Tag Archives: e-learning

Les GAFA et nous

imagesLe Monde annonçait, il y a quelques jours, un accord entre le ministère de l’Education Nationale encourageant l’usage de Google et autres GAFA. Les réactions vives à cet accord mettaient en avant, à juste titre, le risque de fuite des données personnelles des élèves et prônaient l’usage de solutions libres.

De fait le problème n’est pas nouveau et ne nous est pas particulier. Je l’avais déjà évoqué dans un vieux billet où j’expliquais que les universités françaises auraient un intérêt certain à confier la messagerie étudiante (je précise bien uniquement la messagerie étudiante) à ces mêmes GAFA, Google, Microsoft… Ma justification était que ces messageries ne contenaient pas grand chose de bien confidentiel et que ce serait autant de travail que les services informatiques pourraient consacrer à des activités plus innovantes.

J’ai donné, par le passé, toutes les preuves de mon attachement au logiciel libre. Pourtant je m’étais attiré un monceau de protestation, certainement le billet qui a entrainé le plus de réactions. Il est temps d’y revenir.

L’année dernière, à l’occasion du congrès Educause à Los Angeles, nous sommes retournés, mes camarades et moi, à l’UCLA que nous avions visitée deux ans plus tôt. Entre temps les scandales de la NSA avaient été mis en plein jour et nos collègues américains, qui faisaient auparavant assez confiance aux entreprises privées qui leur procurent des outils logiciels à bon compte, étaient devenus beaucoup plus méfiants. S’ils avaient, pour la plupart, toujours pris soin de laisser les données de recherche dans un cloud privé, ils étaient souvent assez laxistes en ce qui concerne les étudiants. Fin 2016 la vision avait changé mais ce n’était pas simple pour autant.

Recourir systématiquement à des outils libres n’était pas envisagé pour plusieurs raisons, la première étant qu’il n’existe pas toujours de solutions aussi satisfaisantes que celles proposées par les industriels. En particulier la disposition d’interfaces amicales pour l’usager n’est pas forcément le point fort du logiciel libre ni son intégration dans les plateformes Windows et MacOS qui représentent l’écrasante majorité des machines individuelles. On peut le regretter mais c’est un fait qui n’est pas niable. La deuxième raison est que libre ne veut pas dire gratuit et que la mise en place et la maintenance de ces solutions demandent des ressources humaines importantes. Ce peut être un choix en France où, hélas, l’argent est rare. C’est beaucoup moins vrai dans des pays comme les Etats Unis où l’ingénieur est rare, surtout dans la Bay area ! Berkeley a ainsi renoncé à une plateforme d’enseignement qu’ils appréciaient beaucoup car ils ne trouvaient pas de support externe satisfaisant et ne voulaient pas y consacrer le personnel nécessaire. UCLA a donc choisi un mixte en négociant l’achat de services privés et en veillant à la propriété des données et des métadonnées. Mais là aussi une difficulté est apparue et la recherche d’une solution de travail coopératif est un bon exemple des difficultés d’aujourd’hui.

UCLA avait donc fait le choix d’une solution après discussion et construction collective d’un cahier des charges avec ses usagers. Ils avaient retenu un fournisseur pour la qualité de sa solution, son ergonomie et ses possibilités d’intégration dans leur système d’information. Jusque là tout allait bien mais la discussion a bloqué sur la propriété des métadonnées, c’est à dire des profils des usagers. Et c’est là que les responsables de l’université ont été coincés. Les discussions trainaient et ils se sont faits doubler par leurs usagers. Ce constructeur mettait son service à disposition gratuitement pour un usage personnel, comme cela se fait beaucoup aujourd’hui, avec une limitation quant aux facilités et espace disponibles. L’UCLA se trouva donc dans la position intenable de négocier la confidentialité des données avec ce fournisseur alors que de nombreuses personnes de l’université, enseignants, administratifs et étudiants, avaient déjà recours à cette solution ! Que faire alors ? Impossible de bloquer l’accès à ce service, cela aurait déclenché des protestations extrêmement vives et aurait même encouragé la recherche de méthodes de contournement et amplifié la fuite de données. Je ne sais pas quelle a été la décision finale mais nos collègues américains étaient clairement conscients qu’ils ne pourraient pas tenir leur position initiale.

