de cours en direct pour les étudiants de PACES ! Pourtant ces mêmes avaient vertement protesté lorsque, en 2007, nous l’avions mise en place à l’UPMC pour éviter à nos étudiants de venir sur le campus uniquement pour regarder la projection de ce qui se passait dans une autre salle. Ceux-là encore, et d’autres, avaient condamné les MOOC comme une œuvre des méchants qui voulaient abaisser l’enseignement, réduire le nombre de professeurs et tout brader au privé.

Pendant ce temps certains thuriféraires clamaient que le numérique annonçait la fin des universités telles que nous les connaissions. Nous étions au début d’une ère nouvelle où les campus deviendraient inutiles, les étudiants travailleraient à distance et  ils auraient (enfin) la liberté de composer eux-mêmes leurs bouquets de cours, selon leur goût, faisant foin des cursus, dans la perspective de l’emploi auquel ils aspireraient d’où la proclamation de la fin des diplômes et la découverte des nano degrés, certifications et autres diplomations en tout genre. Grâce au numérique une formation supérieure deviendrait ce qu’elle devait être : une panoplie de connaissances acquises qui permettrait une employabilité immédiate. Apprendre pour connaître, apprendre pour acquérir des notions générales ne serait plus requis.

Présentons maintenant le second saint de notre calendrier, enfant du premier, Saint Algorithme. Saint Algorithme veille en France à l’inscription des étudiants dans l’Enseignement Supérieur, au travers d’APB, et nous promet, dans un futur proche, un enseignement adapté à chacun grâce à l’Intelligence Artificielle (peut-être demain le petit fils de notre premier saint). Saint Algorithme nous évite de devoir prendre nous même les décisions, insensible aux émotions humaines. Il est le juge impartial.

Alors, aurais-je tourné casaque, moi qui ai toujours prôné le numérique et qui participe même au lancement d’une revue en ligne sur l’enseignement numérique ?

Ne nous y trompons pas. A la base du numérique, il y a des technologies et des logiques de pensée qui s’appuient sur ces technologies. Ces technologies sont ce qu’elles sont avec leurs contraintes et leurs limitations mais les logiques d’utilisation ne sont pas neutres et, de façon consciente ou inconsciente, participent à la mise en place d’idées et de façons de voir l’avenir, en bref d’idéologies.

Les technologies, donc le numérique, ne transforment pas l’enseignement ni la pédagogie. Ce sont les façons de les utiliser qui le font et c’est fort différent car il y a mille manières de les employer et ces manières ne sont pas neutres.

Prenons l’exemple de la pédagogie inversée. Cette approche n’est pas neuve. Demander aux étudiants de travailler à l’avance sur des documents ou par projet se fait depuis longtemps, bien avant l’apparition des nouvelles technologies. Par contre celle-ci renouvellent les manières de travailler et inventent de nouvelles formes de sociabilité. Mais ces technologies n’induisent aucune obligation de supprimer les campus, de rester chacun chez soi et de basculer dans des formes d’enseignement uniquement à distance sous la forme de MOOC, comme en rêvent des esprits très libéraux aux Etats-Unis qui aspirent essentiellement à « optimiser » le coût des études. C’est même faire fi de la dimension sociale de l’être humain. Les technologies, de par leur apport technique, nous donnent simplement la possibilité d’imaginer d’autres voies pour étudier et enseigner. Lorsqu’on se trouve dans l’obligation d’étudier à distance, elles facilitent le travail mais elles ne résolvent pas tout. Il est certainement plus facile d’étudier chez soi, aujourd’hui, avec un environnement numérique plutôt qu’hier lorsque les échanges se limitaient à des courriers. Mais elles ne peuvent pas tout et ne peuvent prétendre d’être la solution à toutes les difficultés de l’enseignement. Alors pourquoi vouloir les employer systématiquement lorsque ce n’est pas nécessaire et qu’il existe d’autres voies tout aussi intéressantes ? Pour les étudiants qui peuvent venir sur le campus, elles sont d’un apport précieux, sous leurs formes les plus variées, mais seulement un apport. Le campus n’est pas mort. J’oserais même affirmer qu’elles le revivifient.

