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A vos bons souhaits

IMG_0346 copieL’année se termine, une nouvelle toute fraiche arrive, la vague des MOOC est passée. Il est temps de se retourner sur deux années qui ont profondément remué la façon d’enseigner et d’apprendre… et ce n’est pas fini !

Répétons le encore : les MOOC ne sont pas une technologie mais des façons d’acquérir des connaissances en utilisant des technologies.

Je n’en veux pour preuve que le dernier numéro de Campus Technology où l’éditeur Rhea Kelly consacre un article au changement qu’introduit Columbia University dans l’enseignement magistral : l’introduction de la pédagogie inversée dans l’amphithéâtre. Les étudiants doivent apprendre les éléments de leur cours à l’avance mais, grand changement, au lieu de livres ou de e-books, ils doivent regarder des vidéos, lire quelques documents, répondre à des quizz semaine après semaine ; le support : la plateforme d’enseignement de l’université. Cela ne vous rappelle rien ?

Pour animer le cours magistral, qui vient ensuite, les enseignants ont introduit un système de vote instantané. Cela ne vous rappelle rien, non plus ? Plusieurs universités en France l’ont déjà fait depuis plusieurs années, à commencer par la mienne où les physiciens ont même étudié de très près l’impact sur l’apprentissage.

La principale difficulté, que les enseignants rencontrèrent, a été de faire travailler, à certains temps, les étudiants en petits groupes : difficile dans un amphithéâtre classique de se regrouper pour échanger avec ses voisins ! Comme quoi la révolution n’est pas simplement numérique mais aussi architecturale comme je l’expliquais dans mon billet du 23 novembre.

Et voici résumé un impact magnifique des MOOC : la classe inversée ne se limite pas à l’enseignement numérique et tout ce processus peut s’imaginer avec fort peu de technologie. Les vidéos pimentent l’apprentissage mais ne sont, après tout, qu’une forme parmi d’autres de transmission des connaissances. Le vote instantané peut même s’envisager avec fort peu de technologie comme l’a expérimenté l’université René-Descartes avec des feuilles imprimées avec quatre carrés de couleur différente et une analyse au moyen d’un simple smartphone.

Tout ce discours pour expliquer que le principal apport du phénomène MOOC dans l’enseignement supérieur (nous aborderons une autre fois leur impact dans les autres champs : éducation primaire et secondaire, formation continue, éducation populaire…) est d’avoir fait bouger les lignes et d’obliger à réfléchir à d’autres façons d’apprendre et d’enseigner. Il est d’ailleurs amusant de s’apercevoir que les principaux opposants aux MOOC et à l’enseignement numérique en France, je pense à certains regroupés derrière un nom prestigieux, ne se sont absolument pas intéressés à cette dimension d’appropriation de nouvelles façons d’apprendre. Ils n’y ont vu que des moyens, pour diminuer les moyens financiers des universités, voire réduire le personnel. Ceci n’a aucun sens quand on connaît le coût de développement d’un MOOC ou d’un SPOC. Aucune université en France, très peu en Europe, n’a les moyens de basculer ses cours car aucune ne peut supporter l’intégralité des coûts de développement. Il est indispensable de se regrouper et de mutualiser ses créations. FUN-MOOC et d’autres acteurs seront incontournables dans ce changement. Ceci est vrai aujourd’hui et le sera encore plus demain avec des outils d’apprentissage adaptatifs intelligents qui créeront dynamiquement des parcours de connaissance individuels. Leur construction sera si sophistiquée qu’il faudra assembler des équipes importantes et les coûts exploseront. La forme d’enseignement la moins chère, pour un pays comme le notre, serait encore de construire de grands amphithéâtres : 1000 ou 2000 étudiants en face d’un professeur. Pas besoin non plus de construire des réseaux informatiques internes ni d’acheter du matériel informatique !

Ceux qui s’opposent au numérique aujourd’hui devraient réfléchir aux phénomènes sociétaux sous-jacents et au fait, contrairement à ce qu’ils prétendent, qu’ils sont les défenseurs d’un ordre ancien. Se scandaliser des dépenses faites pour équiper un amphithéâtre avec des boitiers cliqueurs, comme l’ont fait récemment certains, dans un tract dans mon université, n’est probablement pas la meilleure façon d’envisager l’avenir pour nos étudiants.

Mes meilleurs souhaits aux MOOC pour l’année 2015, non pour ce qu’ils sont, mais pour la dynamique qu’ils introduisent dans la mission passionnante qu’est pour nous l’enseignement.

 

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Les rumeurs sont très exagérées…

imagesSilencieux quelques semaines, pour des raisons extérieures, j’ai cependant contemplé, avec ravissement, le paysage changeant de l’enseignement en ligne, à Paris, au Maroc ou à Bruxelles. Il se passe toujours quelque chose au pays des MOOC !

L’interview récente de Daphné Koller dans Educpros montre que même le leader incontesté, Coursera, cherche son chemin et réoriente son modèle économique. Plus question, en particulier, de remplacer les universités ni d’entrer en concurrence avec les diplômes officiels. Les MOOC ont néanmoins leur place, en particulier dans la formation continue. Ces déclarations, par une personne extrêmement qualifiée, qui a magistralement réussi à développer une nouvelle approche de l’enseignement, mérite qu’on s’y intéresse parce qu’après une période de folie, « inflated expectations » selon la hype curve du Gartner, on revient à une vision plus réaliste où anciennes et nouvelles méthodes peuvent coexister de façon complémentaire.

Réfléchissons ensemble à la nature de l’objet MOOC.