Et cela m’amène à la raison de ce billet. Imaginer que l’on peut écarter les propositions des GAFA du monde académique est une pure utopie et vouloir les ignorer officiellement de la pure hypocrisie. Ils doivent certes respecter la loi, et nous avec, et le contrôle de la CNIL est obligatoire mais on n’évitera pas une négociation sur l’appropriation de données personnelles par ces industriels tout simplement parce que si on l’interdit dans nos établissements, les usagers iront chercher ces services à l’extérieur à titre privé. Je souhaite bien du courage à ceux qui voudront interdire l’usage de FaceBook, des outils Google ou autres dans leur université ou autre établissement. Cela se fera alors sans eux et sans aucune possibilité de modérer ce qui se passe. Mieux vaut offrir des services de qualité au travers de nos ENT et autres systèmes d’information, négocier avec ces fournisseurs extérieurs quelles données ils récupèrent, sous quelle forme et où elles sont stockées et, en même temps, former nos étudiants et professeurs au bon usage d’outils de qualité appréciés par l’immense majorité.

Au fait, vous ai-je dit que la prestigieuse université de Berkeley, après une étude attentive, a conclu qu’ils étaient incapables de fournir une messagerie mieux sécurisée que celle de Google et a négocié avec eux le transfert de ce service. Vous ai-je dit aussi que leurs collègues de Stanford, de l’autre coté de la baie, sauvegardent, pour la même raison, toutes leurs données de calcul scientifique chez Google également ? Vous trouverez tous les détails dans le rapport de la délégation française à Educause 2016.

Le ministère n’est pas vendu. Il est simplement réaliste.

7 Comments

Filed under Non classé

Des MOOC encore !

imageJe n’ai respecté aucune des règles pour conserver des lecteurs réguliers : un long silence, des publications erratiques sur la fin. Je n’avais plus rien d’important à dire mais ce n’est plus le cas. Je reprends donc ma plume.

J’ai passé une dizaine de jours aux Etats-Unis, à la fin du mois d’octobre, avec une délégation de quinze personnes, des collègues et amis de différentes universités, pour participer au congrès Educause 2016. Educause est, je l’ai déjà écrit, le congrès le plus important au monde par la taille et la diversité des sujets traités, consacré à l’université numérique. Nous en avons profité pour visiter UCLA, Stanford et Berkeley. Trois universités parmi les douze meilleures selon le classement de Shanghai. Même lorsqu’on en considère les limites, c’est impressionnant. Les visites ont été organisées avec l’aide de mon ami, Richard Katz, ancien VP d’Educause, qui a ses entrées partout. Vous dire que nous avons été partout reçus chaleureusement serait en dessous de la réalité. Ce fût super.

Entre le congrès et les visites, une occasion de faire le point sur des tas de sujets et de reprendre mon blog. Vous pouvez également lire le rapport que nous avons produit tous ensemble : 87 pages qui balaient notre voyage (http://formation.unpidf.fr/fr/mediatheque/media-63). Il sera disponible également en anglais et en japonais en février.

Aujourd’hui je veux évoquer l’évolution des MOOC, l’un de mes sujets d’intérêt.

Au congrès Educause 2016 l’acronyme MOOC a complètement disparu. Une seule conférence comportait ce nom dans son titre et encore s’agissait-il de l’emploi de cours en ligne, à l’intérieur d’une université, en enseignement mixte (blended learning). Pour être rigoureux les auteurs auraient du employer l’acronyme SPOC (Small Private Online Course) car ils évoquaient l’usage d’un cours en ligne dans une classe de bachelor où le public est homogène et remplit, du moins on peut le supposer, tous les prérequis pour suivre ce cours avec succès et bénéfice. Le cours n ‘était ni massif ni ouvert à tous et les étudiants étaient personnellement accompagnés par leur professeur.

On constate d’ailleurs une confusion entre les termes, l’acronyme MOOC désignant de plus en plus un cours en ligne, sans distinguer s’il est utilisé en interne ou ouvert à tout public. Le terme MOOC signifie simplement que le cours est structuré autour d’un parcours pédagogique qui propose des vidéos courtes, des documents et des contrôles au moyen de devoirs et de quizz et éventuellement la participation à des activités comme des blogs et des forums.

