Il y a deux ans, je participais à Educause, la grande conférence américaine sur les technologies dans l’Enseignement Supérieur – 6000 participants, une dizaine de sessions en parallèle et une exposition commerciale digne de la foire de Paris ; tout le monde se précipitait pour écouter Daphne Koller exposer sa vision et les premiers résultats de Coursera. La salle était pleine à craquer (je doute que ce thème amène une audience aussi large cette année, je vous le dirai à mon retour dans deux semaines), très attentive et suspendue aux lèvres de l’orateur.
La seule déception, me semble-t-il, fût lorsqu‘elle aborda le taux de réussite : 5 à 15%, dans le meilleur des cas. Je dois dire que je fus parmi les déçus et le restais un certain temps avant de réaliser que comparer le taux de réussite d’un MOOC à celui d’un examen classique, c’était comme comparer des pommes et des poires. Or mes professeurs m’ont toujours appris que des opérations ne pouvaient porter que sur des objets de la même espèce !
Reprenons l’acronyme : il contient Open, ce qui veut dire que le cours est ouvert à tous, sans restriction c’est-à-dire, entre autre, sans contrôle de niveau préalable.
C’est un vieux problème que nous connaissons bien dans les universités françaises. On nous reproche un taux d’échec énorme, comparé aux grandes écoles et aux IUT. Mais, justement, l’énorme différence est que la sélection à l’entrée de ces parcours établit un préalable : l’assurance que les étudiants possèdent un certain niveau, relativement homogène de surcroit, et une motivation certaine. Il en est de même pour certains lycées dont la réussite au bac frise les 100%. Ce qui est souvent oublié est le processus de choix des élèves qui a opéré en amont.
Je me souviens aussi, lorsque jeune professeur, je me retrouvais dans un amphi de rentrée, en face de 150 étudiants. Quelques rapides exercices exposés au tableau que je leur demandais de résoudre individuellement, m’apprirent rapidement que j’étais devant un problème que je ne savais résoudre : la dispersion des niveaux était telle que je ne voyais pas comment délivrer un enseignement commun.
Alors les MOOC ? On aura beau faire et exposer, dans le syllabus et le teaser, les prérequis nécessaires, cela n’empêchera jamais de nombreux enthousiastes de pécher par optimiste : ils surévaluent leur niveau ou ignorent tout simplement l’existence de ces avertissements. Il se peut aussi qu’ils pèchent par optimiste en croyant pouvoir dégager le temps nécessaire à l’étude qui peut être fort variable en fonction de ces préalables.
Donc, il est normal que le taux de réussite à un MOOC soit bas et ce n’est pas la démonstration de son inefficacité.
On peut encore ajouter beaucoup d’autres arguments pour expliquer ces résultats.
Qui a dit que tous les « mouqueurs » étaient intéressés par une attestation dont la valeur, le plus souvent, n’a pas grande signification ?
Nombreux sont ceux qui entrent dans un MOOC parce qu’ils sont intéressés par certains points seulement puis le quittent lorsqu’ils ont obtenus l’information qu’ils recherchaient. Ils peuvent également le parcourir comme cela leur convient : les premières études statistiques montrent qu’il existe une infinité de façons de « déguster » son MOOC. Certains ne regardent que les vidéos et ne s’intéressent pas aux exercices et devoirs, d’autres au contraire sautent sur ces derniers et, lorsqu’ils pensent avoir réussi, au contraire, ignorent les vidéos. D’autres encore font leur marché et picorent à droite et à gauche. Je ne mentionne même pas les touristes, les « lurkers », qui passent pour voir. Annoncer un maximum d’inscrits flatte toujours l’ego du professeur mais ce nombre serait beaucoup plus bas si on enlevait ces passagers. Cela remonterait aussi le taux de réussite final !
En bref nous ne savons pas ce que signifient les taux de réussite mesurés. Il existe des études pour décrire le comportement des étudiants des MOOC mais on ne les a pas encore interrogés, à ma connaissance, sur les façons dont ils les consomment (j’emploie ce vocabulaire volontairement). Les sociologues vont s’y pencher très vite, je l’espère, mais ces études ne sont pas simples parce que les étudiants sont dispersés dans le monde entier – c’est une caractéristique de base des MOOC – et qu’on peut imaginer qu’un participant « à temps partiel » n’est souvent pas motivé pour répondre à une telle enquête.
Comprendre les comportements des étudiants et la signification du taux de réussite des MOOC est un domaine de recherche primordial pour pouvoir comprendre à quoi sert un MOOC et comment en mesurer sa réussite.