Pour une orientation active à l’université. Réaction à un billet du Président UNEF

Posted by Yves Poilane on octobre 8th, 2015 under Non classé  •  1 Comment

Dans les pages débats du journal le Monde du jeudi 17 septembre 2015 (cf PJ), en réponse à la question « Faut-il plus de sélection à l’université », William Martinet, président de l’UNEF, explique pourquoi « il faut refuser de creuser les inégalités entre les diplômes » (titre de son billet) et donc pourquoi il faut refuser la sélection à l’entrée du Master.

Les arguments développés dans ce billet me semblent suffisamment discutables et révélateurs de confusions que l’on retrouve trop régulièrement dans les prises de position des uns et des autres sur cette question de la sélection dans l’enseignement supérieur, pour que je me propose d’apporter ma contribution au débat et, qui sait, peut-être en clarifier les termes.

La première confusion, objet du présent billet, découle d’une ambiguïté sur le rôle assigné à l’enseignement supérieur. Est-il d’abord destiné à permettre à chacun d’entre nous de s’instruire, d’enrichir ses connaissances en vertu d’un droit à l’instruction pour tout citoyen ? Ou est-il destiné à préparer l’insertion dans la vie professionnelle ?

De mon point de vue, le fait que l’âge minimum de fin de scolarité obligatoire soit fixé, en France, à 16 ans, ainsi que le fait que le baccalauréat se passe généralement à vers 18 ans, âge auquel on acquiert la majorité d’ailleurs, me laissent penser que l’État, le citoyen, considèrent qu’au-delà de 18 ans, l’instruction nécessaire est terminée. Dans cette hypothèse, la mission première de l’enseignement supérieur est de préparer à l’entrée dans la « vie active » et doit donc répondre à des objectifs d’employabilité des diplômés qu’il forme.

Pour autant, il n’est pas du tout illégitime que le système d’enseignement supérieur ait également une mission d’instruction si tant est que l’on sache bien distinguer, formation par formation, niveau par niveau, ce qui relève de l’instruction (qui ne peut être selon moi, je le répète, l’objet premier de l’enseignement supérieur) et ce qui relève de la professionnalisation (préparation à l’insertion professionnelle).

Dans les conditions actuelles, je pense que la coexistence des 2 finalités (instruction, professionnalisation) et surtout l’absence de caractérisation de chaque formation d’enseignement supérieur au regard de ces 2 finalités créent une grande confusion, qui explique en partie la prise de position de M Martinet.

En effet, les critères d’évaluation de la pertinence d’une formation ne peuvent être les mêmes pour les deux finalités. Pour la 1ère (l’instruction), il faut et suffit d’évaluer l’acquisition effective par les étudiants des connaissances et compétences qui auront été définies au regard d’un objectif d’instruction (ce que W Martinet appelle la « certification »). Pour la seconde, l’évaluation de la formation passe principalement par la mesure de l’employabilité à court et moyen termes de ses diplômés.

C’est notamment parce qu’il y a confusion entre ces 2 finalités, que certains pensent que l’enseignement supérieur peut/doit emmener ses étudiants le plus loin possible dans les études de leur choix sans considération des débouchés.

Ainsi, William Martinet peut-il écrire dans son billet : « …avec la délivrance du diplôme national, la certification permet aux diplômés de revendiquer collectivement une reconnaissance de leurs qualifications sur le marché du travail».

Mais, si l’obtention d’un diplôme reconnait un niveau d’instruction, elle ne donne pas droit à un emploi,que le diplômé pourrait « revendiquer ». Et ce d’autant moins que tant que la formation considérée sera gérée, aux plans qualitatif et quantitatif, sans considération des débouchés. En effet, comme le dit si bien lui même W Martinet, il s’agit d’un « marché de l’emploi ». Les employeurs proposent des offres de recrutement auxquelles les diplômés candidatent. Dans ces conditions, on ne voit pas bien ce qu’un diplômé pourrait « revendiquer ».