Lors de nos visites nous avons interrogé nos interlocuteurs sur la politique MOOC de leur établissement. Pour l’UCLA la réponse est identique à celle qu’ils nous avaient donné, il y a trois ans, au cours d’une première visite : pas de MOOC ! Cela n’entre pas dans leur vision. Stanford, par contre, pionnier dans ce domaine, continue à en faire avec Coursera et EdX, Berkeley avec EdX, mais sans plus. Pas de grande excitation autour de ce genre de projet. Les professeurs obtiennent au mieux le support d’une équipe technique mais en aucun cas cela ne peut entrer dans leur temps de service. Ils doivent travailler gratuitement.

Pour Stanford et Berkeley les MOOC sont essentiellement un produit dérivé des cours en ligne qu’ils construisent à usage interne. Et la motivation est essentiellement la notoriété de l’établissement et des professeurs.

Les deux premières lettres M et O sont là pour le décors.

Mais cela ne signifie pas que ces trois universités ignorent cette approche. Elles multiplient les cours en ligne sans vouloir, en même temps basculer des enseignements à distance. Le modèle est plutôt celui de l’enseignement mixte, le cours en ligne accompagnant celui du professeur en présentiel. A Berkeley les enseignants ont tout simplement refusé de participer à un micromaster en informatique, un modèle d’enseignement que le MIT a lancé en partenariat avec une dizaine d’autres universités dans le monde. Il permet à un étudiant de suivre un premier semestre à distance sous la forme d’une série de MOOC (des vrais) et s’il a réussi toutes les certifications de poursuivre le second sur le campus de son choix parmi 13 universités réparties dans le monde entier.

Nos interlocuteurs, dans les trois universités, ont insisté unanimement sur l’importance de l’expérience d’être sur le campus, de la vie ensemble dans ses dimensions de travail et sociale. Ils ont interrogé leurs étudiants qui adhérent profondément à cette vision. Ces cours en ligne remplacent le bon vieux bouquin sur lequel tout étudiant se devait de travailler avant le cours mais on continue à se rendre régulièrement en classe ou en amphithéâtre. L’enseignement se transforme, les cours sont présentés différemment mais le face à face est loin d’être mort.

Et, parallèlement, on développe, on pousse la formation continue. Pour UCLA et Berkeley la première motivation est de trouver de nouvelles ressources car les fonds publics diminuent, pour Stanford, établissement privé, parce que c’est bon pour le business. Mais les professeurs ne sont pas trop fans, et les département de formation continue éprouvent de grandes difficultés à les convaincre d’adapter les cours qu’ils construisent à cette catégorie de formation. De fait cela me rappelle étrangement la réaction de certains de mes collègues.

Alors plus de MOOC ?

Les MOOC sont en crise. Ils n’ont pas trouvé leur modèle économique dans l’ouverture au plus grand nombre, comme je l’ai expliqué dans le rapport ci-contre : http://www.sup-numerique.gouv.fr/cid100828/rapport-mooc-a-la-recherche-d-un-business-model.html.

Bien après Udacity, Coursera bascule vers le cours d’entreprise, SPOC ou COOC comme vous voudrez bien l’appeler. Coursera semble ne plus croire à la mission d’éducation globale ou, plus exactement n’y trouve aucun business model. Après avoir rendu les certifications obligatoires, voici le tutorat à distance, moyennant paiement évidemment, et même un abonnement mensuel. Ce modèle ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ? C’est une invention française, celle de Openclassrooms !

Coursera tente parallèlement un second modèle en s’associant à des universités. Plutôt que de devenir une université virtuelle, comme je le pensais il y a un an, Coursera s’associe à certaines, comme Arizona State ou Urbana pour distribuer des séries de MOOC de leur conception, les certifier contre paiement et permettre aux étudiants, en cas de succès et moyennant un paiement supplémentaire, d’obtenir un vrai diplôme. Futurelearn le suit dans cette voie.

Seul EdX, qui est financé par une fondation, et les plateformes de part le monde, comme FUN en France, Edraak en Jordanie, XuetangX en Chine et bien d’autres, qui suivent le même modèle ou sont aidées par des fonds publics, continuent leur chemin. Le bénéfice n’est pas leur motivation principale.

Les MOOC offrent à ceux, qui n’ont pas eu la chance de poursuivre des études, la possibilité de s’instruire, que ce soit pour améliorer leur compétence professionnelle ou simplement par soif de connaissance. Ils sont une chance formidable ouverte à tous et contribuent à l’une des missions les plus nobles de l’humanité : la poursuite de la connaissance. Ils participent au lien entre les hommes.

