MOOC, FUN : les raisons d’un succès

imagesJ’ai eu le plaisir d’être invité à la cérémonie d’ouverture, à la Sorbonne, du hackaton FUN où des développeurs se sont retrouvés le week-end dernier, dans différentes villes, pour travailler ensemble sur le futur de la plateforme. Le hasard a fait que cette cérémonie se déroulait pratiquement deux ans après la première réunion qui devait aboutir à la création de FUN. J’ai eu la chance de faire partie de ceux qui ont lancé ce projet un peu fou et je voudrais évoquer ici le chemin que nous avons parcouru et pour quoi cela, de mon point de vue, a réussi.

Lorsque nous nous sommes retrouvés, début juin2013, sous les toits du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, la situation était un peu étrange. La Ministre avait décidé d’une politique volontariste et ambitieuse pour le numérique et nommé rapidement une responsable, Catherine Mongenet. Aucune structure n’était définie, le mouvement se lançait d’en haut par la volonté ministérielle et, pour moi, qui ait hanté le Ministère depuis de nombreuses années, j’étais stupéfait de voir un projet ambitieux démarrer sans qu’on comprenne bien quelle partie de l’administration allait en prendre la responsabilité, les moyens qui allaient être mis à disposition… On travaillait en relation directe avec le cabinet dont certains membres participaient à nos réunions.

Du point de vue technique la situation n’était pas moins singulière. EdX venait de libérer son code mais nous n’avions absolument pas le temps de l’analyser ni de le tester en vraie grandeur avec des cours. La ministre avait fixé la barre très haute : octobre pour l’annonce de l’ouverture des cours. Nous avions quatre mois devant nous, période de vacances incluses. Le choix de Open EdX s’est beaucoup fait par intuition. Nous avions seulement la preuve que cette plateforme d’enseignement était capable de tenir la charge de nombreux étudiants, ce qui n’est pas le cas des plateformes que nous connaissions, Moodle, Saka ou Claroline. Nous voulions l’Open Source car c’est la seule garantie de pouvoir participer à l’évolution du produit et Open EdX avait le support de Harvard et du MIT. Ceci nous permettait d’espérer que nous faisions le choix d’une solution dont la pérennité était assurée le temps de stabiliser le projet. Il restait beaucoup à faire dont la francisation. Cela est beaucoup moins simple qu’on ne le pense en général car le code, comme c’est souvent le cas, n’avait pas été pensé pour l’internationalisation et il ne suffisait pas de partir à la recherche de séquences de mots en américain dans toutes les sources et de les remplacer par leur traduction.

Aux alentours du 10 juin, la décision était prise, les premières équipes mises en place. L’INRIA a fourni le gros des développeurs, le CINES s’est chargé de la mise en place et du fonctionnement des serveurs, RENATER du réseau et le Ministère avait débloqué à une vitesse hallucinante les fonds nécessaires pour faire intervenir des sociétés de service. Leurs ingénieurs se sont lancés dans ce travail avec un enthousiasme que je n’avais jamais rencontré les nombreuses fois où, dans mes responsabilités, j’ai du travailler avec ces sociétés. Des volontaires (ils sont trop nombreux pour que je les cite. J’aurais peur d’en oublier) se sont mis au travail pour préparer tout l’environnement et les documents nécessaires. Des réunions en face à face et par visioconférence les ont réunis tout l’été. Parallèlement les enseignants et les ingénieurs des universités, volontaires pour les premiers MOOC, ont commencé à travailler …   sans plateforme puisqu’elle n’était pas encore installée !

En octobre la première version de OpenEdX français commençait à fonctionner et les universités commençaient à y installer leurs documents alors que le logiciel n’était pas encore stabilisé et que les versions se succédaient à grand rythme. Imaginez l’inconfort que les uns et les autres pouvaient vivre : les développeurs craignaient de perturber les enseignants et ces derniers subissaient un fonctionnement parfois hiératique.

Et décembre arriva, tout se mit en place et les cours purent ouvrir début janvier.

J’ai eu depuis le plaisir de voir Catherine Mongenet présenter FUN dans différents congrès Européens. J’ai ressentis avec fierté leur admiration et leur respect pour la vitesse à laquelle ce projet était devenu une réalité. FUN existe aujourd’hui. Il reste à finaliser sa structure de fonctionnement, à assurer sa pérennité avec un financement correct mais nous pouvons tous être fiers du travail accompli, les développeurs, les équipes universitaires et tous les étudiants qui ont fait confiance à cette initiative.

Les raisons de cette réussite sont multiples. D’abord une décision au plus haut niveau pilotée en dehors des circuits traditionnels de l’administration. Je suis intimement persuadé que FUN n’aurait pas vu le jour aujourd’hui où il n’existe plus de ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. La seconde raison, liée à la première, est la mise en place d’une équipe compétente et relativement autonome par rapport aux circuits administratifs et de la lenteur que leur impose les règles et coutumes. La troisième raison est que les responsables ont su s’entourer de volontaires venus du terrain et leur donner leur part d’initiatives.

Aujourd’hui FUN est une plateforme reconnue dans le monde entier, plus de 100 cours et 140 MOOC, 850 000 inscrits avec des apprenants dans tous les champs des disciplines universitaires, ce qui n’est pas mal par rapport aux plateformes de langue anglaise puisqu’il semble qu’il faille compter un rapport 10 entre le nombre d’apprenants anglophones et francophones. Si on ajoute les initiatives privées la France n’est pas en retard.

Open EdX est maintenant officiellement employé dans 120 sites différents, dans 12 langues différentes, en Chine, en Russie, en Jordanie pour le monde arabe, ce qui conforte les choix techniques initiaux. Tous travaillent en partenariat avec le grand frère EdX qui a la même vision que nous de l’éducation et ne vise pas à un monopole mondial tout comme FUN ne vise pas le monopole en France mais a vocation à servir les universités. Des opérateurs privés ont rejoint le mouvement, ce qui est important car ils y apportent des talents que le monde universitaire ne possède pas.

Je pense qu’il était nécessaire de célébrer cette réussite et d’en remercier les nombreux participants.

Le billet de cette semaine est un peu court : plusieurs congrès à venir sur des thèmes différents, parmi ceux que j’évoque dans ce blog, ont pris la plus grande partie de mon temps. Je ne suis pas sûr non plus de tenir la cadence pendant le mois de juin du fait de ma participation à ces manifestations en Europe et en France. A bientôt.

4 Comments

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4 Responses to MOOC, FUN : les raisons d’un succès

  1. Bonjour Monsieur,

    Billet intéressant pour la retrospective.
    En revanche, je me permet de rectifier un point qui me semble important : c’était un hackathon Open edX co-organisé par FUN et IONISx, avec ainsi une réelle portée nationale (public/privé) et internationale (communauté edX).
    Dire que c’était un hackathon FUN pour améliorer FUN n’est donc pas juste et réducteur.

    Bien cordialement,

  2. Cédric Prunier

    Oui, comme je l’ai indiqué, je trouve que les éloges sur FUN sont tout à fait mérités : il s’agit d’une aventure remarquable qui prouve que l’enseignement supérieur public peut atteindre des objectifs élevés dans les TIC en dépit des contraintes.
    Ensuite, je pense qu’il est important de souligner les collaborations entre le public et le privé : les moyens sont limités et il n’y a pas de modèle économique.

    • Yves Epelboin

      Je suis entièrement d’accord sur ce problème du modèle économique. Je l’évoquais d’ailleurs dans un précédent billet.

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