Par contre, il est effectivement de la responsabilité du système d’enseignement supérieur de veiller à la meilleure adéquation possible entre les flux annuels de diplômés, spécialité par spécialité, niveau par niveau et les besoins du marché du travail, tout en prenant en considération les aspirations des étudiants à chaque moment-clé dans le système d’enseignement supérieur. Exercice difficile et aux résultats imparfaits, mais discipline indispensable !

La sélection est donc totalement inévitable et souhaitable dans un système efficace d’enseignement supérieur, du fait de (et à la hauteur de) sa vocation professionnalisante.

Ceci permettra d’éviter aussi bien la déception des diplômés ne trouvant pas de travail dans les domaines dans lesquels ils ont été formés, parfois avec de longues voire très longues études, que des dépenses inutiles pour le système d’enseignement supérieur, économies qui pourront y être opportunément réinjectées.

En résumé de tout cela et en guise de conseils pour tous ceux qui planchent sur les voies et moyens de former à la fois des citoyens instruits et de futurs actifs (plutôt que des chomeurs) :
–Définissons tout d’abord clairement où s’arrête le droit à l’instruction dans le système éducatif français
–Mettons en place rapidement des enquêtes d’employabilité pour toutes les formations du supérieur qui seront qualifiées de professionnalisantes et assurons une correcte information des éventuels candidats à ces formations
–Prenons en compte les résultats de ces enquêtes d’employabilité pour faire évoluer les formations dispensées tant sur leur contenu que sur leurs flux

Dans un 2ème volet de réaction au billet de M Martinet, à paraître prochainement, j’aborderai le lien abusif qu’il fait entre sélection et discrimination sociale et démontrerai, je l’espère, que l’une (la sélection) peut aller sans l’autre (la discrimination).

Innover, c’est maintenant !

Posted by Yves Poilane on novembre 19th, 2012 under Non classé  •  No Comments

Il y a tout juste 10 jours, à l’issue du conseil des ministres du 7 novembre, la ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a proposé, parmi les « 15 mesures pour améliorer l’impact économique de la recherche publique », de créer « un cours dédié à l’innovation et à l’entrepreneuriat dans toutes les formations de l’enseignement supérieur » à la rentrée 2014.
En tant que Directeur d’une école dont la devise est « innover et entreprendre dans un monde numérique » (Télécom ParisTech) et Président d’un PRES de grandes écoles d’ingénieurs et de management, parmi les plus « grandes » (ParisTech), pour lesquelles le développement de l’innovation et de l’entrepreneuriat est l’une des priorités, je voudrais rebondir sur cette annonce  ; tout d’abord pour revenir sur ma vision de l’urgence qu’il y a à agir ; puis pour partager notre expérience et aussi nos questionnements en matière de formation à l’innovation dans l’enseignement supérieur en particulier et dans l’enseignement en général.

Bien sûr, il y a urgence !


