Bien connaître son Corps professoral ?   Un enjeu stratégique majeur pour les Institutions d’Enseignement Supérieur !

La compétition internationale que se livrent les grands établissements portent également sur le recrutement de talents étoilés. Comme pour les dirigeants de ces établissements une forme de Mercato existe aussi pour les professeurs et des sites spécialisés (AKADEUS https://www.akadeus.com ) en font une activité visible,  cela est explicite pour l’univers des écoles de management. Cette préoccupation ne concerne pas que les écoles de management, privées ou publiques, mais également les écoles d’ingénieur, de tout statut, qui ont des préoccupations voisines, certes basées sur des modalités de prestations différentes. Les mêmes recommendations s’appliquent modulo leurs expertises spécifiques.

Ce n’est pas le seul enjeu, car désormais outre les expertises reconnues en recherche, publication et enseignement, vient s’ajouter la capacité à s’adresser à des publics professionnels de haut niveau et plus seulement à des étudiants en formation initiale. Nouvelle compétence, nouvelle posture qui appelle de nouvelles façons d’animer et de faciliter les échanges au sein d’un groupe hautement qualifié.

Quand l’argent vient à manquer !

La pénurie attendue des ressources financières (cf. le rapport Montaigne lien plus bas) amène en effet Universités et Grandes Ecoles à s’intéresser au marché de la formation permanente, encouragé en cela par les nouveaux dispositifs de la loi sur la formation professionnelle.

Il faut donc mobiliser les ressources expertes dans ces institutions, encore faut-il bien les connaître. Ce n’est pas toujours le cas.

Si les Universités et Grandes Ecoles maîtrisaient  mieux les expertises de leur faculté, bien des projets seraient possibles intéressants pour les deux parties.

Peut-on manager des experts ?

Mais, on ne manage pas un corps professoral comme une équipe opérationnelle en entreprise.  Le N°168-169 de la Revue Française de Gestion de Décembre 2006 : Le Management des Professionnels sous la Direction de Maurice Thévenet (cf. lien plus bas)  adresse ce sujet avec pertinence et réalisme. Le management d’une grande institution est  sans doute plus proche de celui d’une abbaye que d’une entreprise, même si les aspects de gestion financière sont les mêmes dans tous les cas, et que le bon sens  doit dominer  dans l’équilibre des produits  et des charges.

Le Doyen ou le Directeur Général, se doit de connaître dans le détail sa faculté, et doit s’imposer la discipline de lire tout ce qu’elle produit. Dans la même veine, il lui faut passer au minimum deux heures par an avec chacun des professeurs pour mieux  connaître et apprécier ses travaux, recherches et publications, et  éventuellement l’aider dans ses projets à trouver les bons contacts, partenaires, voire les sources de financement.

Motiver un corps professoral ne consiste pas à lui donner des ordres, sur un mode « push » comme disent les anglo-saxons. Il s’agit plutôt  de bien identifier les projets individuels et de les amener, en une transaction créative et équilibrée, à se mettre en cohérence avec les projets collectifs et institutionnels, à conditions que ces derniers soient explicites. Tout ceci exige une posture, une disponibilité, une capacité d’écoute, d’engagement personnel et de reformulation adaptée.

Le constat, à l’expérience de l’audit et de la consultation dans de nombreux établissements d’enseignement supérieur est que cette démarche ne se fait pas et que le corps professoral vit sa vie de son côté, répondant plus ou moins bien aux injonctions de la Direction générale, se protégeant le mieux possible quand les tensions apparaissent,  en se bornant à livrer ce qui est  contractuel. A trop presser sur une éponge on en perd la substance !

Une posture différente pour les Directeurs.

Un Doyen/Directeur  au service de sa faculté est qualifié dans la littérature managériale comme un « servant leader », un leader qui « sert mais ne se sert pas » ! Ce renversement  de posture, bien peu latin en fait, est de même nature que le mouvement teaching/learning, push/pull, centrage client et non produit,  attention donnée à la périphérie et non au central. Le dirigeant est au service de son institution et de ses membres, « leading from behind »,  s’il porte l’institution, il n’utilise pas l’institution pour sa promotion personnelle.

Et pourquoi faire cet effort ? En premier lieu parce que le corps professoral est la principale ressource, et aussi le principal centre de coûts d’une institution. Ressource rare par les temps qui courent, et ressource qui a la particularité de développer elle-même son employabilité, avec des  investissements personnels importants,  mais aussi  ses propres réseaux de qualification, voire d’employeurs futurs.

Ceci lui confère la fameuse liberté académique, et aussi un pouvoir de négociation que la plupart des salariés n’ont pas. Certains  Directeurs  peuvent craindre cette situation inhabituelle. Mais il faut savoir que la légitimité d’un Directeur Général de Grande Institution ne vient pas de son statut ou de sa position hiérarchique, et que l’usage de l’autorité est rarement efficace. L’exemplarité, l’écoute et  le charisme, c’est-à-dire ce que l’on donne aux autres, sont plus importants. Ce qui n’interdit pas de développer une vision partagée et de rechercher des partenariats  financiers.

Un marché solvable.

Principale ressource, certainement, mais aussi vraisemblablement  principale source de ressource.

Les institutions publiques se tournent vers l’Etat pour leur financement, et quand celui-ci n’a plus les moyens, elles sont souvent désorientées, car elles ne savent pas qu’il existe d’autres sources de financement.

