Dans mon précédent billet je mettais en avant un consortium international de six universités qui réunissent leurs meilleurs MOOC pour offrir à leurs étudiants la possibilité de diversifier leur parcours de formation au sein même de leur institution. Je terminais en me posant la question sur la façon dont nos établissements pourraient agir de même.
Eh bien, un ami vient de me signaler que les obstacles juridiques pourraient être maintenant levés.
La loi numéro 2013-660 du 22 juillet 2013 qui définit les missions du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, spécifiait dans l’article 29, consacré à l’enseignement numérique, que « Les établissements d’enseignement supérieur rendent disponibles, pour les formations dont les méthodes pédagogiques le permettent, leurs enseignements sous forme numérique, dans des conditions déterminées par leur conseil académique ou par l’organe en tenant lieu et conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle. Cette mise à disposition ne peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants sans justification pédagogique. » Autrement dit il était très difficile de substituer un MOOC ou un SPOC à un enseignement présentiel.
La ligne soulignée en italiques vient d’être remplacée, dans la loi votée par l’Assemblée Nationale, chapitre Economie du savoir le 26 janvier, article 20 bis, par : « Cette mise à disposition peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants afin de permettre une formation universitaire à distance et une formation continue destinée à la promotion professionnelle de travailleurs et de demandeurs d’emploi éloignés des villes universitaires. Ces formations permettent la délivrance des diplômes universitaires dans des conditions de validation des acquis définies par décret.»
Autrement dit il devient enfin possible de proposer des enseignements complètement à distance dans le cadre normal des curriculums. Les MOOC, sous toutes leurs formes, peuvent prendre une place, juridiquement légitime, dans tous les cursus de l’enseignement supérieur. Auparavant ils étaient uniquement réservés aux étudiants officiellement inscrits à distance.
Rêvons un peu et imaginons l’ouverture que cela représente !
Les universités pourraient enrichir leur catalogue de formations en proposant des MOOC construits par d’autres, employés en usage privé accompagné (SPOC) ou public (MOOC). Cela permettrait d’intégrer dans les cursus des cours qui n’existent pas localement, à l’attention en particulier aux étudiants les moins fortunés qui ne peuvent pas se permettre d’aller étudier loin de leur domicile. Cela est vrai également lorsque les enseignants qualifiés sont trop nombreux pour pouvoir offrir un module ou lorsque, dans une faculté, le nombre d’étudiants intéressé est trop faible. Des MOOC et un catalogue élargi de formation pourraient être le meilleur moyen pour retenir s étudiants brillants qui veulent ajouter à leur curriculum des enseignements qui n’existent pas localement. Bien sûr cela devra se faire sous le contrôle des autorités universitaires et je suis conscient du fait que certains voudraient bien « rationaliser » l’emploi des personnels enseignants en regroupant des enseignements au sein des académies. Les technologies permettent le meilleur comme le pire. A nous tous de s’en prémunir.
Mais, rêvons un peu plus. Pourquoi ne pas envisager un « e-Erasmus ». Nombreux sont les étudiants, en France comme partout en Europe, qui rêveraient de suivre des enseignements dans un autre pays mais qui n’ont pas la chance de disposer des ressources nécessaires pour partir. L’intégration de MOOC et de SPOC peut pallier partiellement à cette injustice. Là aussi les technologies ont leurs limitations. Des MOOC ne remplaceront pas la chance de pouvoir s’immerger dans une autre culture et de pouvoir partager le quotidien ds jeunes d’autres nationalités. Mais ne refusons pas cette possibilité à ceux qui ne peuvent pas s’offrir le meilleur.
Et puis, pourquoi ne pas construire des formations véritablement Européennes, en puisant à la carte dans les offres de nos partenaires. L’université qui s’ouvrirait ainsi aux autres ne s’appauvrirait pas. Au contraire !
Autour de cette modification de la loi s’ouvrent une infinité d’opportunités. Je suis convaincu que les universités qui sauront rapidement mettre en œuvre celles qui correspondent le mieux à leurs talents, verront leur rayonnement national et international s’élargir : l’union fait la force. Pour cela il faut un peu d’imagination et surtout une volonté politique pour s’ouvrir vers d’autres formes d’enseignement et des formations construites collectivement entre plusieurs institutions. Ceci n’est pas nouveau dans son principe mais s’applique aujourd’hui essentiellement au niveau des masters 2. La perspective ouverte aujourd’hui permet d’envisager des cursus à la demande à partir d’éléments offerts par toute une communauté d’institutions. Cela va bien au-delà des COMUE : elle est à échelle nationale et internationale.
Les acteurs incontournables de cette évolution sont les institutions d’enseignement mais aussi le diffuseur de ces cours en ligne, FUN en France, parce que ce projet concerne avant tout les universités dont la vocation est d’être ouvertes au monde entier et que FUN est leur propriété et bras armé dans ce domaine.
Au-delà du rêve de pouvoir offrir aux étudiants une formation à partir du meilleur de plusieurs universités, regardons vers l’Europe. Il existe, dans différents pays, des diffuseurs qui jouent un rôle équivalent à celui de FUN : Futurelearn en Grande Bretagne, Iversity en Allemagne, MiriadaX en Espagne et d’autres plus petits. Ces fournisseurs devraient établir des accords pour offrir une base commune à leurs universités. On me rétorquera que OpenupEd, à Bruxelles, offre déjà un portail commun à toute l’Europe mais ce n’est qu’un portail, pas un fournisseur. Une réunion des fournisseurs de MOOC qui ont l’avantage de travailler directement avec les universités et qui les connaissent bien, faciliterait certainement la construction des catalogues nécessaires à ces nouveaux cursus.
Une seule restriction : il faudra que nos étudiants et nos enseignants acceptent des cours dans la lingua franca, c’est à dire l’anglais, pour pouvoir profiter de toute la richesse du génie Européen.