Les exigences du monde du travail ont changé. Les grands groupes ont gardé le même nom, mais leurs besoins ont fondamentalement évolué (ref1) . A partir du moment où leur survie provient de leur capacité à renouveler les produits plutôt qu’à les perfectionner, à provoquer de nouveaux usages plutôt qu’à se conformer aux usages existants, à sauter sur les nouvelles vagues technologiques plutôt que de dérouler des roadmaps,… il est évident qu’il nous faut développer chez nos ingénieurs et scientifiques des compétences supplémentaires, au-delà de l’excellence scientifique. Et, puisqu’il s’agit également de former des entrepreneurs, notre mission devient, en plus, de développer  l’envie de créer, un goût du risque, la curiosité interdisciplinaire et un pragmatisme à toute épreuve… autant de traits qui ne comptent pas parmi les principales caractéristiques de la formation supérieure traditionnelle.
L’excellence scientifique : une condition nécessaire peut-être, suffisante certainement pas…
Car former d’excellents scientifiques ne suffit plus. Et, si, pour être visible mondialement, il faut avoir des prix Nobel, des médailles Fields parmi les professeurs et les diplômés, s’il faut avoir plus généralement un très haut niveau d’activité scientifique par enseignant-chercheur, il est manifeste que les très grandes universités scientifiques mondiales sont aussi celles qui ont su contribuer activement au développement de l’innovation en leur sein et dans leur écosystème (pensons au MIT avec le MediaLab, à Stanford à qui Google doit beaucoup…). Et, même si l’innovation de rupture ne peut venir que d’une recherche d’un niveau scientifique très élevé, ce serait une erreur de penser que cette condition nécessaire est … suffisante.
De la même manière, s’il est indispensable qu’un plus grand nombre de nos plus brillants jeunes étudiants en sciences, technologies et management poursuivent leurs études par un doctorat, s’il est certain que le doctorat stimule l’autonomie, favorise la remise en question, apprend à sortir des fausses pistes (autant de qualités nécessaires à un innovateur)… il ne faut pas croire que la seule augmentation des « ingénieurs-docteurs » suffira à doper le potentiel d’innovation de notre pays.
Cette augmentation devra aussi s’accompagner du développement d’une posture collective (des doctorants, de leurs directeurs de thèse, de leurs patrons de laboratoires) encore plus positive à l’égard de la transgression, de la prise de risque, de la recherche de nouveaux paradigmes en rupture par rapport aux écoles de pensée installées… mais aussi, çà ou là, à l’égard du monde de l’entreprise et de l’économie de marché.
Innovation et entrepreneuriat : l’enseignement supérieur français ne part pas de zéro, loin de là ! Ce qu’il lui faut maintenant, ce sont des moyens…

Le politique a décidé de se saisir de cette question, et on ne peut que s’en réjouir. Mais, considérant la multitude d’initiatives prises par les établissements depuis plus de 10 ans dans le domaine, son rôle est à mon sens moins d’imposer un dispositif nouveau que :
-d’une part, de s’inspirer des expériences et pratiques existantes pour en faciliter la généralisation, par le partage d’expérience et surtout par la mise à disposition des moyens humains et financiers permettant cette généralisation ;
-d’autre part, de soutenir les initiatives innovantes des établissements pour aller encore plus loin, puisque, comme on le verra, les idées les plus avancées n’ont pas toutes été encore mises en œuvre même dans les établissements les plus en pointe.
Ainsi, considérons les dispositifs désormais bien ancrés dans les grandes écoles, par exemple au sein des écoles de ParisTech : le réseau PIMREP (ParisTech Innovation Management Research and Education Programme) a inventorié ces dispositifs au travers de son premier libre blanc en 2009 (www.telecom-paristech.fr/pimrep/ ) avec les programmes mis en place par IOGS, ESPCI ParisTech, Mines ParisTech, Polytechnique, HEC Paris ou Télécom ParisTech, pour ne citer que les écoles les plus en pointe.
Considérons le dispositif « Pôles de l’Entrepreneuriat Etudiant », lancé en novembre 2009 par le MESR, avec pour objectif « de développer …des outils de sensibilisation, de formation et d’accompagnement afin de promouvoir l’envie d’entreprendre, l’esprit d’innovation et le sens du risque » chez les étudiants du supérieur ; et considérons ce qui a été fait dans le cadre de P.E.E.P.S., projet lauréat de ce dispositif pour Paris-Saclay, rassemblant Grandes Ecoles (dont celles de ParisTech) et universités (celles partenaires de l’Université Paris-Saclay) http://www.u-psud.fr/fr/peeps.html.