Non, l’éducation pour tous n’est pas un business comme les autres. Les MOOC doivent être aidés au même titre que toutes les activités qui contribuent au lien social dans notre société.

 

 

 

 

 

 

Leave a Comment

Filed under Non classé

Les MOOC : des couleurs, des formes, des parfums et des hommes

imagesOn a beaucoup parlé des MOOC en terme de technologie. On les place même sur le cycle du Gartner et l’on s’étonne de les voir en disparaître aussi vite. Ce n’est pas étonnant. Les MOOC, comme j’ai eu l’occasion de le dire déjà dans ce blog, ne sont pas une technologie mais un moyen d’apprendre et d’acquérir des connaissances au moyen de technologies déjà matures. Il n’y a donc aucune raison qu’ils suivent ce cycle. Et s’ils le font ce sera au rythme de la pédagogie, c’est à dire au rythme lent, comparé aux technologies, auquel vont toutes les transformations des sociétés humaines. Le tsunami est donc encore à venir.

Alors, qu’est ce que les MOOC ont déjà apporté, en terme de technologie ?

J’ai employé, depuis le début des années 2000 quatre plateformes d’enseignement différentes et je peux affirmer qu’il y a peu de nouveautés dans celles d’aujourd’hui. La correction par les pairs en est une. L’introduction de cet outil a été motivée parce qu’il n’était pas envisageable de corriger des milliers de copies. Les plateformes classiques ont réagi et intégré ce dispositif rapidement et les enseignants ont commencé à imaginer comment l’ employer dans le cadre de leur classe, non pour faire faire leur travail par les étudiants mais pour introduire une nouvelle forme de participation et de collaboration entre eux. Plus généralement l’apparition des MOOC a eu pour effet d’amplifier l’ usage collaboratif et social des plateformes classiques.

Ceci est d’autant plus amusant qu’on a mis en avant la dimension sociale dans les plateformes de MOOC en faisant croire à une avancée par rapport à la génération précédente de plateformes mais dans la réalité elles n’ont fait que reprendre les bons vieux forums qui existaient déjà dans Moodle, Claroline, Sakai, WebCT (je cite les plateformes que je connais) et bien d’autres… en oubliant tous les autres comme les chat, par exemple. Dans le passé les forums-ci avaient peu de succès. Vers 2005, je me souviens d’une conférence des utilisateurs de WebCT, à Barcelone, où beaucoup d’entre nous se plaignaient du vide de nos forums. Seuls les responsables de l’enseignement à distance pouvaient se targuer de réels échanges. Ce qui a fait le succès des forums, de nos jours dans les MOOC, est la distance entre les participants et le désir de partager dans une communauté. Je doute qu’ils fonctionnement beaucoup mieux dans les SPOC (c’est à dire en enseignement mixte) aujourd’hui parce que les étudiants ont d’autres occasions d’échanger sur le campus. Je serais preneur d’informations à ce sujet. Rappelons que beaucoup de concepteurs de MOOC complètent leur usage des plateformes avec des groupes Facebook, Google+ sans oublier les hangouts et autres systèmes de diffusion de vidéos en direct. Il y a donc un manque évident dans ces plateformes aujourd’hui. Ceci n’est pas une critique. La mise au point d’une plateforme dans sa richesse et ses nuances (pédagogiques) est beaucoup plus compliquée que les développeurs le pensent : il faut donc du temps.

De fait, la seule nouveauté des plateformes modernes est leur capacité à tenir la charge avec un grand nombre d’étudiants simultanément. Ce qui est une bonne raison pour continuer à employer la bonne vieille plateforme d’enseignement, qui existe maintenant dans la plupart des universités et écoles, lorsqu’on veut créer un SPOC pour un enseignement mixte.

Les plates-formes de MOOC sont encore à leurs balbutiements.