Prenons un autre exemple : le fameux système APB de choix des cursus universitaires. Saint Algorithme est censé faire la décision de façon neutre et impartiale. Foutaise ! Aucun algorithme n’est neutre car il existe toujours plusieurs façons de les dérouler et les personnes qui les écrivent font un choix, conscient ou inconscient, mais ce choix est la traduction d’une vision politique et idéologique ou d’une paresse intellectuelle et ne peut pas prétendre être neutre. Je me souviens d’un temps, bien avant l’autonomie des universités, où le Ministère décidait de l’attribution des postes d’enseignants-chercheurs. Chaque université faisait sa demande en classant les disciplines, en fonction de ses priorités. Le Ministère décidait du nombre de postes ouverts nationalement dans chaque domaine de recherche (les sections du CNU) et du nombre de postes attribué à chaque université. Ensuite il faisait tourner son algorithme. Si, dans une discipline, tous les postes étaient déjà attribués, une université se voyait refuser son choix et imposer un autre même s’il était moins prioritaire. Je trainais alors beaucoup au Ministère et j’appris alors que l’ordre d’attribution était l’ordre alphabétique des noms des universités. Je suggérais alors d’employer l’ordre inverse. L’algorithme n’était pas neutre mais plus favorable pour les premières universités dans la liste. Mieux valait s’appeler Angers que Strasbourg !

Tout ceci pour exprimer ma lassitude de faire porter aux technologies et au numérique des responsabilités qui ne relèvent pas de leur technicité. On peut être très innovant en pédagogie, avec ou sans le numérique. On peut également améliorer le quotidien de la vie universitaire ou en faire un cauchemar ou même la détruire.

Il est donc nécessaire que les décisions soient prises avec des personnes qui sont compétentes mais aussi de ne pas s’abriter derrière la compétence pour faire avancer en catimini des visions idéologiques et politiques.

Je n’ose même pas envisager le cas de ceux qui n’ont ni vision ni compétence et il en existe !

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Du bruit dans le Landernau

imagesUne étude récente de France Stratégie fait grand bruit dans le Landernau des MOOC. Si vous n’avez pas le temps ou le désir de le lire en détails ce même organisme y consacre une page fort bien faite. Plusieurs analyses intéressantes sont déjà parues dont celles de Educpros et de ma collègue Divina Frau-Meigs dans la Conversation.

A mon tour, si vous le voulez bien, de donner mon sentiment. Il serait trop long de répondre à tous les points dans un blog. Je me limiterai donc à l’essentiel. J’ai participé au mouvement des MOOC depuis le début, dès 2012 en Europe et aux Etats-Unis en participant aux congrès annuels Educause (le plus grand congrès consacré à l’université numérique), en dialoguant avec les responsables des plateformes les plus importantes (Coursera, EdX et Futurelearn) dans le cadre de mes responsabilités ainsi qu’à la création de FUN et en tant qu’acteur de la mise en place de quelques MOOC.

Pour commencer je trouve les auteurs un peu rudes avec FUN dans la comparaison des plateformes et des cours. Le nombre d’inscrits n’est pas celui que je connais. Il me semble avoir un an de retard et être, fin 2015, de l’ordre du double. D’autre part la comparaison des plateformes me semble biaisée par le fait de la spécificité de FUN : accueillir des MOOC en français. L’EPFL à Lausanne, qui est l’institution Européenne la plus avancée en ce domaine, a fait l’expérience de MOOC en français et en anglais. Le ratio du nombre d’inscrits était de l’ordre de10. Sans même prendre ce résultat au pied de la lettre, FUN n’est donc absolument pas ridicule lorsqu’on le compare à Futurelearn qui ne diffuse que des MOOC en anglais et s’adresse à tout le Commonwealth, en Asie et en Australie. Une autre comparaison peut être faite avec MiriadaX, en Espagne, dont le champ de diffusion est toute l’Amérique du Sud. L’état de développement de nombreux pays francophones n’ouvre pas un champ de recrutement équivalent, pour FUN, sauf dans le Maghreb.