Enormément de choses sont donc déjà faites pour stimuler l’innovation et l’entrepreneuriat, mais, à l’heure où le budget de l’enseignement supérieur n’est plus prioritaire pour l’Etat français, à l’heure d’une réduction de près de 12% du budget de fonctionnement de mon école et de 2,5% de son cadre d’emplois pour 2013 (et cette situation n’est pas atypique au sein des Grandes Ecoles), comment peut-on poursuivre ces initiatives et, a fortiori, les amplifier ? Il est indispensable que l’Etat dégage des ressources spécifiques pour l’enseignement supérieur sur ce seul objectif. Ce n’est pas le cas pour 2013.

Quels enseignements en tirer ? Comment aller plus loin ?

 
Tout d’abord, que l’innovation et l’entrepreneuriat passe par des projets inter-établissements. Les projets ont en effet, de l’expérience de leurs initiateurs, tout à gagner, à la fois pour leur performance intrinsèque et pour leur vertu pédagogique, à être réalisés dans un cadre multi-école. Ce cadre intégrant plusieurs spécialités (ingénieur, gestionnaire, designer, artistes) et plusieurs cultures (sociales, nationales,…) constitue clairement un stimulateur de la créativité, une invitation à penser « out of the box »…

A cet égard, les regroupements institutionnels en cours sont une opportunité exceptionnelle pour rendre possible ces aventures, dans le cadre des Initiatives d’Excellence. Mais au cas particulier de l’Ile-de-France, eu égard à la distribution géographique des compétences d’établissements sur les différents domaines pertinents, il est indispensable que chaque IDEX/Campus veille à développer des coopérations avec ses voisins hors campus. Ainsi pour Paris-Saclay, la coopération avec les grandes écoles de design franciliennes (toutes dans Paris Intra-muros) et avec les grandes universités des arts et lettres (présentes dans Paris Intra-muros également) sera de plus en plus indispensable.

En outre, sur ce point comme sur d’autres, l’enfer est dans les détails. La généralisation de projets communs inter-établissements bute aujourd’hui sur un principe de réalité, qui est celui de l’absence de concordance des emplois du temps, rendant quasiment impossible d’organiser des projets communs dans les cursus, sauf le soir et week-end ! Les établissements ont réussi à se coordonner pour dégager le jeudi après-midi pour le sport, ne pourrait-on pas faire de même pour un objectif national comme celui de former des innovateurs ?

Enfin, je retire également de nos expériences qu’il est certainement urgent de mettre en place un référentiel puis un système de certification pour les formations à l’innovation. Non pas pour complexifier le système, mais pour permettre aux différents acteurs (écoles, universités, étudiants, entreprises) de se repérer dans un référentiel stabilisé afin de dépasser le flou ambiant qui veut que tout le monde forme à l’innovation, et que du coup personne ne le fait. L’explicitation de référentiels, voire de labels déclinés dans les différents secteurs de formation, permettrait de s’y retrouver. PIMREP a ouvert la voie, en proposant une typologie dans son livre blanc (référence plus haut), qui pourrait alimenter d’utiles réflexions au niveau du MESR.

Quelle limite au rôle de l’enseignement supérieur dans cette ambition de rendre la France plus innovante ?

Selon moi, l’innovation et l’entrepreneuriat en France ne se développeront pas seulement par la vertu de simple « cours » (même dans une acception plus large de « dispositif pédagogique »), ni même de projets menés dans le cadre d’une « pédagogie active », dans l’Enseignement Supérieur. Il s’agit bien aussi de faire évoluer les comportements,  les attitudes, les mentalités des étudiants et de leurs enseignants, pour stimuler leurs actions innovantes et entrepreneuriales.

Au-delà de celui de la nécessité d’une cohérence entre l’ambition politique et les moyens de cette ambition, je tire deux enseignements personnels de nos expériences.

Ce que nous pouvons faire dans les 3 à 8 ans pendant lesquels nos étudiants fréquentent nos établissements ne peut dispenser d’une réflexion sur ce qui doit être fait dans les 15 années qui précédent, période clé de la construction des personnalités. A cet égard, pour toute personne qui a pu prendre connaissance de la façon dont l’enseignement est dispensé aux Etats-Unis, le contraste est saisissant.