Or, une des constantes de notre environnement actuel, fait que les entreprises, et les organisations au sens large, sont en constante mutation et transformation. Il n’y a pas une organisation qui n’a pas de besoins, de projets, ou de problèmes à gérer qui appellent à regarder les expertises externes disponibles. Les prestations couvrent aussi bien les domaine de la gestion et du management, que les domaines de l’ingénierie. Toutes les innovations et apports des nouvelles technologies sont autant d’opportunités pour les écoles d’ingénieur : innovation lab, design thinking, fab lab, transformation digitale, SPOC…la liste est longue. Sans parler de tout ce que font déjà les laboratoires de recherche avec les entreprises industrielles, comme le démontre régulièrement et depuis longtemps l’Université de Strasbourg dans le domaine de la santé, ou l’école Centrale de Lyon  avec les industries mécaniques  et l’étude des flux ou des vibrations. Les exemples internationaux  abondent, notamment  en Amérique du Nord, ou les « endowments »  des entreprises et anciens élèves (dotations) financent une bonne partie de la recherche.

Le marché n’est pas limité et qui plus est, souvent solvable, à condition de savoir l’approcher et de prendre  le temps de le comprendre.

Les expertises sont là, dans les institutions d’enseignement supérieur, encore faut-il les connaître et les adapter au marché. Ce rôle important revient en premier chef au Dirigeant et à ceux qui s’occupent de la relation avec les entreprises et/ou de la formation continue et autres prestations.

La chaîne de  création de valeur est claire : les expertises (donc les experts) génèrent  des offres (programmes, cours, diplômes, recherches) qui créent des activités. Celles-ci se confrontent au client/partenaire, ce qui génère des flux financiers renouvelables, si le client est satisfait. Ces flux financiers sont contractualisés sous forme de partenariats (contrat de recherche, chaire, prestation de haut niveau, fundraising…) qui à leur tour vont renforcer les expertises ou en développer de nouvelles.

Une situation win-win.

Le bénéfice secondaire d’une telle approche consiste à se doter  d’une collection de  business cases  ou plus exactement de « belles histoires à raconter » tant à ses clients qu’aux media plutôt que de dire  simplement qu’on est la meilleure école. C’est aussi de cette façon que l’on construit et  enrichit l’identité de l’institution.

La mission du dirigeant est celle d’un agent qui rapproche les expertises marketables des besoins du marché et monétise cette transaction au profit de l’institution, en y intéressant l’expert associé.

La cartographie des expertises est à mettre en regard de la cartographie des partenaires stratégiques et de leurs besoins, en s’assurant que la logique des transactions est conforme à la stratégie, aux valeurs et à l’identité,  de l’institution. Les logiques de transaction sont largement décrites dans les pratiques de B to B, propres au Marketing Industriel, avec les outils adaptés (CRM : customer relationship management).

Il reste néanmoins s’assurer que les experts en interne comprennent l’intérêt d’une telle démarche, y adhèrent, et soient prêts à faire les efforts de qualification pour s’adapter aux besoins du client. Souvent ce dernier ne recherche pas tant une formation qualifiante, pour lui-même ou ses équipes, mais bien des solutions, l’amélioration de ses performances, l’aide au déploiement d’un projet, ou la mise au point d’une innovation.  Le format de cours, la pédagogie traditionnelle descendante, ne sont plus adaptés. On se rapproche de la consultation, de la facilitation ou de l’accompagnement.  Les  enseignants qui s’y engagent, y trouvent   beaucoup d’intérêts : nouveaux cas pratiques à utiliser en pédagogie,  renouvellement des contenus,  adaptation aux nouvelles technologies, financement de recherche, chaires, sujets de publication, placement de stagiaires…

Et les institutions  améliorent d’autant leur image auprès de ces nouveaux partenaires financiers.

Dans la plupart des pays occidentaux,  l’évolution croissante des coûts de  l’enseignement supérieur engendre des débats sans fin. La puissance publique ne peut  malheureusement pas indéfiniment financer cette activité  de haute technologie, sans demander aux institutions et aux bénéficiaires de participer à cet effort.

Le  rôle des Dirigeant d’institution d’enseignement supérieur passe par cette démarche de connaissance de son environnement pour mieux le servir. Et mieux le servir implique qu’il connaisse les ressources disponibles de son institution qu’il peut mettre à disposition.

Les Directeurs de Grandes Ecoles ou Président d’Université doivent  désormais comprendre qu’ils ont d’autres clients que leurs étudiants, ou les classes préparatoires. Ce client est l’entreprise ou les organisations au sens large, et de toute façon  c’est bien là que les diplômés iront en fin de compte.

Mais en attendant  pour des raisons matérielles honorables ils doivent prendre en compte ces nouveaux partenaires et s’associer les corps professoraux dans cette démarche.

Pour conclure, il devient clair que le rôle des Dirigeants de Grandes institutions évolue significativement. Ils deviendront  désormais des « Entrepreneurs in Academia » avec toute la richesse et la complexité des nouvelles missions attendues.

 

 

Différentes entrées du blog EducPros adressent ces questions.

http://blog.educpros.fr/bruno-dufour/

 

http://rfg.revuesonline.com/resnum.jsp?editionId=833&Submit2.x=3&Submit2.y=6

http://www.institutmontaigne.org/fr/publications/business-schools-rester-des-champions-dans-la-competition-internationale

 

 

 

 

 

 

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