Une plateforme d’enseignement est un ensemble de moyens numériques utilisé … pour l’apprentissage et l’enseignement, ce qui implique que ces moyens sont au service d’une pédagogie sous-jacente, même lorsque le professeur ne le formalise pas. Or la pédagogie ne se réduit pas à une approche singulière. Il n’existe pas de méthode unique pour l’enseignement ou l’apprentissage ; les pédagogies sont diverses. Les LMS essaient de répondre, aussi bien que possible, à cette attente. Les concepteurs de plateformes traduisent donc leur vision dans la réalisation de leur outil. Par exemple, Moodle est organisé autour d’une vision pédagogique assez constructiviste et impose une approche pédagogique assez bien définie. Sakai est beaucoup plus libéral et insiste plutôt sur les aspects collaboratifs. Moodle possède plusieurs outils pour construire des questionnaires, chacun pensé avec une vision précise sur la façon d’interroger, Sakai possède un outil unique qui permet de mélanger toutes les approches. A l’utilisateur de faire ses choix ! En pratique, il est toujours possible de sortir de la vision des concepteurs, mais cela peut être difficile. L’avantage, lorsqu’on se laisse guider est que l’apprentissage de la plateforme est plus simple. Il suffit de se laisser guider plutôt que d’explorer un grand nombre de possibilités. Du point de vue pédagogique il n’existe donc pas de plate-forme idéale. Les LMS offrent chacun une vision. Cela m’irrite toujours un peu, lorsque je lis un rapport, qui veut comparer des plateformes, de constater que cela consiste essentiellement en un catalogue de services existants ou pas mais que peu est dit sur la souplesse d’emploi, sur les possibilités laissées aux enseignants de sortir d’un schéma et que rien n’est dit sur l’approche pédagogique sous-jacente. C’est le plus difficile car le bon test serait d’imaginer plusieurs cours, conçus par des enseignants différents, que l’on utiliserait, avec des étudiants, dans les différentes plateformes. Je réfute donc ces rapports qui consistent essentiellement en des tableaux où l’on coche l’existence ou non d’un outil, à la manière des informaticiens lorsqu’ils comparent des logiciels.

De fait la bonne plateforme d’enseignement serait comme un bouquet de fleurs : le professeur assemblerait des services comme l’on choisit les couleurs, les formes et les parfums. Il ne serait plus contraint aux services existant dans la plateforme installée dans son université et pourrait réaliser l’assemblage de son choix : un mélange de Moodle, Sakai, Claroline Connect, EdX et de bien d’autres. Ceci n’existe pas aujourd’hui mais peut devenir une réalité si les développeurs le veulent bien. Des standards, comme LTI, se mettent en place pour définir des interfaces qui permettront à des outils divers de communiquer entre eux et le concept de machines virtuelles dans le Cloud fait que la plateforme de demain sera constituée d’un ensemble de serveurs virtuels, chacun alloué à une fonction unique, dialoguant entre eux, et non d’un outil unique comme aujourd’hui. Construire sa plateforme reviendra à relier entre eux les serveurs de son choix.

Il faut préter attention et encourager des consortiums Open Source comme Apereo qui tente de regrouper sous un même toit des initiatives diverses, prônant la complémentarité plutôt que la concurrence. La plateforme de demain, c’est à dire celle qui permettra de construire une vraie plateforme d’enseignement ouverte, sans devoir se restreindre à un nom unique, sortira certainement d’un tel regroupement.

L’expert composera son bouquet; le non-expert fera son choix parmi des bouquets déjà préparés par les spécialistes. Il faudra, dans les universités, recruter ou former de nouveaux professionnels, à la fois ingénieur pédagogique, informaticien et enseignant, qui auront la charge de construire des bouquets à la demande en fonction des visions des professeurs et des attentes des étudiants. Cela permettra l’ouverture à toutes les formes de pédagogie, tous les mélanges de c-MOOC et de x-MOOC.

En résumé, que faut-il retenir de l’impact des MOOC sur la technologie des plateformes d’enseignement ? Ce n’est pas leur capacité à tenir la charge de milliers d’apprenants. C’est la possibilité, très bientôt, de personnaliser celles-ci en fonction des désidérata des usagers finaux, c’est à dire des enseignants et des étudiants. Mais comme cette personnalisation sera trop complexe pour que la plupart des enseignants puissent se débrouiller seuls, il leur faudra travailler avec d’autres personnes, spécialistes des technologies des plateformes et de la pédagogie.

Enseigner sera de moins en moins l’acte isolé d’un professeur seul en face des ses étudiants et seul maitre des lieux. Cela devient le projet de toute une équipe, comme c’est déjà le cas aujourd’hui avec les MOOC. C’est cela aussi la révolution des MOOC, un profond changement auquel il faut nous préparer.

Leave a Comment

Filed under Non classé

MOOC et enseignement numérique : quoi de neuf ?