Sans faire de l’enseignement américain un modèle (car il a ses limites, voire ses lacunes en terme d’apprentissage des savoirs de base), l’approche du rapport enseignant-enseigné, la place faite à l’élève agissant, la place des activités créatives, le rapport à l’erreur, sont autant de caractéristiques de ce système qui font certainement plus pour l’innovation aux Etats-Unis que n’importe quel cours sur l’innovation ou n’importe quelle thèse de doctorat.

Alors n’est-il pas urgent que nos deux ministres de « l’éducation » (au sens large) se penchent ensemble sur cette question, qui est bien une priorité nationale ?

 

ref 1 : Midler Christophe, Maniak Rémi et Beaume Romain 2012. Réenchanter l’Industrie par l’Innovation. Paris. Dunod

Amour et preuves d’amour…

Posted by Yves Poilane on août 1st, 2012 under Non classé  •  No Comments

Mon école, Télécom ParisTech, est engagée depuis 4 ans dans un mouvement stratégique sans précédent, dans le cadre plus large d’une restructuration profonde de l’enseignement supérieur français.

Déménagement à Saclay pour construire un « campus cluster » à l’américaine, alliant formation supérieure, recherche et innovation, dans l’excellence ; rapprochement entre Grandes Ecoles pour mettre fin à la visibilité très réduite qui en résulte au plan international, rapprochement avec les Universités et les organismes de recherche pour tirer le meilleur parti de chacun des 3 principaux « instruments » de l’enseignement supérieur et de la recherche français.

L’investissement du précédent Président de la République et de son Gouvernement dans cette transformation profonde a été tel que la question que chacun se pose désormais est de savoir si la nouvelle majorité, présidentielle et parlementaire, poursuivra le travail engagé, y apportera quelques inflexions, ou opérera des virages stratégiques voire des « retours arrières ».

Voici mes premières réflexions très personnelles, au travers de ce que j’ai pu lire ou entendre, par le truchement de personnes bien plus proches du pouvoir que je ne le suis.

Indiquons tout d’abord que, traditionnellement, une majorité de gauche est favorable au soutien de l’enseignement secondaire et supérieur. Il me semble donc que la nouvelle majorité accordera à ce sujet l’importance qu’il mérite.

Le mouvement de concentration dans l’enseignement supérieur ne semble pas vouloir être freiné, pas plus que celui de rapprochement des grandes écoles et des universités. La sensibilité traditionnelle de la gauche pourrait toutefois amener à une inflexion sur les principes de gouvernance des nouveaux objets, avec une représentation accrue des communautés, des collectifs au détriment des agents économiques (je pense notamment aux entreprises), ce qui est un vrai sujet pour les Grandes Ecoles, pour qui la présence d’entreprises dans leur gouvernance et dans leur organe d’habilitation (la CTI pour le diplôme d’ingénieur) est un élément déterminant de la pertinence de leurs choix stratégiques.

Les prises de position de la Ministre de l’enseignement supérieur sur les investissements d’avenir (ne les remettant pas en cause sur le principe, demandant simplement à ce que certains outils soient revus, comme les IRT ou les SATT), sont également là pour laisser penser à une continuité de l’action.

La construction d’un campus-cluster à Paris Saclay semble également devoir rester un objectif de la nouvelle majorité. La nomination comme conseiller du Président de la République pour l’enseignement supérieur de celui qui était jusqu’à il y a peu le directeur de l’ENS Cachan et le premier promoteur de son déménagement à Saclay est bon signe à cet égard.

