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Le numérique n’est pas une béquille !

indexJe n’avais pas l’intention de publier un nouveau billet avant le mois de septembre. Une information, lue dans Educpros du 16 juillet m’oblige à oublier cette décision et à reprendre la plume pour dénoncer des propositions irresponsables.

Cet article aborde le sujet des capacités d’accueil limitées dans plusieurs filières de L1 des universités. Pour répondre à cette difficulté le président du syndicat étudiant la Fage déclare que « … d’autres leviers devraient être actionnés avant d’en arriver à cette limitation, comme une meilleure utilisation de l’immobilier, ou de la pédagogie numérique. »

Je m’insurge contre cette fausse bonne idée. Le numérique ne peut pas et ne doit pas être employé pour pallier à un ratio enseignant/enseignés insuffisant. Ce serait transformer l’université française en usine à apprendre. Si l’emploi des MOOC, c’est à dire un enseignement numérique purement à distance avec peu d’interactions entre profs et étudiants est la seule voie possible dans les pays d’Afrique et d’Asie où l’éducation est dans une situation catastrophique, cette approche est inacceptable chez nous.

Les partisans du numérique, dont je suis, ne l’ont jamais envisagé que comme un levier pour transformer la pédagogie en une pédagogie inversée et renforcer les interactions entre enseignants et enseignés en remplaçant la plupart des amphithéâtres par des petits cours. Nous demandons de plus une vision nouvelle de l’usage de l’immobilier pour offrir aux étudiants des lieux de vie et d’apprentissage sous toutes formes qu’ils jugeront souhaitables. Ceci est également bien loin de la demande du président de la Fage dont on peut imaginer que meilleure utilisation de l’immobilier revient à suggérer de bourrer le maximum de salles le maximum d’heures.

Bref cette suggestion est aux antipodes de la vision des pionniers.

Ajoutons à cela que le numérique coute cher. J’ai expliqué dans un autre billet qu’il suppose un investissement dans la préparation des cours hors de portée des universités dans le cadre de leur budget actuel. Enfin, basculer au numérique ne s’improvise et il faudra un plan à l’échelle de plusieurs années pour le réaliser.

Le numérique ne peut pas être, dans un pays qui se place parmi les plus riches du monde, la solution pour résoudre des problèmes d’accueil dans les universités.

Rappelons également que l’expérience de nos collègues Européens et Américains montre qu’un enseignement mixte n’améliore pas de façon significative la réussite : ceux qui réussissent réussissent mieux, ce qui est déjà un aspect très positif mais le taux d’échec évolue peu. Pour l’améliorer il faudra aller plus loin en mettant en place de véritables analyses des données sur les étudiants (learning analytics), ce qui implique de reconstruire nos systèmes d’information dans cette vision et de mettre aux points des indicateurs qui permettront d’être alerté à temps sur les étudiants en difficulté. Ce n’est donc pas une solution pour l’immédiat. Cela a pour corolaire qu’il faudra mettre en place un tutorat très personnalisé pour aider ces étudiants et donc d’y consacrer beaucoup d’enseignants.

Bref, un bon usage du numérique ne passe en aucun cas par une diminution du ratio enseignants/étudiants. La solution aux difficultés rencontrées n’est pas dans le numérique et le président de la Fage a faux sur toute la ligne.

Alors que faire ? Je n’au que mon opinion pour y répondre, hors du champ du numérique. Je constate que nous sommes l’un des rares pays d’Europe où l’enseignement est gratuit et où il n’y a pas de sélection à l’entrée des universités. Je suis convaincu que cette situation est invivable et fera sauter le système à court terme. Nous avons le système le plus hypocrite et le moins démocratique que l’on peut imaginer. La sélection existe mais elle n’est pas avouée. A l’époque où j’enseignais la physique en L1, il me fallait une demie heure, par de simples tests, lors du premier amphithéâtre, pour estimer approximativement la part de ceux qui réussiraient. Je suggère d’ailleurs aux étudiants scientifiques de faire le test faq2sciences d’Unisciel pour évaluer leur niveau. Quoique un peu rébarbatif il les renseignera très bien sur le niveau requis pour réussir leurs études et leur évitera bien des illusions, s’ils veulent le prendre en compte, sur leurs chances de réussite.

Ou l’on continuera dans cette voie et la qualité de l’accueil de la majorité de nos jeunes se dégradera encore plus, et seules survivront les plus forts et es filières sélectives avouées ou non avouées ou bien nos politiques et les responsables étudiants auront le courage de reconnaître que de nombreux étudiants sont mal orientés, n’ont pas les capacités de suivre l’enseignement de leur choix et doivent être préparés autrement à la vie active.

Mais ceci est un autre débat.

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Premier bilan

imagesVoici arrivée la fin de l’année universitaire et ce qui sera, avec retard, mon dernier billet avant les vacances. Les fortes chaleurs n’aident pas à l’écriture !

J’ai commencé en septembre dernier et ce billet sera le trentième. Comme tout débutant je me suis précipité et j’ai écrit à la cadence d’une fois par semaine. C’est un rythme très difficile à tenir. Je me souviens encore du billet que j’ai rédigé, fin octobre, plein de rage, depuis ma chambre à Boston, après avoir passé la journée au MIT. J’y exprimais ma frustration de voir nos politiques obnubilés par les réussites éclatantes de cette institution, hors de notre portée évidemment, alors qu’ils ne jetaient pas le moindre coup d’œil sur leurs initiatives les plus simples, et donc à notre portée, comme de multiplier les spots WiFi dans tous les endroits possibles du campus et d’y installer canapés, tables et tout mobilier, prétexte à se poser et à échanger en petits groupes.

