Cracking the management code

Parcoursup, combien de lutins ?

Il y a quelques années, j’aidais mes enfants à écrire leur lettre au Père Noël, maintenant, j’accompagne la rédaction de leur lettre de motivation pour ParcourSup.

En effet, le nouveau dispositif Parcoursup d’orientation vers l’enseignement supérieur demande aux candidats de communiquer leurs motivations pour chacune des formations qu’ils visent, et il est bien précisé que sont attendues une lettre et des motivations spécifiques pour chacune des formations

Le format est libre mais très, très réduit (1500 caractères soit une demie-page) .

C’est là où je pose la question : Parcoursup : combien de lutins ?

Parcoursup : combien de lutins ?

En effet, une fois la lettre au Père Noël rédigée avec sa longue liste de cadeaux tant espérés, il y a toujours un enfant qui pose la question d’un air très inquiet : « Mais il fait comment le Père Noël pour lire toutes ces lettres ? Pour ne pas se tromper de cadeaux ? Pour ne pas échanger les cheminées ? » La réponse des parents est imperturbablement : « Il a beaucoup de lutins qui l’aident, à lire les courriers, à fabriquer les jouets, à les répartir pour la tournée, pour indiquer les bonnes adresses etc etc etc… ». La vraie force du Père Noël, ce sont ses lutins, leur nombre, leur engagement, et leur compétence d’organisation.

Revenons à Parcoursup : si mon fils ou ma fille me demande : « Comment les professeurs vont-ils prendre connaissance de toutes ces lettres de motivation ? Comment vont-ils les prendre en compte dans la sélection l’intégration ? Dans quelle mesure la teneur d’une lettre, ou sa présentation peut-elle infléchir le classement basé sur les notes ? etc etc etc .. »

Je suis bien en peine de lui répondre.

Des hypothèses

Si je m’en fie à mon expérience d’  « avant APB », en tant que chef de département dans un IUT, je me souviens du temps passé par toute l’équipe pédagogique à analyser les dossiers de candidatures :

– il fallait vérifier pour chaque dossier le parcours du lycéen (ou étudiant en réorientation), ses notes des deux dernières années, mais aussi et surtout évaluer la partie qualitative : la narration des expériences, le projet professionnel, les motivations, les compétences spécifiques en lien avec le projet de formation …

Chaque item était noté selon un barème très précis et permettait ainsi d’établir un classement de l’ensemble des dossiers. Sauf cas particulier (comme un dossier ayant posant question à son correcteur qui faisait alors l’objet d’une discussion), le classement ainsi établi était la base de la liste d’admission.

–  C’est pour la liste d’attente que les choses devenaient plus complexes car il fallait la classer et regarder les dossiers de plus près pour éviter la candidature « hors les clous ». Cette nouvelle analyse et le nouvel arrangement qui en résultait se faisait lors d’un jury d’admissibilité (car il avait un oral derrière) pour garantir les échanges de vues et une transparence maximale.

Les facteurs clés de succès de cette opération étaient :

  • Un dossier très étudié dans ces questions et son organisation qui « collaient » aux spécificités de la formation,
  • Un ratio nombre de candidatures/nombre d’enseignants-évaluateurs assez faible pour que le travail soit bien fait et supportable pour le équipes pédagogiques

Croire au Père Noël ?

En ce qui concerne le dossier Parcoursup : les dossiers sont largement formatés et tout particulièrement la lettre de motivation. Des media très compétents (comme L’Etudiant) ont proposé des modèles de réponses. Le risque est immense d’avoir une masse de lettres toutes copiées collées les unes sur les autres, avec les mêmes profils, les mêmes aspirations, les mêmes expériences, les mêmes défauts, les mêmes qualités ….

Dans ces conditions, quel peut être alors leur impact ?

De même, combien d’enseignants vont être impliqués dans cette tâche qui va consister à analyser les dossiers ? Quand on voit qu’un nombre non négligeable de formations peuvent se targuer de milliers de candidats ?

 Une lettre qui discrimine ?

Un autre doute me vient : si le Père Noël se moque complètement des fautes d’orthographe ou de grammaire, est-ce que cette lettre (comme d’ailleurs les formulaires d’auto-évaluation) ne comporte pas un risque de discrimination ? Avec, d’un côté, ceux et celles qui sont bien entouré-e-s ? et … les autres, qui ne peuvent pas avoir recours à un soutien familial (en tous les cas, sur ces compétences).

Comment les professeurs de lycée accompagnent-ils cette rédaction ? Ce qui surajoute aux risques de « conformité » des contenus.

 Où finissent toutes ces lettres ?

Je ne mets pas en doute les bonnes volontés, la plateforme Parcoursup est claire, pédagogique et n’a plus rien à voir avec l’horrible APB pour ceux et celles qui l’ont connu, mais j’aimerais tout de même, pour tous les lycéens et lycéennes, plus tous les étudiants et étudiantes en réorientation qui vont placer leurs espoirs et leur avenir dans cette plateforme en savoir un peu plus.

Et cela me rassurerait si des lutins, des professeurs pouvaient nous expliquer comment, à l’autre bout de la chaîne ils vont gérer ces dossiers, si nombreux et si semblables.

Leur donne-t-on les moyens de procéder sérieusement à cette mission si importante d’orientation ?

J’espère sincèrement qu’on ne nous ne raconte pas une belle histoire, et que toutes ces lettres ne finiront pas comme celles qui s’adressent au Père Noël, dans les nuages le cloud !

 

Si vous avez aimé ce billet, partagez le ;:-)

 

 

 

 

Commentaires (3)

  1. Pierre Dubois

    Tout à fait d’accord avec l’analyse et les questions posées

    Et dans tout cela, quelle va être l’impact de la disparition de la Fiche Avenir ?

    https://histoiresduniversites.wordpress.com/2018/03/14/la-fiche-avenir-a-disparu/

    Avec mon meilleur souvenir

    Répondre
  2. Observatoire de la sélection universitaire

    C’est précisément le but de l’Observatoire de la sélection universitaire : donner la parole aux lutins!

    Répondre
  3. Damien

    Bonsoir,

    je ne vais pas vous rassurer en vous disant que certaines universités se posent encore la question.

    Le gouvernement a imposé un train d’enfer mais les outils techniques ne suivent pas.

    Ainsi Parcoursup sera pleinement fonctionnel que le 9 avril. La date de fin est fixée au 18 mai pour l’étude des dossiers.

    Cela fait 26 jours ouvrables maximum pour étudier des dizaines de milliers de dossiers. Sachant que cette tache n’est pas prévue dans les taches statutaires des professeurs, certains ne se privent pas de le faire remarquer et ne participent pas au processus.

    Un exemple: la PACES a reçu 5000 dossiers. Il n’y aura que 3/4 administratifs sur cette tache; avec toutes les taches habituelles en plus bien sur. Ca fait 50 dossiers par jour par personne; ce qui est tenable mais conjugué aux autres taches…

    Alors il faut pas se faire d’illusions, certaines facs vont se reposer uniquement sur le classement de l’outil d’aide à la décision en shuntant les éléments qualitatifs (coef à 0 sur la LM et autres), d’autres vont mettre tout le monde 1er sans étudier les dossiers, etc.

    On sait ce que l’on perd, on se sait pas ce que l’on gagne.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.