Pour autant, les débats qui s’engagent, sous la houlette de la Ministre en charge du Grand Paris, Cécile Duflot, sur la priorité à accorder aux diverses lignes du réseau automatique du Grand Paris, avec notamment la question de savoir s’il faut privilégier la ligne rouge ou la ligne verte (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Reseau_primaire.svg) font craindre à de nombreux acteurs de Paris Saclay, que notre campus cluster ne reste durablement desservi par la combinaison d’un RER B cahotique et d’un TCSP lilliputien… ce qui serait une erreur stratégique majeure, car ce campus cluster, ce sont les emplois de demain….

Tout ceci pour conclure que, finalement le plus grand risque sur ce chantier de fond de construction de l’Université Paris Saclay, et sa déclinaison à notre modeste école, est le risque économique et budgétaire, car tout ceci coute de l’argent, et des sommes conséquentes.

En politique comme ailleurs, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour…

Espérons que ce gouvernement aimera suffisamment son enseignement supérieur et sa contribution potentielle au redressement économique du pays pour faire les bons choix et donner les bonnes preuves.

Financement des études supérieures professionnalisantes : la fin du tabou pour les établissements publics ?

Posted by Yves Poilane on mai 3rd, 2012 under Non classé  •  1 Comment

La formation d’ingénieur autour de 1000 €/an, la formation Master 2 autour de 250€/an, sera-ce encore possible dans les années à venir ?
Avec l’explosion des dettes publiques, dont celle de la France, la question du financement des missions d’intérêt général revient sur le devant de la scène dans tous les pays d’Europe. En France, cette question est masquée pour encore quelques semaines par les campagnes électorales, présidentielle puis législatives. L’impossibilité d’accroître la pression fiscale condamne les pays à réduire les prestations et/ou à augmenter les tarifs de ces missions de service public, lorsque celles-ci sont tarifées.

Faire payer plus cher les études supérieures professionnalisantes, une politique de gauche ?
Ces pratiques font évidemment hurler les partis d’opposition des gouvernements au pouvoir, qu’ils soient de gauche ou de droite. Partis d’opposition de droite par nécessité politicienne, partis d’opposition de gauche, au nom d’une vision sociale des services publics.
Pourtant, s’il y a un domaine où gauche et droite devraient se retrouver dans une politique de tarifs orientés vers les coûts (et donc de hausse des « tarifs »), c’est bien celui de l’enseignement supérieur public professionnalisant.

Quelle alternative trouver ? : quand on connaît les salaires d’embauche des diplômés de l’enseignement supérieur professionnalisant (c’est-à-dire préparant à l’exercice d’un métier, tel qu’apprécié au travers d’enquêtes 1er emploi régulières portant à la fois sur l’employabilité à la sortie et sur les salaires afférents), même (surtout) lorsqu’on est de gauche, on ne peut que vouloir que ces diplômés, très correctement payés, renvoient aux établissements qui leur ont dispensé cette formation, une partie de leur salaire pour couvrir les coûts de cette formation.

Faire payer autrement les études supérieures professionnalisantes, une politique sociale et vertueuse ?
La mise en oeuvre d’une telle approche :
-imposerait aux parties prenantes de l’enseignement supérieur de se poser la question du caractère professionnalisant ou pas de chacune des formations supérieures et éclairerait d’un jour nouveau le débat permanent entre « droit à la connaissance » et « apprentissage d’un métier » dans les finalités de l’enseignement supérieur (dans sa dimension formative).
-serait socialement juste et je dirai même, sans provocation, militante « de gauche », quand on sait qu’un ingénieur diplômé ou un diplômé Master 2 gagne en moyenne plus de 33 k€/an brut (soit le double du SMIC annuel) et un diplômé BTS/DUT, plus de 26 k€/an brut (soit 60% de plus que le SMIC annuel)
-serait vertueuse si les tarifs pratiqués étaient, peu ou prou, en rapport avec les salaires réellement perçus par les diplômés, car encouragerait les établissements à se pencher plus encore sur l’employabilité de leurs diplômés.

