Le thème n°4 (sur la « révolution de l’Ecole » ) des « Idées fortes » de la « Droite forte » publiées l’été dernier ( et dont les principaux dirigeants se réclament du »sarkozisme ») contient une proposition passée quasi inaperçue mais qui n’est pas a priori dénuée de sens, bien au contraire : « Symboliquement, nous renommerons le ministère de l’Education nationale, »le ministère de l’Instruction nationale » ».
Il s’agirait donc de revenir à une priorité dévolue d’abord à « l’instruction » par delà celle qui se serait imposée ensuite, à savoir une priorité donnée à « l’éducation ». Et, de fait, lorsqu’un ministère de plein exercice a été créé pour l’Ecole en 1824, la dénomination a d’abord été celle de « l’Instruction publique » avant qu’en 1932 le ministère devienne celui de « l’Education nationale ».
Mais cela ne signifie pas du tout qu’en réalité on est passé de »l’instruction » à »l’éducation » (de ‘‘l’instructif » à »l’éducatif ») si l’on regarde de près ce qui s’est passé, loin s’en faut. Le premier ministère de plein exercice dévolu à l’Ecole a d’ailleurs été institué en pleine période »ultra-royaliste » et »cléricale » par l’ordonnance du 26 août 1824 qui crée un « ministère des Affaires ecclésiastiques et de l’Instruction publique » confié à Mgr Denis Frayssinous (qui était déjà « grand-maître de l’Université », la supervision de l’Ecole étant alors intégrée au ministère de l’Intérieur) : il y va de ce que l’on appelait alors le ‘‘gouvernement des esprits ». Ce paradigme de »l’Etat éducateur » a été repris explicitement par François Guizot et Jules Ferry lui-même ( l’intitulé « instruction publique » ayant été préféré à celui d’ »éducation nationale » parce que ce dernier intitulé appartenait plutôt au moment le plus révolutionnaire et le plus démocratique de la Révolution française : et ceci aussi a du sens…).
Jules Ferry à la Chambre des députés le 26 juin 1879 : « Quand nous parlons d’une action de l’Etat dans l’éducation […], nous attribuons à l’Etat le seul rôle qu’il puisse avoir en matière d’enseignement et d’éducation. L’Etat n’est point docteur en mathématiques, docteur en physiologie, en chimie. S’il lui convient, dans un intérêt public, de rétribuer des chimistes, des physiologistes, s’il lui convient de rétribuer des professeurs, ce n’est pas pour créer des vérités scientifiques ; ce n’est pas pour cela qu’il s’occupe de l’éducation : il s’en occupe pour y maintenir une certaine morale d’Etat, certains doctrines d’Etat qui importent à sa conservation ». Et le ministère est toujours celui de l’ « Instruction publique » ( auquel s’ajoute parfois celui des »Cultes » )…
Il est non moins significatif que la changement de dénomination du ministère effectué par Anatole de Monzie le 3 juin 1932 se situe dans la perspective de la mise en place d’une « Ecole unique » , à savoir un système scolaire plus démocratique qui mette fin au système dual d’une »école pour les privilégiés » ( avec ses lycées ou collèges et leurs classes élémentaires, toujours payantes) et une »école pour les enfants du peuple » ( avec ses écoles communales, gratuites). On comprend alors ( et dans ce sens là…) que l’intitulé « éducation nationale » soit préféré à celui d’ « instruction publique »…
Décidément l’Histoire est plus compliquée ( et plus révélatrice) qu’on ne le pense généralement.
Très bon article thks
Vous savez certainement que les mots ont un sens.
La Nation a déjà plus que du mal à instruire les enfants (il n’est que de voir nos résultats internationaux) pour que l’on lui laisse « foirer » l’éducation de nos enfants.
Rappelons nous qu’aux frontons de nos mairies sont inscrits ‘Liberté, Egalité, Fraternité » Et la première des libertés est bien d’éduquer ses propres enfants et d’accepter que la Nation les instruise.
Enfin Le 20 novembre 1959, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté et proclamé à l’unanimité une Déclaration des droits de l’enfant, en stipulant dans l’article 7 : »L’intérêt supérieur de l’enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents. »
Donc, si l’on veut que les parents fassent leur boulot, il ne faut pas leur faire croire que la « Nation » s’en occupe à leur place.
A vous lire…
Cordialement