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Des MOOC encore !

imageJe n’ai respecté aucune des règles pour conserver des lecteurs réguliers : un long silence, des publications erratiques sur la fin. Je n’avais plus rien d’important à dire mais ce n’est plus le cas. Je reprends donc ma plume.

J’ai passé une dizaine de jours aux Etats-Unis, à la fin du mois d’octobre, avec une délégation de quinze personnes, des collègues et amis de différentes universités, pour participer au congrès Educause 2016. Educause est, je l’ai déjà écrit, le congrès le plus important au monde par la taille et la diversité des sujets traités, consacré à l’université numérique. Nous en avons profité pour visiter UCLA, Stanford et Berkeley. Trois universités parmi les douze meilleures selon le classement de Shanghai. Même lorsqu’on en considère les limites, c’est impressionnant. Les visites ont été organisées avec l’aide de mon ami, Richard Katz, ancien VP d’Educause, qui a ses entrées partout. Vous dire que nous avons été partout reçus chaleureusement serait en dessous de la réalité. Ce fût super.

Entre le congrès et les visites, une occasion de faire le point sur des tas de sujets et de reprendre mon blog. Vous pouvez également lire le rapport que nous avons produit tous ensemble : 87 pages qui balaient notre voyage (http://formation.unpidf.fr/fr/mediatheque/media-63). Il sera disponible également en anglais et en japonais en février.

Aujourd’hui je veux évoquer l’évolution des MOOC, l’un de mes sujets d’intérêt.

Au congrès Educause 2016 l’acronyme MOOC a complètement disparu. Une seule conférence comportait ce nom dans son titre et encore s’agissait-il de l’emploi de cours en ligne, à l’intérieur d’une université, en enseignement mixte (blended learning). Pour être rigoureux les auteurs auraient du employer l’acronyme SPOC (Small Private Online Course) car ils évoquaient l’usage d’un cours en ligne dans une classe de bachelor où le public est homogène et remplit, du moins on peut le supposer, tous les prérequis pour suivre ce cours avec succès et bénéfice. Le cours n ‘était ni massif ni ouvert à tous et les étudiants étaient personnellement accompagnés par leur professeur.

On constate d’ailleurs une confusion entre les termes, l’acronyme MOOC désignant de plus en plus un cours en ligne, sans distinguer s’il est utilisé en interne ou ouvert à tout public. Le terme MOOC signifie simplement que le cours est structuré autour d’un parcours pédagogique qui propose des vidéos courtes, des documents et des contrôles au moyen de devoirs et de quizz et éventuellement la participation à des activités comme des blogs et des forums.

Lors de nos visites nous avons interrogé nos interlocuteurs sur la politique MOOC de leur établissement. Pour l’UCLA la réponse est identique à celle qu’ils nous avaient donné, il y a trois ans, au cours d’une première visite : pas de MOOC ! Cela n’entre pas dans leur vision. Stanford, par contre, pionnier dans ce domaine, continue à en faire avec Coursera et EdX, Berkeley avec EdX, mais sans plus. Pas de grande excitation autour de ce genre de projet. Les professeurs obtiennent au mieux le support d’une équipe technique mais en aucun cas cela ne peut entrer dans leur temps de service. Ils doivent travailler gratuitement.

Pour Stanford et Berkeley les MOOC sont essentiellement un produit dérivé des cours en ligne qu’ils construisent à usage interne. Et la motivation est essentiellement la notoriété de l’établissement et des professeurs.

Les deux premières lettres M et O sont là pour le décors.

Mais cela ne signifie pas que ces trois universités ignorent cette approche. Elles multiplient les cours en ligne sans vouloir, en même temps basculer des enseignements à distance. Le modèle est plutôt celui de l’enseignement mixte, le cours en ligne accompagnant celui du professeur en présentiel. A Berkeley les enseignants ont tout simplement refusé de participer à un micromaster en informatique, un modèle d’enseignement que le MIT a lancé en partenariat avec une dizaine d’autres universités dans le monde. Il permet à un étudiant de suivre un premier semestre à distance sous la forme d’une série de MOOC (des vrais) et s’il a réussi toutes les certifications de poursuivre le second sur le campus de son choix parmi 13 universités réparties dans le monde entier.

Nos interlocuteurs, dans les trois universités, ont insisté unanimement sur l’importance de l’expérience d’être sur le campus, de la vie ensemble dans ses dimensions de travail et sociale. Ils ont interrogé leurs étudiants qui adhérent profondément à cette vision. Ces cours en ligne remplacent le bon vieux bouquin sur lequel tout étudiant se devait de travailler avant le cours mais on continue à se rendre régulièrement en classe ou en amphithéâtre. L’enseignement se transforme, les cours sont présentés différemment mais le face à face est loin d’être mort.

Et, parallèlement, on développe, on pousse la formation continue. Pour UCLA et Berkeley la première motivation est de trouver de nouvelles ressources car les fonds publics diminuent, pour Stanford, établissement privé, parce que c’est bon pour le business. Mais les professeurs ne sont pas trop fans, et les département de formation continue éprouvent de grandes difficultés à les convaincre d’adapter les cours qu’ils construisent à cette catégorie de formation. De fait cela me rappelle étrangement la réaction de certains de mes collègues.

Alors plus de MOOC ?

Les MOOC sont en crise. Ils n’ont pas trouvé leur modèle économique dans l’ouverture au plus grand nombre, comme je l’ai expliqué dans le rapport ci-contre : http://www.sup-numerique.gouv.fr/cid100828/rapport-mooc-a-la-recherche-d-un-business-model.html.

Bien après Udacity, Coursera bascule vers le cours d’entreprise, SPOC ou COOC comme vous voudrez bien l’appeler. Coursera semble ne plus croire à la mission d’éducation globale ou, plus exactement n’y trouve aucun business model. Après avoir rendu les certifications obligatoires, voici le tutorat à distance, moyennant paiement évidemment, et même un abonnement mensuel. Ce modèle ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? C’est une invention française, celle de Openclassrooms !

Coursera tente parallèlement un second modèle en s’associant à des universités. Plutôt que de devenir une université virtuelle, comme je le pensais il y a un an, Coursera s’associe à certaines, comme Arizona State ou Urbana pour distribuer des séries de MOOC de leur conception, les certifier contre paiement et permettre aux étudiants, en cas de succès et moyennant un paiement supplémentaire, d’obtenir un vrai diplôme. Futurelearn le suit dans cette voie.

Seul EdX, qui est financé par une fondation, et les plateformes de part le monde, comme FUN en France, Edraak en Jordanie, XuetangX en Chine et bien d’autres, qui suivent le même modèle ou sont aidées par des fonds publics, continuent leur chemin. Le bénéfice n’est pas leur motivation principale.

Les MOOC offrent à ceux, qui n’ont pas eu la chance de poursuivre des études, la possibilité de s’instruire, que ce soit pour améliorer leur compétence professionnelle ou simplement par soif de connaissance. Ils sont une chance formidable ouverte à tous et contribuent à l’une des missions les plus nobles de l’humanité : la poursuite de la connaissance. Ils participent au lien entre les hommes.

Non, l’éducation pour tous n’est pas un business comme les autres. Les MOOC doivent être aidés au même titre que toutes les activités qui contribuent au lien social dans notre société.

 

 

 

 

 

 

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