Mon voyage aux Etats-Unis alimentera ce blog pendant de nombreuses semaines tant il y a à réfléchir (je n’ai pas dit à imiter) sur ce qui se passe de l’autre coté de l’Atlantique.
Educause est une énorme conférence : plus de 6000 participants se réunissent pendant deux jours ½ pour échanger sur tous les sujets de l’université numérique. Le programme présente environ 280 conférences et posters. Si l’on filtre avec le mot MOOC, dans le titre ou le résumé, ce nombre tombe à … 9 ! Sur les dernières hype curves du Gartner il semble même disparaitre. Alors, faut-il annoncer la fin, faut-il clamer « Le MOOC est mort ! » ?
Est-ce bien sûr ?
Cecilia de Oliveira, directrice du Digital Learning au MIT, quelques jours auparavant nous expliquait sa stratégie : « transformer de nombreux cours en MOOC ». A première vue, pour l’auditeur que je suis, cela semblait étrange : alors que le MIT a certainement un des meilleurs taux d’encadrement du monde, pourquoi voudrait-il massifier ses enseignements ? Ce n’était pas une question de langue, je parle l’anglais assez bien. Puis j’ai compris que mon incompréhension était une question de vocabulaire. Plus exactement le MIT transforme ses enseignements en enseignement en ligne et sa politique est de les hybrider, c’est à dire de proposer des cours, partiellement à distance avec tutorat régulier en face à face, et pour l’autre part complètement sur le campus comme cela s’est toujours fait. Cecilia de Oliveira nous parlait de SPOC mais maniait un vocabulaire indifférencié pour évoquer l’enseignement en ligne.
La première étape, toujours en cours, consiste en une réorganisation des enseignements en modules plus courts, correspondant mieux à la structure des MOOCs, dont la durée est rarement de plus de six semaines, alors qu’un module classique s’étend, comme chez nous, sur un semestre. Il y avait 600 modules environ, il en existe aujourd’hui 851 et ce n’est pas fini. Le but de cette opération est de pouvoir décider alors facilement des enseignements qui seront transformés en « MOOC » à l’attention des étudiants régulièrement inscrits à l’université. Ce sont donc en réalité des SPOCs. Le MIT a une capacité de production de quatre MOOCs en parallèle et met la priorité sur les enseignements de première année. Ils sont joués sur la plateforme Open EdX interne et certains de ces SPOCs sont offerts au monde extérieur sur EdX. C’est facile, cela ne demande qu’un export-import et l’emploi de quelques tuteurs et les mêmes enseignements deviennent de « vrais » MOOCs. Aujourd’hui le MIT a construit 54 MOOCs (des vrais), 34 seront offerts cet automne dont 20 rejoués de l’année précédente mais cela ne représente que la partie publique de leur production de cours en ligne.
On notera que la première influence des MOOCs a été de restructurer les enseignements en modules plus courts et de faire disparaître la notion de semestre. Il faut s’attendre à la même évolution en Europe. Bientôt des enseignements seront offerts sous forme de blocs plus courts et le rythme ne sera plus basé sur le semestre. Un casse-tête pour les systèmes d’information étudiants et les inscriptions (que les américains ont parfaitement résolus) mais une plus grande souplesse pour les étudiants pour organiser leurs études et tenir compte, notamment pour ceux qui travaillent, de leurs impératifs personnels.
Pour revenir à Educause, si l’on filtre le programme en employant les mots clés « online Learning » on dépasse alors les 70 réponses, ce qui représente 25% des présentations dans une conférence qui envisage tous les aspects de l’université digitale. Ce n’est pas mal du tout !
De fait les terme « MOOC » et « enseignement en ligne » (online learning) sont devenus synonymes et les américains, le plus souvent, utilisent indifféremment les deux expressions.
Le développement de l’enseignement en ligne est impressionnant. Toutes les universités, des plus grandes aux plus petites, commencent à en offrir mais ce ne sont plus les enseignements ouverts à tous, gratuits, sans pré requis de niveau, des pionniers du MOOC qui voulaient atteindre le monde entier, mais des cours réservés aux étudiants dument inscrits dans les institutions avec les vérifications de niveau habituelles. Seules quelques universités, comme le MIT, 10% semble-t-il, continuent à développer des cours ouverts. Leurs motivations sont multiples : volonté de disséminer la connaissance, communication…
Cela modifie le business model que des entreprises, comme Coursera, recherchent. Rappelons au passage que Sebastian Thrun, fondateur de Udacity, a complètement abandonné le domaine de l’Enseignement Supérieur et s’est tourné vers la formation professionnelle, en relation avec les entreprises.
