Le covid 19 aura-t-il eu raison du baccalauréat ?

Le dispositif qui faisait du baccalauréat à la fois la condition et la garantie d’un accès à l’enseignement supérieur, a progressivement disparu. Parcoursup représente un épisode crucial de cette évolution.
Il n’en est pas moins remarquable que si l’annonce que, pour la session 2020, le brevet, le bac de français et le baccalauréat seront validés grâce aux notes du contrôle continu, a suscité beaucoup de réactions, celles ci témoignent en fait d’une très imparfaite compréhension de ce qu’est déjà devenu le baccalauréat.

Aujourd’hui les accès à l’enseignement supérieur, notamment les répartitions entre les diverses voies, sont examinés AVANT que les résultats des baccalauréats soient connus. La phase d’ADMISSION qu’institue Parcoursup débutera pour l’exercice 2020 le 19 mai, sur base de dossiers qui ont été examinés en amont et qui sont très largement constitués des bulletins scolaires des candidats (et donc pour une part des notes qui, cette année, serviront aussi au contrôle continu qui permettra de décerner les baccalauréats 2020). Ironiquement, la date limite de dépôt avait été fixée au 2 avril ce qui, pour l’anecdote, correspond à la veille même de l’annonce par le ministre du remplacement du baccalauréat par du contrôle continu.
Pour mémoire et comparaison, je rappelle que les épreuves du bac général et technologique 2020 devaient initialement démarrer le mercredi 17 juin 2020, et se terminer le mercredi 24 juin tandis que les épreuves anticipées de Français étaient prévues le mercredi 17 juin 2020.

En réalité, l’enjeu majeur de l’obtention ou de la non-obtention du baccalauréat est devenu la réalisation, ou pas, des propositions issues de Parcoursup. Il y a donc une logique à ce que la validation de l’accès au supérieur corresponde à un dispositif unique marquant aussi la fin des études secondaires. C’est cette cohérence là que le baccalauréat portait naguère et qui est rétablie au hasard du covid-19, du confinement et de l’impossibilité de tenir une session d’écrits à la période habituelle.
On notera que si la forme que prend l’évaluation (terminal vs contrôle continu) n’est pas totalement indifférente, il n’est pas certain qu’elle affecte un diplôme qui a, avant tout, une valeur d’usage, notamment comme mode d’accès à une forme de diplomation. Il restera néanmoins à étudier quelle importance peut avoir, au delà des symboles, la nature de l’évaluation pour ceux qui ne poursuivent pas d’études une fois le baccalauréat obtenu (ainsi 37% des bacs pro https://www.letudiant.fr/bac/bac-pro/article/quelles-sont-vos-chances-de-poursuite-d-etudes-apres-un-baccalaureat-professionnel.html ) et quelle influence cela aurait sur leur employabilité ou sur celle de ceux qui n’auront pas obtenu une diplomation dans l’enseignement supérieur.

Quoi qu’il en soit, la question soulevée ici demeure : pourquoi ne pas utiliser la rupture créée par le passage contraint à un contrôle continu pour réfléchir à l’articulation entre le secondaire et le supérieur, par exemple en reprenant l’examen global, un moment envisagé, des liens entre bac -3 et bac+3 ?
Dans sa forme actuelle le baccalauréat n’avait de toute manière pas d’avenir. Un « nouveau bac » est déjà en route qui pourtant n’intègre toujours pas la césure qu’introduit Parcoursup. Ce « nouveau bac » poursuit la fiction d’un bac comme objet en soi et refus de l’envisager comme le passage entre deux ordres d’enseignement que la plupart des lycéens empruntent.

La décision de valoriser le contrôle continu correspond (correspondra ?) à un réel bouleversement, cela est bien certain, mais, justement, pourquoi ne pas profiter de l’aspiration à réfléchir au « jour d’après », à ce nouveau monde qui tarde à venir, dont l’émergence a bien besoin de décisions de rupture.

Parmi les thèmes évoqués par les réflexions orientées vers la pensée du « jour d’après », climat, santé, démocratie, la formation est, une fois encore, absente, comme s’ils n’étaient pas liés à l’éducation. Pourtant ni le souci de la biodiversité, ni le sens de la solidarité ne sont spontanés, ils ont leur part d’apprentissages !

Pendant ce temps là, la forte ségrégation académique qui fait l’exception française, comme le rappelaient les deux premiers billets de cette mini-série, constitue un frein majeur, qu’accompagne l’impuissance de la succession des réformes et la dévalorisation de cette part de la population qui est exclue du système éducatif, bac ou pas bac.

Tout ne va pas se résoudre par l’arrivée du contrôle continu, faut-il le dire ?

Pourtant, cesser de modéliser l’enseignement en fonction du baccalauréat, penser les parcours d’études en termes de valorisation du travail au quotidien (en rupture avec la notion, précisément, de « bachotage ») permettrait de mieux construire le passage à l’enseignement supérieur. Si l’on ajoute, par exemple, cette idée que la forme « couperet » qui fait partie du mythe du baccalauréat, se rapproche de celle des concours, là encore pratique très française, il y a de quoi nourrir la réflexion autour d’un « baccalauréat » passage et non terminal.

Sans doute les pesanteurs sont-elles lourdes, les blocages réels et les partis pris idéologiques fort prégnants, mais une fois constaté que le baccalauréat a pu être remplacé sans effondrement de tout le système éducatif, un grand pas aura été accompli. Restera à faire confiance aux équipes pédagogiques plutôt que de persévérer dans un pilotage par le haut dont le dernier exemple en date est l’introduction dans le « nouveau bac » d’un « grand oral » directement modélisé par Sciences Po ; au moment où s’affirme la remise en cause de l’ENA ; cherchons l’erreur.

Contradictions de la gestion de l’accueil dans l’enseignement supérieur, faible diplomation à l’université, pratiques d’éducation prioritaire contreproductives, insuffisance des quantifications, ces maux ne disparaitrons pas du seul fait d’un baccalauréat en contrôle continu. En revanche l’ajournement du mythe et la fin du « passe ton bac d’abord devraient permettre qu’un autre récit se tisse dans les écoles et les lycées, un récit dont les hautes figures ne seraient plus les mentions au baccalauréat mais bien le projet éducatif d’ensemble ciblant l’enseignement supérieur et favorisant les projets de chaque élève.

Un tel projet aura besoin en outre que la mission éducative soit remise au centre des projets pour la pays et surtout que, pour y parvenir, la question du recrutement et celle des salaires des enseignants soient traitées.
La crise sanitaire doit être surmontée, « coute que coute ». Elle le sera, n’en doutons pas. Les investissements de l’Etat, des contribuables donc, auront plus que jamais à être expliqués et justifiés. Il faudra aussi veiller à ce que les « dépenses d’éducation » soient efficacement mobilisées.

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