Je me souviens, lorsque j’étais étudiant, d’avoir suivi des cours de philosophie dans une « université populaire ». Cela existe depuis le début du 20ème siècle et continue encore puisque le philosophe Michel Onfray en anime une, avec succès, à Caen.
Chaque semaine je me déplaçais dans un local modeste, juste équipé de bancs et de tables et un professeur de philosophie de lycée abordait des thèmes autour de philosophes modernes, autres que ceux enseignés dans les lycées. Il était possible d’acquérir des livres pour compléter ses notes.
Les MOOCs sont-ils l’université populaire d’aujourd’hui ?
La possibilité d’atteindre des milliers de personnes, de réunir des citoyens du monde entier autour d’un enseignant motivé laisserait penser que oui mais lorsqu’on analyse la distribution des inscrits à un MOOC la réponse est beaucoup plus nuancée. En majorité, et quelle que soit la discipline, il s’agit d’hommes, entre 25 et 35 ans (étrangement les statistiques de la plateforme française FUN montrent une population un peu plus âgée) bien éduqués, BAC + 3, et bien insérés dans leur vie professionnelle. Même si certains cours, parmi les plus populaires, comme « gestion de projet » de Rémy Bachelet à Centrale Lille ou « du manager au leader » du CNAM » sont souvent suivis avec une intention de s’améliorer dans son métier, ce n’est pas vrai pour tous : des cours de philosophie et d’histoire, de l’université Paris X, ont rencontré un grand succès, beaucoup plus que d’autres à finalité clairement professionnelle.
Les MOOCs peuvent donc être, du moins pour une fraction de la population, une université populaire. Par contre il est évident qu’ils n’ont pas atteint le public le plus large que ses premiers promoteurs, parmi les plus généreux, espéraient. Les étudiants, les personnes plus modestes qui n’ont pas poursuivi d’études supérieures, qui ignoraient l’université, ne les ont pas rejoints.
Je pense, sans pouvoir le certifier, que l’origine sociale des participants aux universités populaires, est plus large même si le nombre de personnes atteintes est ridicule comparé au moindre MOOC.
Christine Vaufrey, dans son billet « Les MOOCs, instruments de domination sociale ? » publié le 26 août dans Educpros, apporte une partie de la réponse. Probablement ceux, qui se sentent écartés de l’université, pensent-ils que ce label et les diplômes des professeurs font que cet enseignement n’est pas pour eux. Le prestige du professeur n’y fait rien, au contraire peut-être : l’enseignement dispensé par un prix Nobel peut effrayer les plus modestes.
Christine Vaufrey mentionne d’autres raisons, tout aussi valables. Je vous renvoie à ce papier et j’en ajouterai une : il n’est pas évident, même pour certains étudiants, qu’un enseignement purement à distance au travers de moyens numériques soit vraiment attractif. Le plus grand nombre de personnes n’est pas encore suffisamment converti à ce moyen et recherche le face à face. J’y reviendrai lorsque j’aborderai ma vision de l’amphithéâtre.
Comme elle, je m’insurge sur le fait que cette domination soit volontaire. L’immense majorité des professeurs qui mettent en place des MOOCs a vraiment le désir de servir le plus grand nombre. Ils prennent beaucoup sur leur temps personnel pour construire leurs cours, ils sont fiers de la diversité des publics qu’ils peuvent atteindre.
Peut-être ne savent-ils pas se mettre au niveau du public visé, trouver la manière de présenter leur problématique, de résoudre la difficulté de l’absence de prérequis donc de la diversité des niveaux des personnes inscrites. La pédagogie est balbutiante et je ne doute pas qu’ils apprendront. Ils emploieront de nouvelles technologies, existantes ou à venir et je suis convaincu qu’ils y arriveront. Ils sont très bridés par les possibilités réduites des plateformes aujourd’hui et font l’apprentissage de ces nouvelles méthodes d’enseignement.
Chaque MOOC est un apprentissage, tout autant pour les enseignants que pour les participants. On y réinvente une pédagogie adaptée aux outils de socialisation qui se mettent en place, il faudra construire des parcours dynamiques innovants et des présentations différentes en fonction des profils individuels. Il sera peut-être nécessaire de faire appel, en sus des enseignants, à l’équivalent de metteurs en scène.
Nous n’en sommes qu’au début et il faut laisser faire le temps et permettre aux pionniers de continuer à innover : les MOOCs de demain auront beaucoup évolué. xMOOC, cMOOC, SPOOC, SOOC et tous les qualificatifs qui surgissent aujourd’hui pour tenter de différentier les approches, montrent bien qu’une dynamique est en mouvement.
Oui, les MOOCs sont une part de l’éducation populaire de demain, pour nous comme pour les pays moins développés dont c’est l’unique chance de s’approprier leur éducation et de faire avancer les jeunes qui ne demandent qu’à apprendre.