Deux mécanismes pourraient être envisagés :
Le plus simple : L’augmentation des frais de scolarité, assortie de prêts à taux bonifiés. C’est la voie dans laquelle se sont engagées les écoles de management depuis de nombreuses années. On pourrait même imaginer un système un peu plus sophistiqué avec dispense ou différé de remboursement en cas de mauvaise employabilité (une espèce de « satisfait ou remboursé »).
Le plus juste : Un impôt spécial sur les salaires à la sortie, pendant une période de 5 à 10 ans. Cette deuxième option a été proposée il y a 1 an par Tom McKenzie, chercheur à la Cass Business School de Londres, et Dirk Sliwka, professeur à l’Université de Cologne, dans un rapport qui fît un peu de bruit à sa sortie (http://www.lesechos.fr/medias/2012/03/29/164253_0201379553512_print.pdf)
Dans tous les cas, bien sûr, le système comprendrait un dispositif renforcé de dispenses et même de bourses pour les étudiants issus de milieux modestes (bien plus équitable que la « quasi-gratuité » pour tous. Mais tout le monde sait bien cela)

Le contexte français n’a jamais été aussi favorable à la mise en place de l’un ou l’autre des dispositifs :
Le réalisme budgétaire qui va présider aux décisions du gouvernement de l’été 2012, qu’il soit de droite ou de gauche, va, je pense, créer les conditions d’une mise sur la table de ce dossier.
Cela tombe bien car ce dossier semble mûr, j’en veux pour preuve que même le think-tank Terra-Nova, proche du PS, a proposé l’augmentation des frais de scolarité dans un rapport de l’été 2011.
Nous noterons également que la hausse de frais de scolarité figure explicitement dans les propositions de la Conférence des Grandes Ecoles aux candidats à l’élection présidentielle, traduisant ainsi la sensibilité de la très grande majorité des directeurs d’écoles d’ingénieur, notamment publiques. http://www.cge.asso.fr/presse/CGE_DOC-P-2012_BATofficiel.pdf (page 25, proposition B1)
Un mouvement concerté des plus grandes d’entre elles, au moment où l’Ecole Polytechnique, la plus prestigieuse, se prépare à durcir les conditions d’exemption du remboursement de la pantoufle, est possible. Je le sais pour en avoir discuté à plusieurs reprises avec mes homologues. (Au fait cette pantoufle n’est-elle pas une forme de remboursement différé des frais engagés par l’établissement durant la scolarité ?)
Alors, oui, pour les écoles d’ingénieurs au moins, le moment semble venu…

Un mécanisme complémentaire de celui de l’appel au don des diplômés :
Tous les établissements d’enseignement supérieur sont engagés, via des fondations, dans le développement de la collecte de dons, volontaires, auprès des entreprises et de leurs diplômés.
Tous savent que la collecte est difficile et qu’il faudra des années pour que s’installe en France, chez nos diplômés, l’habitude de soutenir les établissements qu’ils ont fréquentés, comme c’est assez habituel en Grande Bretagne ou aux Etats-Unis.
Installer l’habitude du retour à son établissement d’origine par des frais de scolarité plus proches des coûts ou par un « impôt » dans les premières années après la diplômation n’est pas contradictoire
avec la recherche du soutien volontaire auprès de l’ensemble des diplômés, au contraire. L’expérience montre en effet que, plus la conscience du coût de la formation est grande (et quelle meilleure façon de donner cette conscience que de faire payer le « juste prix »), plus leur propension à donner est importante.
En outre, l’expérience des démarches d’appel à don montre que les jeunes diplômés donnent assez peu spontanément à leurs établissements. Le don advient avec le recul de l’âge et l’expérience, lorsque le diplômé ressent le besoin de renvoyer à son école un peu de ce qu’elle lui a apporté, que son capital et ses revenus croissent .. et que les charges de famille commencent à baisser. Alors, oui, une telle approche nous paraît tout à fait complémentaire et même facilitante de celle de l’appel au soutien dans lequel tous nos établissements sont engagés.