Les établissements français les plus prestigieux n’ont pas fait beaucoup d’efforts envers FUN. C’est hélas vrai et le contre exemple de l’UPMC est malheureusement faux. L’UPMC s’est lourdement engagée, dans le cadre de Sorbonne-Universités, envers EdX et le MOOC qui est paru sur FUN fût une exception. L’UPMC et Sorbonne-Universités ne sont pas membres du GIP qui gère FUN aujourd’hui. Je le regrette profondément. Pour la plupart de nos institutions « les plus prestigieuses » les MOOC sont un vecteur de communication au niveau international. A dire vrai la situation n’est guère différente en Grande-Bretagne. Les universités « les plus prestigieuses » ne se sont guère impliquées dans Futurelearn non plus et s’intéressent plus aux grands diffuseurs américains.

FUN ne se développe donc pas si mal.

Les auteurs souhaitent une initiative Européenne ? Désolé mais cela est mort depuis … 2012 ! Je le réclamais également à cet époque dans les réunions auxquelles je participais à Bruxelles mais il était déjà clair qu’aucun décideur ne le voulait et seul un portail, OpenUpEd, a émergé. Il aurait fallu que nos dirigeants, au plus haut niveau politique, s’y impliquent. Et encore ! Je suis convaincu que cela n’aurait pas réussi. Les Britanniques, poussés par l’Open University, l’auraient certainement refusé, conscients de la portée politique de leur entreprise. Il en est de même en Espagne avec MiriadaX. Les seules initiatives qui ont été financées en Europe sont de petits groupements d’universités, d’abord conçues pour créer des MOOC en commun ou construire des portails d’affichage mais leur dimension n’a rien à voir avec une initiative nationale ou Européenne.

Les auteurs du rapport notent avec justesse que le modèle économique FUN est particulier, en ce sens qu’il est construit uniquement avec de l’argent public et qu’il faudrait le diversifier pour pérenniser la plateforme. J’en suis d’accord car les MOOC coûtent cher et il faut trouver des partenaires qui ne dévoient pas le projet, c’est à dire une plateforme où puissent se retrouver toutes les formes de MOOC et pas seulement les « utiles », c’est à dire ceux destinés à des formations immédiatement professionnalisantes. D’autres, comme OpenClassrooms le font très bien. Il est important que les MOOC de culture générale et les MOOC sur les fondamentaux, sans application professionnelle immédiate, trouvent leur place. FUN, OpenClassrooms et toutes les autres initiatives privées se complètent bien. Où sont les investisseurs privés prêts à parier sur le long terme comme c’est le cas pour Coursera, Futurelearn et MiriadaX. Et quand au modèle EdX, construit avec les fonds de quelques unes des universités les plus riches du monde, il est tout simplement impossible.

Ceci étant dit, trouver un business model pour une plateforme de MOOC n’est pas une évidence. Aucune n’en a encore fait la preuve même avec les certifications. J’y reviendrai plus loin. Futurelearn a un gros déficit, Coursera est de moins en moins Open et, pour mémoire, l’un des pères fondateurs, Sebastian Thrun avec Udacity, a conclu qu’il n’y avait pas de business à faire avec les universités (« University is a lousy business ») et s’est tourné vers la formation permanente. La certification n’a pas encore prouvé qu’elle pouvait générer suffisamment de revenus, même dans le modèle financier des universités américaines, fort éloigné du notre. Pour ceux qui seraient intéressés j’ai écrit récemment, pour un livre, un chapitre sur les modèles financiers des MOOC dont je mets une copie en ligne. Il est en anglais.