La fureur des MOOCs est en train de retomber aux Etats-Unis, cette seconde vague n’a pas encore atteint notre continent mais cela n’empêche pas de se poser la question : qu’est-ce que la révolution des MOOCs ?

Pour avoir été un des acteurs de l’emploi des nouvelles technologies dans l’Enseignement Supérieur depuis le début du siècle, parce que je connais assez bien ce qui se passe aux Etats-Unis où j’ai passé pas mal de temps, où je retourne régulièrement et où j’ai de nombreux amis parmi ceux qui créent la politique numérique dans les universités, je ne peux m’empêcher de me poser la question : quoi de neuf avec les MOOCs ?

Vous pensez peut-être : encore un contempteur de l’enseignement numérique, encore un vieux prof qui ne peut rien imaginer en dehors de son amphi ! Pas du tout ! J’ai été parmi les premiers à me précipiter vers ce mouvement, j’en suis un acteur convaincu et je milite à fond pour leur développement. Mais cela ne m’empêche pas de jeter un regard lucide sur ce mouvement.

Attachons nous d’abord aux aspects techniques.

Une plate-forme pour les MOOCs n’est qu’une plateforme (un LMS ou Learning Management System en anglais) d’enseignement médiocre. Les plateformes existantes intégraient la plupart des fonctionnalités de Coursera ou EdX, déjà vers 2005 et même avant. Des plateformes libres comme Moodle ou Sakai sont infiniment plus riches en possibilités de communication et de pédagogie. La seule nouveauté, peut-être, fut la possibilité de correction par les pairs mais les plateformes classiques l’ont bien vite intégrée. L’aspect social, les échanges entre apprenants au travers de forums existait déjà. Un outil de chat permettait des échanges instantanés et Dokeos proposait un service payant de visioconférence individuel.

Donc, à priori, tout ce qu’on fait aujourd’hui sur Coursera, EdX ou FUN était possible hier ? Oui et non. Oui théoriquement, non techniquement car aucun des LMS de première génération n’est capable de supporter le nombre d’usagers concurrents dans un MOOC. Par contre pour un cours réservé à un nombre réduit d’apprenants, comme les cours privés d’université (SPOC ou Small Online Private Course) pas de difficulté. Je recommanderais même l’emploi d’une plateforme classique.

Et du point de vue pédagogique ? C’est là la nouveauté des MOOCs : l’idée d’ouvrir des enseignements au plus grand nombre, de faire participer des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes.

Cette idée généreuse, l’ouverture de l’éducation à tous, a entrainé automatiquement une révolution. L’explosion du nombre d’apprenants et la médiatisation qui s’en est suivie, l’impossibilité d’enseigner en face à face, d’échanger de visu avec tous ces participants a eu de multiples effets bénéfiques.

Il faut reconnaître que fort peu nombreux étaient les enseignants qui avaient, jusque là, tiré réellement partie de leur LMS. Leur usage se réduisait le plus souvent à la mise à disposition de documents et à une communication unilatérale des enseignants vers les étudiants. Les forums, en particulier, remportaient peu de succès. L’usage plein et entier des plateformes n’avait pas dépassé une petite tribu d’enseignants enthousiastes et était resté un enseignement de niche qui ne réussissait pas ni à convaincre la majorité des profs ni les étudiants ni à s’intégrer dans l’organisation universitaire. Il était difficile de convaincre la majorité des enseignants dont la méthode de transmission du savoir était bouleversée par un outil. Persuader les étudiants qui sont, on ne le dira jamais assez, aussi conservateurs dans l’usage de l’Internet à l’université qu’ils sont novateurs dans son emploi pour leur vie personnelle, de l’intérêt d’une pédagogie qui signifie travail en autonomie, régulièrement tout au long de l’année et non au travers d’un coup de collier à la veille des examens, était un challenge. Obtenir de l’institution une organisation différente du temps universitaire et des emplois du temps parce que cette nouvelle méthode de travail, inhérente à l’emploi plein d’un LMS, appelée maintenant pédagogie inversée, remet en cause le découpage des emplois du temps, l’organisation des examens et tout le cadre de l’année universitaire, se heurtait à un mur.

Alors quoi de nouveau avec les MOOCs ?

C’est ce que nous discuterons dans un prochain message.

Leave a Comment

Filed under Non classé