Ce blog m’a beaucoup apporté, d’abord au travers des commentaires, mais aussi de façon plus indirecte, à l’occasion de rencontres où des personnes me signalaient, au passage, qu’ils avaient lu tel ou tel billet. Ils n’étaient pas forcément d’accord avec moi mais ces articles étaient toujours prétexte à engager la discussion.

Depuis j’ai ralenti mon rythme, surtout au mois de juin où j’ai beaucoup voyagé. Juin est un mois de congrès ! Je retiens beaucoup de choses de ces déplacements mais j’ai surtout constaté, une fois encore, la valeur des échanges en face à face. Alors que nous sommes tous connectés, que nous pouvons nous voir en visioconférence même depuis nos téléphones, le contact humain reste fondamental. Que ce soit un inconnu ou une connaissance de longue date, je ne connais personne qui dénie l’intérêt d’échanger de vive voix. Ecouter, parler, discuter les points de vue est évidemment la première forme de ces contacts mais les pauses café, les dîners ensemble sont également une forme précieuse d’interaction. Les technologies ont permis d’amplifier l’intensité de ces contacts parce qu’il est possible aujourd’hui de préparer ce moment et de rendre plus fructueux les échanges en sachant aller à l’essentiel.

J’ai rencontré, ces quatre dernières semaines des personnes que je connaissais déjà, j’ai échangé avec des inconnus qui deviendront pour certains de vraies relations, qui seront peut-être demain des collègues avec lesquels je travaillerai. Par le passé j’ai même construit des projets ambitieux avec mes voisins de bureau, autour d’un verre ou d’un plat, lors d’une pause café pendant un congrès. On ne mettra assez en avant l’importance et la richesse des relations individuelles sur les lieux de travail comme ailleurs.

Mais revenons aux thématiques les plus importantes qui sont à l’origine de ce blog : l’enseignement numérique sous toutes ses formes et à distance en particulier. Quid des MOOC ?

Dans l’étude menée par J-C Pomerol, à la demande de la ville de Paris, et à laquelle j’ai eu l’honneur d’être associée, étude qui a conduit d’ailleurs à la publication d’un livre, nous étions parvenu à la conclusion que l’initiative la meilleure que pouvait entreprendre la ville, était d’ouvrir des maisons du numérique où les MOOCeurs pourraient se retrouver. Cette recommandation n’était rien d’autre que la reconnaissance de l’immense valeur du face à face, du fait de l’importance de la communication non verbale au travers des gestes et du comportement. Cette dimension est évidemment difficile à retrouver dans un MOOC ou dans un enseignement à distance. Les constructeurs de MOOC les plus dynamiques le savent bien, qui tentent d’établir ce contact au travers de visioconférences sous toutes sortes de formes (hangouts, skype…). Demain, ils seront les premiers à s’appuyer sur les villes qui mettent en place ces maisons du numérique. Les universités pourraient y prendre leur place en ouvrant leurs locaux aux MOOCeurs, du moins à ceux qui suivent les MOOC de leurs collègues des autres universités.

Et finalement, si l’on veut marier le meilleur du numérique et du face à face, le regard se tourne tout de suite vers les SPOC. Un rappel d’abord : le P de SPOC signifie d’abord que les participants sont sélectionnés afin de garantir qu’ils possèdent les prérequis pour suivre ce cours. Un SPOC s’accompagne de séances en face à face avec des enseignants. Les étudiants, moins nombreux que pour un MOOC, peuvent établir des liens personnels avec les autres étudiants et les enseignants, en face à face ou à distance. En pédagogie inversée, avec leur tablette ou un ordinateur, seuls ou en groupes avec leurs camarades uniquement, dans des locaux du campus repensés à cette fin, les étudiants peuvent étudier les notions fondamentales les plus abstraites. En face à face en groupes mais avec leurs enseignants pour les applications et la pratique, en réunions plus individuelles en cas de difficulté, ils peuvent retrouver la richesse des interactions humaines. L’efficacité de l’approche SPOC est déjà prouvée.

Les SPOC sont l’avenir de l’enseignement parce que, grâce au numérique, ils permettent d’intensifier les échanges en face à face en libérant les enseignants de la simple transmission du savoir et en amplifiant les échanges entre étudiants.

Et pour les pays moins développés, en Afrique comme en Asie, seul le numérique et les MOOC peuvent apporter une réponse à l’incommensurable soif d’apprendre. Même si, par nécessité la relation est moins humanisée, l’acquisition de la connaissance, l’apprentissage sont un pas essentiel dans la construction de l’individu.

Tout cela pour dire, une fois encore, que le numérique n’est pas l’ennemi de l’humain. Tout au contraire il peut permettre d’amplifier sa richesse. La meilleure preuve en est que, grâce à lui, aujourd’hui, grâce à l’influence des réseaux sociaux nous commençons aujourd’hui à réfléchir à la place des étudiants et du personnel dans le système d’information des universités. De grands chamboulements sont à l’horizon dans les scolarités, les plateformes d’enseignement et tout le dispositif. Reste à savoir si les organisations seront capables d’accompagner cette transformation ou y résisteront.

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