L’axe 2 du rapport met en avant la certification comme méthode d’enseignement mixte. Cette section comporte quelques imprécisions. Ni Coursera ni EdX ne développent d’enseignement mixte. Ce sont des universités qui le font, en s’appuyant sur ces diffuseurs, et ceci pour une raison qui n’a pas le moindre sens en France : diminuer le coût des études parce que ce point est le problème politique et économique le plus explosif aux Etats-Unis. C’est l’une des principales raisons du succès de Bernie Sanders dans les primaires parce que la dette totale des étudiants atteint 1 200 000 000 000 $. Comptez bien le nombre de zéros ! Quand à la délivrance, en Europe, d’ECTS par Iversity (pourquoi ne pas citer Centrale Lille avec le MOOC GdP ?), ces ECTS sont, dans l’immédiat, de la monnaie de singe ou presque parce qu’il n’existe aucun mécanisme, à l’échelle Européenne, pour qu’un étudiant puisse intégrer ces ECTS dans son cursus. Ce sont les universités qui décident au cas par cas et il n’existe encore aucun accord global entre institutions.

Remédier à la faiblesse du taux de réussite demanderait d’abord de savoir pourquoi les apprenants ne finissent pas et il n’existe encore, à ma connaissance, aucune étude qui ait interrogé … ceux qui ne finissent pas. Leurs raisons sont certainement très diverses et probablement recoupent celles des étudiants qui abandonnent dans l’enseignement à distance. Personnaliser l’enseignement aiderait certainement. Cela s’appelle alors des SPOC car il est difficile de suivre une grande masse d’étudiants gratuitement. Le meilleur exemple est encore une fois un exemple proche de nous : OpenClassrooms a introduit une certification mais cela à un coût, de 90 € à 300 € par mois selon la personnalisation du suivi. Où trouver le financement, surtout lorsqu’on peut s’inscrire à l’université pour moins de 300 € par an ?

L’axe 3 me semble en dehors de la problématique des MOOC: l’adaptive learning ne relève pas des MOOC mais, comme la classe inversée, d’un enseignement mixte. Le big data et plus précisément les learning analytics sont aussi pensé dans le cadre de la transformation de l’université. Pour faire le point sur toutes les méthodes intéressantes qui sont citées, voyez le rapport de la délégation française à Educause 2015, le plus grand congrès sur l’université numérique, aux Etats Unis. Adaptive learning et Learning analytics sont encore plus un sujet de recherche qu’une méthode de travail généralisable.

Quand à l’axe 4, je pense l’avoir déjà commenté dans le début de ce blog.

La conclusion de ce rapport est très vraie. Les MOOC permettent enfin au numérique d’entrer dans l’Enseignement par la grande porte. Les pionniers ne s’y sont pas trompés qui y ont vu la manière de diffuser massivement une nouvelle approche qu’ils ne réussissaient pas à faire sortir de sa niche. Les Etats-Unis sont déjà à ce stade. Plus personne ne parle de MOOC. Dans le dernier congrès Educause 2015, sur plus de 500 conférences, deux seulement employaient ce mot. L’actualité est aujourd’hui faite de cours en ligne, intégrés à des degrés divers, dans l’enseignement des universités. Les MOOC ne sont plus qu’un sous-produit de ces cours, les universités rendant publique, à des degrés divers, nous l’avons vu, une sélection de leurs cours internes au travers de Coursera et EdX. Ces derniers deviennent les vecteurs de ces transformations menées à l’intérieur des universités. Ajoutons que Coursera vise très clairement la masse des petits collèges, en particulier les community colleges, qu’il verrait bien employer systématiquement les cours de son catalogue. C’est une réalité économique que je n’aimerais pas voir en France.

C’est pourquoi il faut appuyer FUN. La petite équipe, et les universitaires qui y contribuent, font beaucoup et c’est déjà un miracle qu’ils puissent jouer dans la cour des grands avec les moyens dont ils disposent.

