Mon école, Télécom ParisTech, est engagée depuis 4 ans dans un mouvement stratégique sans précédent, dans le cadre plus large d’une restructuration profonde de l’enseignement supérieur français.
Déménagement à Saclay pour construire un « campus cluster » à l’américaine, alliant formation supérieure, recherche et innovation, dans l’excellence ; rapprochement entre Grandes Ecoles pour mettre fin à la visibilité très réduite qui en résulte au plan international, rapprochement avec les Universités et les organismes de recherche pour tirer le meilleur parti de chacun des 3 principaux « instruments » de l’enseignement supérieur et de la recherche français.
L’investissement du précédent Président de la République et de son Gouvernement dans cette transformation profonde a été tel que la question que chacun se pose désormais est de savoir si la nouvelle majorité, présidentielle et parlementaire, poursuivra le travail engagé, y apportera quelques inflexions, ou opérera des virages stratégiques voire des « retours arrières ».
Voici mes premières réflexions très personnelles, au travers de ce que j’ai pu lire ou entendre, par le truchement de personnes bien plus proches du pouvoir que je ne le suis.
Indiquons tout d’abord que, traditionnellement, une majorité de gauche est favorable au soutien de l’enseignement secondaire et supérieur. Il me semble donc que la nouvelle majorité accordera à ce sujet l’importance qu’il mérite.
Le mouvement de concentration dans l’enseignement supérieur ne semble pas vouloir être freiné, pas plus que celui de rapprochement des grandes écoles et des universités. La sensibilité traditionnelle de la gauche pourrait toutefois amener à une inflexion sur les principes de gouvernance des nouveaux objets, avec une représentation accrue des communautés, des collectifs au détriment des agents économiques (je pense notamment aux entreprises), ce qui est un vrai sujet pour les Grandes Ecoles, pour qui la présence d’entreprises dans leur gouvernance et dans leur organe d’habilitation (la CTI pour le diplôme d’ingénieur) est un élément déterminant de la pertinence de leurs choix stratégiques.
Les prises de position de la Ministre de l’enseignement supérieur sur les investissements d’avenir (ne les remettant pas en cause sur le principe, demandant simplement à ce que certains outils soient revus, comme les IRT ou les SATT), sont également là pour laisser penser à une continuité de l’action.
La construction d’un campus-cluster à Paris Saclay semble également devoir rester un objectif de la nouvelle majorité. La nomination comme conseiller du Président de la République pour l’enseignement supérieur de celui qui était jusqu’à il y a peu le directeur de l’ENS Cachan et le premier promoteur de son déménagement à Saclay est bon signe à cet égard.
Pour autant, les débats qui s’engagent, sous la houlette de la Ministre en charge du Grand Paris, Cécile Duflot, sur la priorité à accorder aux diverses lignes du réseau automatique du Grand Paris, avec notamment la question de savoir s’il faut privilégier la ligne rouge ou la ligne verte (http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Reseau_primaire.svg) font craindre à de nombreux acteurs de Paris Saclay, que notre campus cluster ne reste durablement desservi par la combinaison d’un RER B cahotique et d’un TCSP lilliputien… ce qui serait une erreur stratégique majeure, car ce campus cluster, ce sont les emplois de demain….
Tout ceci pour conclure que, finalement le plus grand risque sur ce chantier de fond de construction de l’Université Paris Saclay, et sa déclinaison à notre modeste école, est le risque économique et budgétaire, car tout ceci coute de l’argent, et des sommes conséquentes.
En politique comme ailleurs, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des preuves d’amour…
Espérons que ce gouvernement aimera suffisamment son enseignement supérieur et sa contribution potentielle au redressement économique du pays pour faire les bons choix et donner les bonnes preuves.