J’affirme qu’un MOOC est un moyen d’acquérir de la connaissance. Ce n’est pas une technologie mais l’usage d’un bouquet de technologies déjà matures à des fins pédagogiques. Ce bouquet s’enrichira, au fil des années, de nouvelles approches encore à inventer ou en développement, mariant technologie et pédagogie. Il n’est pas fermé. Il me semble donc normal qu’il ne suive pas la hype curve que je citais précédemment et même en disparaisse sans pour autant cesser d’exister.

Faisons le point sur le contenu de ce bouquet :

  • Un MOOC est d’abord une approche pédagogique : la classe inversée. Ce concept n’est pas nouveau. Il existait déjà auparavant, notamment pour transformer les cours en amphithéâtre. C’est même un principe de base de l’université américaine. Les étudiants doivent lire des chapitres de leur livre chaque semaine, résoudre des exercices et le cours magistral est censé être plus une discussion, un échange sur les points critiques et des éclaircissements. Cela n’a pas si bien marché pour qu’on le présente comme un élément novateur de l’approche MOOC. Question : pourquoi les étudiants qui ont un peu trainé les pieds par le passé devraient-ils être soudain enthousiastes de cette approche sous prétexte qu’on la présente aujourd’hui bardée de technologies ? Il y a là un vrai challenge, notamment pour les SPOC, ces cours en ligne des universités qui remplacent l’amphithéâtre. Un bon signe : cela marche plutôt bien en 1ère année de médecine à Grenoble, depuis 2007, mais les étudiants sont très motivés. L’EPFL est plus prudente, pas convaincue qu’elle pourra aller au bout de cette démarche dans son enseignement de 1ère année. Disons qu’il y a des signes encourageants, que les universités qui emploient un enseignement mixte avec des SPOC ont plutôt de bons résultats mais cela restera à vérifier, notamment si on veut employer cette approche pour les grandes cohortes de 1ère année d’université. De toute façon, tous sont unanimes. Cela ne modifie pas beaucoup le taux de réussite mais ceux qui réussissent ont de meilleurs notes. C’est déjà un résultat très positif.
  • Un MOOC, du moins un xMOOC, nécessite une plateforme pédagogique (un LMS). Celles-ci existent depuis le début des années 2000 mais il est vrai qu’elles ont été essentiellement employées pour la distribution de documents et les communications avec les étudiants. Une différence essentielle des nouvelles plateformes, conçues pour les MOOC, est qu’elles obligent à construire un parcours pédagogique. C’est là leur grande nouveauté (outre leur tenue en charge) et donc un grand espoir de mieux employer ces outils logiciels qui existent maintenant partout.
  • Les MOOC profitent de l’augmentation du débit des réseaux pour permettre un emploi abondant de la vidéo. Mais la révolution des MOOC va plus loin : comme le souligne D. Koller, elle oblige maintenant à scénariser ces vidéos. En lieu et place des vidéos d’une à deux heures, utiles essentiellement aux étudiants qui ont suivi un cours pour retrouver un point particulier qu’ils n’avaient pas compris, on délivre aujourd’hui de petites vidéos courtes – les Québécois emploient le joli mot de capsules – scénarisées et attractives. C’est là un immense progrès.
  • Les MOOC emploient les outils sociaux du Web 2.0. Là, n’exagérons pas : ils emploient des forums peu différents de ceux qui existaient déjà dans les plateformes d’enseignement. Ceux-ci avaient peu de succès et tous se plaignaient du mutisme des étudiants qui préféraient Facebook ou tout autre plateforme extérieure à l’université. Seule exception, l’enseignement en ligne où les étudiants recourent abondamment, depuis longtemps, à cet outil. On comprend donc, par analogie, pourquoi cela fonctionne bien avec les MOOC : tout le monde est à distance. En sera-t-il toujours de même avec les SPOC. Probablement si les professeurs s’investissent et jouent vraiment un rôle de community manager parce que Facebook and co. ont banalisé les discussions en ligne. Ajoutons que tenir compte de la présence dans les forums dans l’examen final serait également un encouragement.
  • Pour les universités, l’acquisition d’information sur le travail des étudiants, les fameuses « Learning Analytics » et la construction de tableaux de bord dynamiques pour alerter les enseignants et leurs étudiants sur la progression de ces derniers peut permettre d’agir à temps en cas de décrochage. C’est là, certainement, la meilleure arme pour lutter contre l’échec.

De fait l’innovation des MOOC tient plus au public auquel ils s’adressent, c’est à dire tout le monde, sur n’importe quel sujet et pas uniquement les thématiques académiques. Elle tient aussi à la possibilité de pouvoir apprendre en dehors de toute contrainte de discipline, de temps universitaire et de lieu. Que ce soit par curiosité personnelle ou désir d’acquérir des connaissances au-delà de son occupation professionnelle la certification a peu d’importance, en dehors de l’envie légitime de montrer ou de se montrer qu’on a été au bout.

Et que dire des cMOOC qui s’apparentent plus, selon moi, à la construction de communautés de connaissances qu’à des cours. Les cMOOC sont la vraie révolution des MOOC, en ce sens, qu’ils ne visent pas à moderniser ou remplacer des formes traditionnelles d’apprentissage mais en inventent d’autres. Mais on n’apprend pas tout de cette manière. Les cMOOC ne délégitiment pas l’approche traditionnelle des xMOOC. Ils la complètent.

Pour la formation continue, le modèle serait plutôt celui du SPOC et c’est là que la certification prend de l’importance. C’est là, selon D. Koller, que les MOOC peuvent s’autofinancer.

« Les rumeurs concernant ma mort sont très exagérées! » (« Reports of my death are greatly exagerated. ») pourraient déclarer les MOOC en plagiant Mark Twain.

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