Oui à de nouvelles sources de financement mais à la condition de ne pas perdre son âme. Les universités n’ont pas les moyens ni humains ni financiers pour développer une offre massive et elles doivent être aidées.

Oui à la certification mais les universités devront se mettre d’accord pour reconnaître les ECTS ainsi acquises. Et attention à rester toujours cohérent avec notre modèle d’enseignement gratuit.

Oui à la promotion des MOOC dans le cadre de la formation continue mais cela ne réussira pas sans que le problème général de cette formation ne soit sérieusement abordé dans nos institutions. Il conviendrait également de travailler en harmonie avec les acteurs privés qui s’y sont déjà investi.

Oui à tous les efforts vers la francophonie mais pour cela il faudra que tous les acteurs, y compris « les plus prestigieux » jouent le même jeu. Et cela n’aura de valeur que dans le cadre d’une co-construction. La façon d’enseigner, la façon d’apprendre, sont profondément liées à la culture et il faut les respecter. FUN avec l’AUF s’y emploient déjà.

Ce rapport est l’occasion de relancer le débat et il est le bienvenu en ce sens. Mais j’aurais aimé une présentation plus positive de ce qui a été accompli.

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Un champ d’opportunités

imagesDans mon précédent billet je mettais en avant un consortium international de six universités qui réunissent leurs meilleurs MOOC pour offrir à leurs étudiants la possibilité de diversifier leur parcours de formation au sein même de leur institution. Je terminais en me posant la question sur la façon dont nos établissements pourraient agir de même.

Eh bien, un ami vient de me signaler que les obstacles juridiques pourraient être maintenant levés.

La loi numéro 2013-660 du 22 juillet 2013 qui définit les missions du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, spécifiait dans l’article 29, consacré à l’enseignement numérique, que « Les établissements d’enseignement supérieur rendent disponibles, pour les formations dont les méthodes pédagogiques le permettent, leurs enseignements sous forme numérique, dans des conditions déterminées par leur conseil académique ou par l’organe en tenant lieu et conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle. Cette mise à disposition ne peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants sans justification pédagogique. » Autrement dit il était très difficile de substituer un MOOC ou un SPOC à un enseignement présentiel.

La ligne soulignée en italiques vient d’être remplacée, dans la loi votée par l’Assemblée Nationale, chapitre Economie du savoir le 26 janvier, article 20 bis, par : « Cette mise à disposition peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants afin de permettre une formation universitaire à distance et une formation continue destinée à la promotion professionnelle de travailleurs et de demandeurs d’emploi éloignés des villes universitaires. Ces formations permettent la délivrance des diplômes universitaires dans des conditions de validation des acquis définies par décret.»

Autrement dit il devient enfin possible de proposer des enseignements complètement à distance dans le cadre normal des curriculums. Les MOOC, sous toutes leurs formes, peuvent prendre une place, juridiquement légitime, dans tous les cursus de l’enseignement supérieur. Auparavant ils étaient uniquement réservés aux étudiants officiellement inscrits à distance.

Rêvons un peu et imaginons l’ouverture que cela représente !

Les universités pourraient enrichir leur catalogue de formations en proposant des MOOC construits par d’autres, employés en usage privé accompagné (SPOC) ou public (MOOC). Cela permettrait d’intégrer dans les cursus des cours qui n’existent pas localement, à l’attention en particulier aux étudiants les moins fortunés qui ne peuvent pas se permettre d’aller étudier loin de leur domicile. Cela est vrai également lorsque les enseignants qualifiés sont trop nombreux pour pouvoir offrir un module ou lorsque, dans une faculté, le nombre d’étudiants intéressé est trop faible. Des MOOC et un catalogue élargi de formation pourraient être le meilleur moyen pour retenir s étudiants brillants qui veulent ajouter à leur curriculum des enseignements qui n’existent pas localement. Bien sûr cela devra se faire sous le contrôle des autorités universitaires et je suis conscient du fait que certains voudraient bien « rationaliser » l’emploi des personnels enseignants en regroupant des enseignements au sein des académies. Les technologies permettent le meilleur comme le pire. A nous tous de s’en prémunir.