Une visite à UFC (University of Central Florida) confirme complètement ce point de vue. Cette université est l’un des leaders américains de l’enseignement en ligne, et ses responsables, comme à Boston, emploient le terme MOOC pour le décrire. Ils évoquent même une forme avancée : l’enseignement adapté (adaptative Learning). Des groupes de niveaux se forment et chacun avance à son rythme. Les « Learning analytics » – nous reviendrons dans un autre billet sur ce point qui est un sujet très chaud – permettent de suivre la progression des apprenants et les enseignants peuvent réagir immédiatement lorsque des étudiants se trouvent en difficulté.
UFC n’a pas, à ma connaissance de « vrais » MOOCs, ou, du moins, n’en parle absolument pas. Ils produisent néanmoins une centaine de cours en ligne par an !
Alors le MOOC est-il mort ? Certainement pas. Le mouvement vers l’enseignement en ligne est impressionnant. La structure des universités nord-américaines où la notion de diplôme national n’existe pas, leur donne une grande facilité pour faire évoluer leurs diplômes et les conditions d’acquisition. Elles possèdent les moyens financiers pour mettre en place de nouvelles stratégies, lorsqu’elles l’estiment utile pour leur business. L’enseignement en ligne est une façon d’attirer de nouveaux étudiants sans devoir construire de nouveaux bâtiments ni de nouveaux logements pour les accueillir. Les frais supplémentaires initiaux (personnel et équipement multimédia, ingénieurs pédagogiques,) sont intégrés dans le coût des inscriptions. Le MIT peut le supporter, UFC augmente les droits d’inscription des cours en ligne de 54$ pour 3h de cours pour financer les équipements et personnels nécessaires. Ces droits diminueront lorsqu’ils auront amortis leurs frais en rejouant plusieurs fois le même cours.
Les MOOCs ont donc donné l’impulsion pour développer l’enseignement en ligne.
Non le MOOC n’est pas mort. Il vit toujours et s’enrichit. Ses formes se diversifient et le terme commence à recouvrir toutes les facettes à venir de l’enseignement numérique en ligne.
Vive le MOOC !
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« La première étape, toujours en cours, consiste en une réorganisation des enseignements en modules plus courts » (…) des « MOOC rejoués »
Donc des MOOC « long métrage » et des MOOC « court métrage » ?
ou des « short MOOC » ?
« Des short MOOCs en réseau pour la formation professionnelle » sur Le Cercle Les Echos
Je suis convaincu que les MOOC auront deux effets : restructurer les modules d’enseignement en modules plus courts chaque fois qu’on envisagera de les transformer en enseignement mixte, partie en ligne, partie en présence. C’est ce que fait déjà le MIT.
Le deuxième effet pourrait être de briser le temps universitaire (premier semestre – deuxième semestre) en une chronologie continue tout au long de l’année, en fonction du temps des nouveaux modules, comme cela se fait pour les MOOC qui commencent et se terminent à différents moments. Mais cela n’est pas encore d’actualité et pose de gros problèmes au niveau du suivi de la scolarité.
oui, mais c’est bête: renfermer le cours pour son usage en interne va le faire s’assimiler encore plus avec les cours (les méthodes pédagogiques) traditionnels.
Enfermer le cours n’est pas obligatoire : certains sont réservés aux étudiants de l’université avec accompagnement personnalisé à distance et en face à face. Les conditions d’inscription sont celles habituelles (réussite préalable à d’autres cours…) et un diplôme est délivré à la fin. Certains de ces cours peuvent être ouverts à tous : ils deviennent des MOOC, tous peuvent s’inscrire quelque soit leurs connaissances préalables, l’accompagnement n’est plus personnalisé en face à face.
C’est la politique qu’applique le MIT, par exemple. Tous les cours en ligne ne deviennent pas des MOOC. Certains seulement selon des critères de sélection à préciser.
Bonjour,
Très intéressante analyse.
J’aurais tendance à dire que c’est la bonne optique, moi qui exprime souvent le contraire ! Mais les contraires ne se rejoignent-il pas parfois dans la circularité ?
Et donc, oui, si MOOC est synonyme de FOAD, et que l’on ne jette pas l’eau du bébé MOOC avec le bain FOAD, pourquoi pas, au moins beaucoup de monde s’y intéressera !
Un risque toutefois, que le mot, même s’il ne contient pas l’idée ni ne la reflète, ne l’induise pas au moins un peu…
A suivre…
Merci,
JYJ