Mon intention était de continuer la réflexion que j’ai entreprise dans mes billets antérieurs sur le système d’information des universités. Mais une accumulation d’informations nouvelles sur les MOOC m’amène à changer de sujet. Les MOOC sont en train de trouver leurs business models, aux Etats-Unis, et commencent à impacter les universités. Le mouvement a été amorcé au début de cette année et s’accélère.
Le mouvement a été amorcé par le consortium des universités publiques de l’Arizona, ASU. Il devient possible d’obtenir son diplôme de première année en réussissant à un ensemble de MOOC de EdX puis en soumettant ses résultats au consortium. Si accepté, on peut obtenir son diplôme de première année pour moins de 6000 $, ce qui n‘est pas cher selon les standards américains. A ce prix il faut ajouter le coût de certification des MOOC.
La nouveauté est double : le fait d’obtenir un vrai diplôme universitaire avec des certifications choisies de EdX, mais également de payer en cas de réussite seulement. Certes les certifications ont un coût mais il faible, comparé à celui d’une inscription classique. Pour ceux qui n’iraient pas jusqu’au bout et ne pourraient les transformer en un vrai diplôme, la perte financière reste acceptable. Dans un pays où le coût des Etudes Supérieures atteint des sommets, cette garantie est plus que précieuse : le taux de réussite aux Etats-Unis n’est guère meilleur que chez nous.
Second exemple, Champaign university dans l’Illinois, qui offre un MBA complet, suivant le même modèle pour le coût des spécialisations de Coursera, ce qui reste modeste plus un paiement de 20 000 $ à l’université. C’est une vraie affaire pour tous ceux qui ne peuvent s’offrir le luxe de MBA à 60 000 $ ou plus !
Le MIT n’est pas en reste qui vient d’annoncer la possibilité d’obtenir un « microMaster », sous la forme de MOOC de EdX, correspondant au premier semestre du Master « Supply Chain Management ». Si acceptés les étudiants pourront ensuite suivre le deuxième semestre en présentiel pour obtenir le diplôme complet.
Plus près de nous, en Suisse, l’EPFL, offre des formations à distance complètes, qui donnent droit à un diplôme, basées sur ses MOOC de Coursera et EdX. En France, quelques Ecoles délivrent des certifications pour leurs MOOC, sous forme d’ECTS. Mais elles n’en sont pas encore à délivrer des diplômes complets et les ECTS obtenues ne sont pas, à ma connaissance, encore reconnues dans d’autres établissements afin d’y obtenir son diplôme.
Le signal est très fort : aux Etats Unis il devient possible de commencer un diplôme au moyen de MOOC ; double avantage financier : coût réduit des études et paiement en cas de réussite uniquement. Est-ce que cela suffira pour résoudre la grave crise financière de l’Enseignement Supérieur en ramenant le coût des études à un niveau acceptable ? Cela reste encore à prouver.
Quel peut être l’impact en France ? Cela va-t-il bousculerles méthodes de délivrance des diplômes ?
Les formations sélectives seront les premières touchées. On peut même imaginer des filières analogues aux classes préparatoires mais à distance où les Ecoles offriront l’admission moyennant la réussite à des MOOC sélectionnés, de leur propre cru ou construits par d’autres Ecoles. L’investissement de démarrage n’est pas négligeable mais reste raisonnable si les Ecoles savent se regrouper autour de certifications communes. Cela leur permettrait de maitriser leurs coûts d’inscription et d’attirer un public nouveau qui ne se serait pas, à priori, orienté vers leurs filières. Les Ecoles de commerce sont probablement les premières à savoir sauter le pas mais je n’ai pas de doute que de nombreuses Ecoles privées y verront également un moyen d’augmenter leur attractivité.
En ce qui concerne les universités, du fait du niveau ridicule des droits d’inscription et de leurs difficultés financières qui limitent leurs investissements, cela est moins évident. Je suis cependant convaincu que, l’imagination aidant, elles vont trouver des champs d’application. Par exemple, pour inscrire des étudiants dans des filières très demandées et dispenser les meilleurs de quelques modules de base. Cela diminuerait la pression dans les amphithéâtres. On peut également imaginer des parcours à géométrie variable. Les primo-entrants pourraient se voir offrir des dispenses de modules en fonction de certifications acquises. La réussite à des ensembles de MOOC sélectionnés, peut devenir rapidement un moyen pour les orienter et les conduire dans les filières de leur choix en fonction de leur réussite. Cela ne pourra qu’améliorer la réussite au cours des premières années d’étude.
La révolution des MOOC est peut-être aussi là : une façon d’orienter et de guider les étudiants au début de leur parcours dans l’Enseignement Supérieur et de leur permettre de choisir leur voie.