Mais, rêvons un peu plus. Pourquoi ne pas envisager un « e-Erasmus ». Nombreux sont les étudiants, en France comme partout en Europe, qui rêveraient de suivre des enseignements dans un autre pays mais qui n’ont pas la chance de disposer des ressources nécessaires pour partir. L’intégration de MOOC et de SPOC peut pallier partiellement à cette injustice. Là aussi les technologies ont leurs limitations. Des MOOC ne remplaceront pas la chance de pouvoir s’immerger dans une autre culture et de pouvoir partager le quotidien ds jeunes d’autres nationalités. Mais ne refusons pas cette possibilité à ceux qui ne peuvent pas s’offrir le meilleur.

Et puis, pourquoi ne pas construire des formations véritablement Européennes, en puisant à la carte dans les offres de nos partenaires. L’université qui s’ouvrirait ainsi aux autres ne s’appauvrirait pas. Au contraire !

Autour de cette modification de la loi s’ouvrent une infinité d’opportunités. Je suis convaincu que les universités qui sauront rapidement mettre en œuvre celles qui correspondent le mieux à leurs talents, verront leur rayonnement national et international s’élargir : l’union fait la force. Pour cela il faut un peu d’imagination et surtout une volonté politique pour s’ouvrir vers d’autres formes d’enseignement et des formations construites collectivement entre plusieurs institutions. Ceci n’est pas nouveau dans son principe mais s’applique aujourd’hui essentiellement au niveau des masters 2. La perspective ouverte aujourd’hui permet d’envisager des cursus à la demande à partir d’éléments   offerts par toute une communauté d’institutions. Cela va bien au-delà des COMUE : elle est à échelle nationale et internationale.

Les acteurs incontournables de cette évolution sont les institutions d’enseignement mais aussi le diffuseur de ces cours en ligne, FUN en France, parce que ce projet concerne avant tout les universités dont la vocation est d’être ouvertes au monde entier et que FUN est leur propriété et bras armé dans ce domaine.

Au-delà du rêve de pouvoir offrir aux étudiants une formation à partir du meilleur de plusieurs universités, regardons vers l’Europe. Il existe, dans différents pays, des diffuseurs qui jouent un rôle équivalent à celui de FUN : Futurelearn en Grande Bretagne, Iversity en Allemagne, MiriadaX en Espagne et d’autres plus petits. Ces fournisseurs devraient établir des accords pour offrir une base commune à leurs universités. On me rétorquera que OpenupEd, à Bruxelles, offre déjà un portail commun à toute l’Europe mais ce n’est qu’un portail, pas un fournisseur. Une réunion des fournisseurs de MOOC qui ont l’avantage de travailler directement avec les universités et qui les connaissent bien, faciliterait certainement la construction des catalogues nécessaires à ces nouveaux cursus.

Une seule restriction : il faudra que nos étudiants et nos enseignants acceptent des cours dans la lingua franca, c’est à dire l’anglais, pour pouvoir profiter de toute la richesse du génie Européen.

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Toujours les MOOC

imagesParler encore des MOOC alors que dans un bulletin précédent j’expliquais comment le vocable disparaissait aux Etats-Unis ? Cela peut sembler paradoxal. Pourtant ils sont bien vivants même s’ils se cachent sous d’autres noms.

Aux Etats-Unis les MOOC sont d’abord employés en tant que cours en ligne internes aux établissements, autrement dit des SPOC. Les responsables des universités américaines que j’interrogeais, en novembre dernier à Educause 2015, doutaient que les initiatives de quelques universités qui, comme ASU ou Champaign, valident des MOOC particuliers dans leurs cursus, se généralisent. Pour la plupart des universités américaines ceux-ci sont le plus souvent un autre usage d’un cours pensé d’abord à usage interne. Lorsqu’une institution peut s’offrir le développement d’un cours en ligne, son utilisation comme MOOC, ouvert au public, ne coûte pas grand chose et sert de vecteur de communication à bon compte.

J’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’expliquer qu’un MOOC coûte cher et que pour amortir l’investissement il faut les employer pour plusieurs centaines d’étudiants. Si on ne retenait que ce facteur, cela les restreindrait aux premières années universitaires où les effectifs sont importants. Si on prend en compte que ce sont d’excellents produits de communication, la dépense ne relève plus de l’enseignement mais de la communication donc d’une autre ligne du budget.

Bref l’usage massif des MOOC et de leurs avatars, SPOC et autres cours en ligne, est une excellente idée pour changer la pédagogie mais encore faut-il pouvoir se l’offrir. Ce n’est pas avec le budget serré des universités aujourd’hui qu’on peut voir des signes encourageants d’une évolution rapide en ce sens.

Et bien un groupe d’universités, à l’échelle mondiale, est peut-être en train de nous montrer le chemin. Elles ont décidé de mutualiser leurs efforts. Cette annonce nous parvient de Inside Higher Ed ce mois-ci.

TU Delft aux Pays-Bas, ETH Zürich en Suisse, ANU en Australie, Boston U. aux Etats-Unis, University of Queensland et University of British Columbia au Canada ont décidé de mettre leurs efforts en commun et d’intégrer dans leurs cursus les MOOC de leurs partenaires. Les étudiants du consortium pourront donc suivre des MOOC, parmi un ensemble sélectionné de 200 environ aujourd’hui, et porter au crédit de leur formation des ECTS correspondants. Tous les MOOC construits par ces différentes universités ne seront pas forcément retenus par le consortium. Leur qualité, le nombre d’ECTS qu’ils représentent devront être agréés par tous.

C’est probablement la nouvelle la plus importante, dans le monde des MOOC, de ces derniers mois, voire plus :

  • Des MOOC sont intégrés dans des cursus sous leur forme publique. Je veux dire qu’ils ne sont pas repris en interne avec accompagnement sous forme de SPOC mais offerts tels quels, comme ils sont ouverts à tous. Certes quelques universités américaines emploient déjà des MOOC pour attirer de nouveaux étudiants, comme je l’ai mentionné au début de ce billet, mais c’est la première fois que l’offre est ouverte à une grande variété d’enseignements dans le cadre de cursus normaux et non dans un vision de recrutement de nouveaux étudiants.
  • Une mutualisation se met en place à une échelle internationale et cela conduira probablement à une forme d’internationalisation des diplômes.
  • Et, point le plus important, les universités restent maitres du jeu en construisant en commun leur catalogue à partir de leurs propres produits. En se regroupant elles sont capables d’offrir des enseignements diversifiés de qualité et les MOOC deviennent une façon comme une autre pour acquérir des éléments d’un diplôme. Ils se banalisent.

La vision ultralibérale du début où certains percevaient les MOOC comme un moyen de diminuer les coûts de main d’œuvre dans les pays les plus développés a failli depuis longtemps. D’autres aujourd’hui (voir l’article de Campus Technology) imaginent la fin des universités telles que nous les connaissons et voient à leur place des nanodegrés et diverses formes d’acquisition de compétences ramassées à droite et à gauche, exposées sur LinkedIn, en lieu et forme des diplômes certifiés par les institutions reconnues par l’Etat.

La nouvelle d’aujourd’hui est une très bonne nouvelle en ce sens qu’elle montre qu’il est possible d’allier une ouverture vers d’autres universités et que de nouvelles formes d’apprentissage peuvent s’imaginer en conservant les garanties de qualité que seules les institutions spécialisées agrées que sont les Ecoles et Universités peuvent fournir.

Les MOOC seraient ils une des voies de sauvegarde de nos universités ?

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